Marisa Monte à Paris mal filmée par mes soins
Le concert de Marisa Monte à Paris mal filmé par mes soins

Ma dernière tentative de selfie et de story m’a foutu la rchouma

C’était vendredi dernier pendant le concert, le seul à Paris, d’une des plus grandes chanteuses brésiliennes : Marisa Monte. 

Normalement, je me conduis en garçon bien élevé : Je respecte ce qui est demandé par l’artiste : ni photo, ni téléphone. 

Mais je devais bien être le seul, car autour de moi, tout le monde a passé le concert à faire des selfies, des lives etc…

D’un coup, j’ai mesuré à quel point un fossé me séparait de cette nouvelle génération – comment faut-il l’appeler après les générations X, Y, Z, Millenium ? Appelons-la « génération nombril ». 

Car, si j’ai bien compris, l’important n’est pas d’assister à un concert, mais de se filmer en train d’assister à un concert. 

L’important n’est pas d’admirer la Joconde au Louvre, mais de faire un selfie : moi et la Joconde. 

L’important n’est pas ce que j’ai dans mon assiette au restaurant, mais d’instagramer mon assiette, ensuite un petit coup de filtres, et ça devient : Tous photographes. Et on tague, et on hashtague, et on partage.

Notre vie aujourd’hui est épuisante, car nous devons nous mettre en spectacle en permanence et plus c’est personnel, plus c’est nombriliste, mieux c’est. 

Question de génération ? pas sûr, parce que je vois bien que même les vieux s’y mettent, à instagramer voire même à tiktoker. 

C’est peut-être plus une question d’éducation ou de valeurs. 

Prenez les journalistes aujourd’hui, les reporters. Je fais partie d’une école qui pensait que ce qui était important c’était le sujet, c’étaient les personnes que l’on rencontrait, que l’on interviewait. « Quelque part » il fallait rester en retrait derrière son reportage. 

Aujourd’hui – et bien sûr, je ne parle pas des formidables consoeurs/frères qui font preuve d’un courage qui force l’admiration pour essayer de continuer à couvrir l’actualité en Ukraine ou dans toutes les zones de conflits – non je parle du journaliste qui se fait filmer en train d’enquêter. Ce n’est plus le reportage qui est le sujet du reportage, mais le reporter en train de faire le reportage. 

Aujourd’hui c’est génération « Tintin reporter ». 

Pour revenir au concert de vendredi, je l’avoue j’ai un peu le seum. 

Car même si j’ai fini par rebrancher mon smartphone et que j’ai essayé de filmer quelques secondes du concert, j’avais tellement mauvaise conscience que le résultat est nul. 

Le comble est que le hasard m‘avait assis à côté de Chico Buarque… Vous vous rendez compte ?  Sans doute pas. 

Chico Buarque de Hollanda, un des plus grands chanteurs, compositeurs, auteurs brésiliens. Un des pères de la MPB (la nouvelle musique populaire brésilienne), l’auteur de “Pedro Pedreiro”, de “construção”, emprisonné par la dictature militaire en 1968, exilé en Europe d’où cette chanson nostalgique, le « Samba de Orly » … 

C’était comme si j’avais été assis à côté de Ray Charles, Celia Cruz, Jacques Brel, tout ça réunis. Je me suis comporté comme le pire des groupies, incapable de lui dire 2 mots intelligibles, incapable de faire un seul selfie « moi avec Chico Buarque », juste une photo volée…

Ça m’en a gâché le plaisir de ce concert qui était absolument topissime.  Quand la musique brésilienne atteint ces sommets-là, ça vous booste et ça vous rend optimiste. 

A l’image de Marisa Monte qui dans une interview au Monde répondait : « Le Brésil, on s’en fait souvent l’idée d’un pays très joyeux mais il a vécu énormément de drames. La période que nous traversons actuellement est difficile. Nous allons récupérer cette joie. J’espère que nous arriverons bientôt à la fin d’un cycle, à une période lumineuse et d’humanisme. Nous devons y parvenir même si ce n’est pas encore gagné. ». 

Au Brésil les prochaines élections se dérouleront en octobre prochain…