Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : gastronomie

Pour la défense de la quenelle ?

Ceci sont de vraies quenelles !
C’est très choquant : la quenelle est aujourd’hui assimilée à un geste raciste, négationniste, d’une grossièreté sans nom, puisqu’apparemment, elle signifie : « je vous le mets bien profond » encore une démonstration de l’obsession de la sodomie (voire plus) chez une partie des mâles. 
Mais comment en est-on arrivé là ? Entre Dombes et Saône, Bresse et Rhône, on sait bien que la quenelle, la vraie, est un plat d’une exquise finesse, volailles de Bresse, écrevisses des étangs de la Dombes, sauce Nantua, des soufflets d’une légèreté sans pareil, dont la cuisson ne supporte aucun à peu près, au four juste à la bonne température, juste la durée qu’il faut, et alors lorsque ce mets que la terre entière nous envie, se met à gonfler, à doubler de taille, il faut vite le servir pour qu’il soit dégusté encore gonflé. On sait cela à Lyon depuis les mères Brazier ou Charles ( à Mionnay), depuis le Paul ( Bocuse) et puis un peu partout dans la région où la seule vraie noblesse, est celle des petits pois, celle des charcutiers, des traiteurs, des pâtissiers, des cuisiniers. 
Déjà qu’ils nous avaient fait un mauvais coup avec l’obligation de manger des « quenelles » en conserve dans les cantines scolaires. Je mets le terme entre guillemets, car ces plats ont autant à voir avec les quenelles, que les choucroutes servies également dans ces mêmes cantines avec les vraies choucroutes. Du coup, ce sont des générations de français qui ont été écoeurés par les quenelles, les assimilant à un plat dégueulasse. 
Et maintenant ça, ce geste ? Et ça fait rire certains ? Ça donne plutôt envie de pleurer. Comment se fait-il qu’à l’heure de balance ton porc il n’existe pas #balancetaquenelle ? Les quenelles ne sont-elles pas une recette déposée ? Il faudrait qu’elles soient inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco. Pour éviter ces détournements et ces contrefaçons. 
Allez vite une pétition, ou même un référendum. Pour la défense et l’illustration des vraies quenelles, exemple culinaire du vrai savoir-faire lyonnais et de la tradition française.

Joël Robuchon : les étoiles ne meurent jamais !

C’était il y a quelques mois dans Topchef, la dégustation de Chef Robuchon !
Le vrai tombeau des morts c’est le cœur des vivants. Cette phrase tellement citée qu’elle en a perdu de sa force est souvent attribuée à Cocteau. Elle est en fait de Tacite, 2000 ans plus tôt. Et elle reste très juste pour un Pape de la cuisine comme Joël Robuchon, mais pour lequel on pourrait ajouter : Le vrai tombeau des morts c’est le palais des vivants. 
Bien sûr il est difficile de s’y retrouver parmi tous les hommages qui se bousculent lorsqu’une telle personnalité disparaît. A l’heure des tweets et des chaînes toutinfo, comment faire la part des choses ? 
Il y a les réactions officielles où tous les éléments de langage ont tellement été soupesés que l’on ne sait même pas si l’Elysée a vraiment du palais. Twitter, c’est difficile: Comment arriver en quelques mots à faire passer une émotion, du sentiment, le plaisir que procure un plat exceptionnel ?
Il y aussi le rappel du nombre d’étoiles obtenues par Joël Robuchon, ces étoiles Michelin qui sont à la cuisine ce que les Prix Nobel sont à la science, ou les Emmy Awards à la musique. Il en avait 24, 32 au sommet de son art, C’est impressionnant, mais cela reste abstrait pour la plupart d’entre nous.
Sur son empire, le soleil ne se couchait pas, avec des restaurants de Monaco à Tokyo en passant par Las Vegas et Paris. Là aussi cela reste abstrait, même si l’on a conscience que des chefs comme lui, comme, Bocuse disparu en janvier, comme Ducasse aussi, font partie de ce luxe que le monde entier nous envie, et pour lequel il est prêt à payer, et cher. Cette marque France qui a à voir avec notre culture, notre histoire, nos terroirs, notre savoir-faire: Hermès, Vuitton, Saint-Laurent, Mouton-Rothschild, Clos-Vougeot, Versailles et la Tour-Eiffel, et donc aussi Bocuse ou Robuchon. Si on y ajoute … Kylian Mbappé (!), le Mozart de la planète foot, on a fait là le tour de l’excellence française, une des seules choses qui semblent encore nous rester dans un monde dont le centre de gravité s’est déplacé vers l’Asie. 
Notre quotidien est très éloigné de ces marques qui font notre image, et les éloges de la part de journalistes qui répètent en boucle des hommages désincarnés, nous passent un peu au-dessus de la tête. 
Aussi quand on tombe par hasard, sur une émission télé où l’on revoit Joël Robuchon goûter un plat, on comprend ce qui faisait son art et son génie. C’était sur M6 qui a eu la bonne idée de rediffuser une épreuve du dernier Top Chef. 
Les candidats présentent une recette de pomme de terre. Il y en a 4, toutes plus sublimes les unes que les autres et le chef doit les départager. Et là, même sans l’odeur et le goût, il nous fait partager sa dégustation. On est dans son palais, et l’on découvre avec lui l’importance de la cuisson juste, le sens du moelleux, le contraste des textures, l’équilibre des saveurs, la gourmandise d’un plat, la touche de folie qui fait toute la différence, et l’on devient d’un coup génialement gastronome. Et infiniment reconnaissant d’être ressorti moins bête, plus riche de cette transmission d’expérience. 
Joël Robuchon n’est pas mort, puisqu’il vit pour toujours dans notre mémoire gustative.

Mon déjeuner avec Monsieur Paul !

Monsieur Paul: No comment ! 
Jeune étudiant, j’avais choisi de rédiger un mémoire sur la gestion des PME de luxe, avec l’exemple des restaurants 3 étoiles. 
J’appelle le restaurant Paul Bocuse à Collonges, recommandé par des amis communs. C’était un samedi et on me donne rendez-vous vers 14 heures. J’arrive à Collonges. Il m’accueille. Un géant qui vous broie la main. Il me dit qu’il a encore à faire en cuisine et me demande « Tu as déjeuné ? ». Que peut-on répondre à Paul Bocuse qui vous demande si vous avez déjeuné ? J’avais déjeuné mais évidemment j’ai répondu non. Il appelle un garçon. «Installe le gamin à cette table, et tu lui fais goûter un peu de tout . Et sers le bien !». Ce fût… pas racontable, d’autant que vers 15 heures, le voilà, il s’installe, vérifie que je « casse bien la croûte », et nous commençons à discuter.
Et là – nous sommes en 1974 – il me déroule tous ses projets, toutes ses prémonitions. Ses brasseries, sa conquête du monde, Institut Paul Bocuse avec ses masters dans le monde d’entier, les Bocuse d’or, l’événement de la gastronomie mondiale tous les deux ans, les Halles de Lyon- Paul Bocuse.
Nous étions là, dans ce temple de la gastronomie, moi le petit étudiant, lui le pape de la cuisine, et “Monsieur Paul” accordait deux heures de son temps, un samedi, après le coup de feu, au gamin venu l’interroger !!!
Paul Bocuse est mort. C’est un empereur qui vient de s’éteindre. Un monstre sacré. Le père de tous les cuisiniers français d’aujourd’hui. Bocuse a permis, a incarné le passage entre la cuisine française traditionnelle, Fernand Point, la Mère Brazier, la mère Fillioud, la cuisine des mères lyonnaises, à la cuisine française mondialisée, des Ducasse, Gagnaire, Marcon, Anne-Sophie Pic. Bocuse est le premier à être sorti de ses cuisines pour conquérir le monde. Connu en Chine, au Japon ou aux Etats-Unis, mais toujours les pieds dans son auberge de Collonges-aux-Mont d’Or à Lyon.
Bien sûr, depuis quelques années, il était malade et diminué mais quel bonhomme, un monde disparaît avec lui.
C’est la Tour Eiffel qu’il faudrait mettre en berne, une minute de silence dans tous les restos. 
Et puis, puisque au fronton du Panthéon, il est écrit : « Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante », rien ne conviendrait mieux que Bocuse au Panthéon national, lui qui y est déjà au Panthéon du génie gastronomique.
Mais bien sûr, ce n’est qu’une boutade, car jamais il ne voudra quitter Collonges, son Abbaye, ses limonaires et les rives de la Saône.
Adieu et merci Monsieur Paul !

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