Non, en ce triste jour anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par Poutine, je ne suis pas naïf.

Poutine n’est pas un enfant de chœur.

Poutine est un dictateur cynique, il est sans foi ni loi, je ne lui donne pas le paradis sans confession et pour dîner avec lui, si cela arrivait un jour, il faudrait comme pour le diable, avoir une très très très longue cuillère. 

Mais il est commode de voir la main de Poutine partout. Poutine : l’excuse facile pour ne pas balayer devant notre porte. Les Russes : responsables de tous nos déboires ; notamment en Afrique. 

Centrafrique, Mali, Burkina, partout l’armée française a dû se retirer. Les rumeurs les plus abracadabrantesques accusent la France de tous les maux, les gouvernements dictatoriaux utilisent les vieux arguments de la Françafrique, du néo colonialisme, d’ingérence dans les affaires intérieures, pour masquer leurs turpitudes et rester au pouvoir. Même Marvel surfe sur la tendance, le dernier Black Panther: Wakanda Forever met scène des soldats français attaquant le Mali pour s’approprier des ressources en vibranium. 

Mais ce ressentiment ne date pas de la guerre en Ukraine, ni même du règne de Poutine. 

Il remonte à la colonisation et surtout à la décolonisation que nous avons un peu, beaucoup, ratée. 

Nous avons donné le sentiment d’avoir un double discours, démocratie, droits de l’homme, transparence pour nous et de l’autre soutien à des régimes dictatoriaux, corrompus et indéfendables, mais que nous avons défendus et que nous continuons à défendre parce qu’ils se présentent comme les amis de la France.

Les Russes auraient tort de ne pas en profiter. 

Bien sûr, les punchlines africaines du ministre russe des Affaires étrangères : « libérez-vous de la tutelle de vos anciens colonisateurs ». « Russie-Afrique, même combat contre l’Occident ! » auraient de quoi faire hurler de rire de la part du seul pays européen qui a réussi à conserver tout ou partie de son empire jusqu’à aujourd’hui ! S’il n’y avait en jeu la vie et l’avenir de millions de personnes. 

Gageons que les milices Wagner passeront dont on sait que les hommes torturent, violent et tuent sans scrupule, avant de piller et de détourner à leur profit diamants ou or. Mais au bout de combien de victimes – civils – en Afrique ?  Les gouvernants eux s’en sortiront toujours.

Restera en revanche cette petite musique russe (on est loin de Tchaikovsky) que partagent beaucoup de pays africains, américains, asiatiques et même européens contre la « civilisation occidentale décadente ». L’homosexualité ? une maladie amenée par les blancs. Le droit des femmes ? Le droit à l’avortement ? des valeurs de blancs. …

Les vieilles sociétés machistes repointent le bout de leur nez, sans complexe, et l’on retrouve cela jusqu’aux États-Unis, jusque chez nous, jusque dans des pays considérés comme stables et démocratiques comme le Sénégal. 

A nous de faire des efforts pour démontrer que liberté, égalité, fraternité, ne sont pas des valeurs réservées aux seuls français ou aux seuls « occidentaux ». 

C’est un vieux combat, aussi vieux que l’indépendance d’Haïti en 1804. Car c’est au nom de ces idéaux-là que les esclaves de Saint-Domingue s’étaient révoltés, et qu’à Paris, l’assemblée constituante avait aboli l’esclavage une première fois en 1794 ; « tous les hommes naissent libres et égaux en droit ». Tous.

Trahis par la France impériale, les anciens esclaves avaient alors bouté les soldats de Napoléon hors d’Haïti. 

Apparemment nous n’avons pas encore suffisamment appris de notre Histoire.