Il n’aura fallu que quelques heures, quelques minutes pour que Haïti ne soit devancée par Nabilla dans la hiérarchie des infos du jour. 

Attention ! j’ai beaucoup de compassion pour Nabilla. Se faire dérober pour plusieurs centaines de milliers d’euros de bijoux, le jour de son mariage au château de Chantilly, ce n’est pas donné à tout le monde. 

Mais ma compassion s’arrête là. 

En revanche, ce qui se passe en Haïti – l’assassinat du Président Jovenel par des gangs mafieux – appelle non seulement notre compassion, mais plus que cela : une infinie tristesse et une immense colère. 

Colère et tristesse parce que Haïti est plus qu’Haïti, plus qu’une petite île misérable des Caraïbes, plus qu’une poignée – 7 – 8 – 10 milllions ? – de miséreux qui ne voient comme seul avenir au naufrage de leur pays que la fuite, vers les États-Unis bien sûr, vers la Guyane, vers le Chili. 

Colère et tristesse parce Haïti est une histoire, une page fondatrice de notre histoire, un marqueur dans l’histoire universelle. 

C’est sur ce bout de terre de rien du tout, qu’il y a plus de 200 ans, les ancêtres de cette poignée de miséreux se sont révoltés contre l’esclavage, contre la domination, qu’ils ont fait leurs, les idéaux de la Révolution française : Liberté, Égalité, Fraternité. 

Écho tropical de la révolution française, puis trahie par Napoléon, Première République noire et la seule pendant longtemps, creuset artistique et culturel, mélangeant l’Afrique, la langue française, créant la langue créole, une religion, le vodou, Haïti devrait susciter notre curiosité, notre compassion, notre solidarité. Nous avons une dette à l’égard d’Haïti. Et pas l’inverse. Et cette dette est non seulement morale. Elle est politique. Elle est aussi financière. Sait-on suffisamment qu’Haïti a payé à la France pendant 100 ans, une rente annuelle comme dédommagement des propriétés des colons français chassés d’Haïti. C’était le prix pour que la France reconnaisse l’indépendance de son ancienne colonie. Une honte quand on y pense. Mais en France qui y pense ?

Et Haïti s’enfonce, s’enfonce. Il n’y a plus d’État. Le pays est sous la coupe des gangs, des mafias de toute sorte qui se servent de ce pays ouvert comme d’une base relais pour leurs trafics vers les États-Unis, vers l’Europe. Chaque année l’on pense qu’on a touché le fond, et l’on découvre qu’il y plus profond que le fond.  

Alors bien sûr, même si Haïti c’est infiniment moins de followers que Nabilla, mais, désolé son naufrage est immensément plus important que le vol de bijoux d’une starlette de télé-réalité, qui de toute façon devaient être assurés.  

Que peut-on faire ? Peu de choses sans nul doute, mais peu serait déjà mieux que rien. 

Rien, c’est l’indifférence, le silence qui nous rendrait complices. 

Le silence des médias français est coupable.