Nous devons tout.e.s être schizophrènes. Nous françaises, français.

D’un côté nous passons notre temps chez nous à vouloir couper toutes les têtes qui dépassent, à tenter de déchouker tout ce qui rappelle l’autorité, à râler contre notre système présidentiel, à critiquer les présidents « monarques républicains », à nous dire insoumis, indignés, à mettre nos pas dans ceux de nos nombreuses révolutions, liberté égalité fraternité, et de l’autre, qu’est-ce qu’on apprend ? 

Que des millions d’entre nous se pâment devant le jubilé d’Elisabeth. 

Que nos télés diffusent en direct et en boucle les émissions spéciales Elisabeth-II-une-vie-un-règne.

Certes ça nous change de la guerre, de la pandémie, de notre vie politique qui ne fait rêver personne, mais sur le fond…

D’abord, la reine n’est pas Élisabeth 2 pour tout le monde. 

Notamment pour une partie des écossais nationalistes, qui rappellent qu’elle ne peut être qu’Elisabeth 1. Car à l’époque vers 1550, c’était Marie (de France) qui était reine d’Ecosse. La pauvre fût emprisonnée puis décapitée par sa cousine Elisabeth d’Angleterre. 

Le pire ce sont les commentaires, à longueur d’émissions avec force spécialistes, tous dégoulinants de niaiseries et componctions. « Je l’admire » « Quelle classe » « Quel courage ».

Elisabeth II en mère Courage ? 

Non mais on se pince. Courage de quoi ? d’être née avec une cuillère en argent et des rivières de diamants dans la bouche ? de ne pas pouvoir faire un pas sans qu’une ribambelle de domestiques, majordomes, cuisiniers n’anticipent ses moindres désirs. D’avoir tout au long de sa vie, vécue aux frais de la princesse, et en l’occurrence, aux frais de ses « sujets » ?

De n’avoir accepté que récemment de payer des impôts ? 

D’être à la tête d’une des plus grandes fortunes de Grande-Bretagne ? 

D’être la plus grande propriétaire foncière du royaume? 

De posséder une grande partie de Londres ? 

Ouh ! ça doit être dur …

En plus, politiquement, elle n’a rien à dire, rien à faire, elle n’est responsable de rien.

Franchement pour tout ça, je suis prêt à endurer 70 ans de réveil à la cornemuse. 

On nous vend également Elisabeth comme étant la descendante de 1000 ans de souverains. Oui, enfin, pas tout à fait en ligne directe, parce qu’elle n’est ni Plantagenêt, ni Tudor, ni Stuart. Les Windsor sont autant Windsor que vous ou moi. En fait, ils sont d’origine allemande : Saxe-Cobourg. 

Allemands comme le grand-père, Albert, comme le mari, le Prince Philip, plus danois, allemand ou grec qu’anglais. La royauté anglaise, c’est comme pour le foot : à la fin ce sont les allemands qui gagnent. 

 Et puis ne venez pas pleurnicher en regrettant que « nous » ayons coupé la tête de nos rois. Les anglais l’avaient bien fait, et à la hache, 150 ans avant notre révolution.

Ceci dit, chapeau bas quand même. Et en matière de chapeau, c’est vrai que le ringardisme d’Elisabeth a fini par devenir un dress-code. Chapeau bas, parce que les fêtes liées à la royauté en Grande-Bretagne, c’est mieux que Disney, les JO, et le bicentenaire de 1789, réunis : Une stratégie de communication mondiale inégalée, une pompe à fric touristique formidable. Avec tellement de produits dérivés, de mugs, de T-Shirts, que même notre (superbe) 14 juillet ne peut égaler. 

Ceci était un article sans-culotte. Cependant…J’admets quand même que Macron devant la pyramide du Louvre ou au Champ de Mars, ça fait moins rêver que « trooping the colour », bonnets à poils compris.