Nous dansons sur un volcan, avait coutume de répéter une de mes grand-tantes, Claire.

Avait-elle été traumatisée par l’éruption de la montagne Pelée en 1902 : 30 000 morts, 1/3 de la population de la Martinique à l’époque, un exemple tragique de catastrophe naturelle, d’impréparation gouvernementale, de minables petits calculs politiques etc… 

Évidemment l’on peut prendre le « danser sur un volcan » au sens figuré. 

Si l’on suit l’actualité telle qu’elle nous est présentée sur les réseaux sociaux avec le tam tam des chaines infos, nous dansons sur des tas de volcans. Tout est historique et breaking news, une catastrophe chassant l’autre. 

Après le Covid, la variole du singe, la guerre en Ukraine, notre prochaine vitrification nucléaire, la canicule, la sécheresse, re-lecovid, la Chine qui veut avaler Taïwan …mais qui voudrait mourir pour Taiwan : « je peux pas , j’ai cardio ». 

Et puis notre système de santé qui fout le camp, la pollution, l’alimentation qui nous empoisonnent : Notre espérance de vie est de 25 ans plus longue que celle de nos aînés, mais ça aussi on l’oublie, puisque nous gardons le souvenir de la grande-tante , qui a vécu 90 ans, mais pas de celles et ceux qui étaient morts avant 65 ans, Pierre, Louise, Claudius, Eugenia, Paul … l’immense majorité. 

Et puis, allons-nous mourir de froid, cet hiver ?  Et puis, allons-nous manquer d’essence ? Et puis allons-nous nous éclairer à la bougie ? Et puis la vie chère, l’inflation qui explose … 

Nous n’avions jamais vécu ça. « Je n’avais jamais vu ça « . Enfin, si, mais personne ne s’en souvient :

Tiens, sous Giscard, Premier Ministre Raymond Barre, surnom : le meilleur économiste de France, il engueulait les journalistes en leur expliquant : jamais l’inflation n’atteindra les 2 chiffres, 6 mois plus tard, 12 – 15 % , des chiffres comme ceux que connaissent aujourd’hui les Pays-Bas, l’Espagne. Curieusement pas chez nous. Curieusement ?

Merci surtout au bouclier mis en place par le gouvernement. Mais qui ne sert à rien, puisque nous continuons tous à nous plaindre de ce « salaud de Macron, le Président des riches », et que cela plombe la dette que devront rembourser les futures générations. On s’en fout, les conseilleurs d’aujourd’hui ne seront pas les payeurs de demain, puisqu’ils seront morts.

Et puis il y a le changement climatique, et la part que les activités humaines, notamment et surtout celles des pays développés, Europe, États-Unis ont joué et jouent dans son accélération. « Nous allons tous griller » s’inquiète une dame plutôt âgée en achetant les dernières framboises, « depuis que je sais que les vaches pêtent, je ne mange plus de viande » s’insurge un autre qui se rabat sur des bananes(sic).

En matière de climat, il y a ce que nous pouvons et devons faire pour arriver à ne plus aggraver ces dérèglements, et ce qui est de l’ordre des évolutions « naturelles ». 

Mais même dans ce domaine, les “caprices de la nature”, il n’y a pas de fatalité. Il y a surtout de l’impréparation. 

Prenez les tremblements de terre.  Un choc sismique de 7,2 ou 7,4 a fait 300 000 morts en Haiti en 2011 ? un choc encore plus puissant n’en fait que 30 à Tokyo… Les pays les plus pauvres sont ceux qui paient le plus lourd tribut. Normes de construction, éducation de la population, corruption ? C’est le Bangladesh que menace la montée des océans, pas les Pays-Bas : eux, cela fait 10 siècles qu’ils vivent avec l’eau et pas contre l’eau. 

Et il en va de même avec les volcans.  

En 1883, l’explosion du Krakatau en Indonésie avait provoqué 10 ans d’hiver et de famines sur toute la planète jusqu’en Europe. 

En 1783, l’éruption du Laki en Islande avait recouvert l’Europe d’un nuage toxique provoquant morts et famines, hivers rigoureux, la Seine gelant même à Paris. Pour certains cela aurait été un des facteurs du déclenchement de la Révolution française.  

Et plus récemment, en 2010, l’éruption du volcan islandais, l’Eyjafjallajökull… avait désorganisé les liaisons téléphoniques et aériennes sur toute l’Europe de l’Ouest. ….

Sans même aller jusqu’en Islande ou en Indonésie, tout le monde sait que le Vésuve qui a enseveli Pompéi il y a 2000 ans, pourrait à nouveau se réactiver n’importe quand. Mais avec 3 millions d’habitants à ses pieds, Naples, Pouzzole, au lieu des 10 000 de Pompéi à l’époque, bonjour les dégâts… tout est-il vraiment prêt ? 

Depuis une semaine, au large de la Campanie et de la Sicile, le Stromboli crache et gronde de plus belle, l’Etna en Sicile également, des amis sur place m’indiquent que les habitants organisent des processions à la Santa Madonna. 

Cela ne peut pas faire de mal. Mais prévoir, anticiper, éduquer, serait encore mieux : face aux « caprices » de la nature, pas de fatalité.

Décidément, ma grand-tante Claire avait raison : nous dansons sur un volcan.