Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : grève

Allo Paris, ici Cayenne. Nous avons un problème.

Ségolène Royal face aux 500 frères guyanais contre l’insécurité
Jusque là tout allait mal. Mais personne ou presque ne s’en souciait.
Il faut dire que si on vous dit Guyane, vous répondez : Euh … Le Bagne ? Euh…  Ariane, les fusées ? Euh…ah ! oui, Christiane Taubira. En oubliant que celle-ci a été battue deux fois aux élections pour la mairie de Cayenne, plus une dernière défaite aux régionales de 2011. Mais nul n’est prophète en son pays. Surtout en Guyane.
La Guyane était un bon pays, un bout de forêt amazonienne où contrairement aux clichés de l’île du diable et de Papillon, il faisait bon vivre, le long de ses fleuves et de ses rivages immenses.
Mais en 30 ans, elle a littéralement explosé. Pire qu’un lancement raté d’Ariane. Passant de 50 000 habitants à 200 000 habitants. C’est comme si la France avait dû intégrer 150 millions de personnes ! Les communes, les collectivités territoriales sont dépassées par des charges qu’elles ne peuvent financer. Ecoles où 90 % des enfants ne parlent pas français ni créole. Hôpitaux où 90 % des femmes qui viennent accoucher sont brésiliennes, surinamiennes ou de Guyana. Il suffit de traverser un fleuve au milieu de la forêt pour se retrouver en France. Alors…
Et puis il y a la violence, qui s’est développée en quelques années seulement, et qui atteint des niveaux inimaginables, insupportables, 13 fois plus élevés qu’en métropole. Police, gendarmerie, légion multiplient les opérations coups de poing, augmentent leurs effectifs, mais rien n’y fait. Les autorités paraissent dépassées face aux clandestins brésiliens ou surinamiens qui viennent exploiter illégalement l’or dans l’intérieur de la Guyane, bousculant les populations tribales, polluant au mercure les rivières. Les mafias de tout poil ont transformé Cayenne en plaque tournante du trafic de drogue, les habitants s’enferment aujourd’hui derrière des grilles et la vente de Doberman fait fureur. La liste des plaies qui se sont abattues sur la Guyane semble infinie et la situation sans solution. En tout cas, aucune – sérieuse, durable – n’a été proposée, tentée par Paris.
C’est pour cela que le mouvement qui paralyse la Guyane, est plus que sérieux. Il est désespéré. Il a commencé par des actions coups de main des « 500 frères », un collectif qui proteste contre la délinquance. Il s’est amplifié parce que les autorités françaises ont tapé la fuite. Comme Ségolène Royal venue présider une Conférence internationale sur … la protection du milieu marin de la région caraïbe. Des « frères » en cagoule ont fait irruption en pleine conférence sous les yeux médusés de délégués venus des Etats-Unis, des Bahamas ou du Brésil pour réclamer à la Ministre que le gouvernement intervienne contre la violence.
Mais la Ministre s’est dépêchée de rejoindre la Guadeloupe puis les Etats-Unis où elle se place pour devenir la future Directeur du P.N.U.D.
Paris a décidé d’envoyer une délégation interministérielle mais sans aucun ministre, même pas celle de l’Outre-Mer, qui depuis Paris, a lancé un appel au calme. La ministre de l’Outre-Mer ? Ericka Bareigts. Vous n’en avez jamais entendu parler ? C’est normal, c’est une illustre inconnue, dont le choix montre bien l’importance que la France accorde à l’Outre-Mer. En d’autres temps, on aurait dépêché un ministre, voire un Premier ministre. Mais là, l’envoi de cette sous-délégation a été vécu comme un affront par les guyanais qui se sentent totalement abandonnés par Paris. Aujourd’hui le mouvement s’est transformé en grève générale. Bravo, bien joué !
Oh ! bien sûr, une solution va être trouvée très vite. Car le blocage des routes, des ports, des commerces cloue au sol le lanceur Ariane. Et chaque lancement annulé, ce sont des centaines des millions d’euros qui partent en fumée.
Mais ce ne sera qu’un pansement sur un grand corps malade, le temps de tenir jusqu’aux élections et de repasser la patate chaude aux suivants. Qui feront quoi ? Que proposent les candidats aux Guyanais, si ce ne sont de belles paroles ? Quel projet pour la Guyane et ses 50 % de jeunes, dont beaucoup sont au chômage ? Même les politiques guyanais n’ont pas de réponse.
Et pourtant la Guyane était un bon pays. Mais ça, c’était avant…

Nous vivons une e-poque formidable.

Euro 2016 : Brexit, indignés, grèves, attentats et Fan-zones: Alors on danse ?

Le foot pour tout oublier ?
Après la pluie, pardon : après le déluge, le soleil enfin, et un concert, un megashow sous la Tour Eiffel, Paris ville lumières, allez on danse.
Après les polémiques, les niques de Benzema et Cantona, le foot enfin, et un beau but, des larmes de vraie joie de Payet –Paillettes-, allez on danse.
L’euro chasse les infos. Jusqu’au 10 juillet, y’en aura plus que pour le foot. Ce n’est pas a-normal. Après tout c’est le sport le plus populaire. Mais c’est aussi ( surtout ?) du business. Et « on » nous bourre le crâne avec les bleus – tous supporters- tous ensemble- tous ensemble-, « on » fait monter la sauce, avec des suspens du style France-Roumanie, France-Albanie. C’est pas pour dire, ni pour mépriser l’Albanie, mais dans le genre, il y avait aussi France-Malte, ou France-Chypre, ou encore France-îles Féroë. A vaincre sans mérite, on triomphe sans gloire … « On » ? « On », ce sont ces grandes marques, ces grands médias qui achètent très cher les droits de diffuser la moindre image liée à la folie foot, et qui entendent bien maximiser leur retour sur investissement. Sous la Tour Eiffel mais devant Mac Do, allez, on danse.
Oubliée la crise de l’Euro. Au fait, où ça en est, la Grèce en faillite ? Et la reprise économique, partout en Europe ? Et les élections en Italie, avec le mouvement 5 étoiles qui risque de bloquer les velléités de réformes du premier Ministre Matteo Renzi. Le 19 juin, à Lille, on jouera France-Suisse. A Rome, on votera pour de deuxième tour d’élections municipales à haut risque. Allez, on danse.
Exit le possible Brexit. Le référendum en Grande-Bretagne, ce sera le 23 juin. Les sondages sont aussi indécis que le France-Roumanie pendant 88 minutes. Si les britanniques larguent les amarres, personne ne sait vraiment ce qu’en seront les conséquences. Une nouvelle chance pour l’Europe ? Genre : On largue les poids morts, les ceux qui trainent du pied, et on fait avancer la construction européenne. Ou bien, une catastrophe, avec Cameron comme capitaine, et comme icebergs la Chine, l’Inde, les Etas-Unis, la Russie sur lesquels nos petits pays dispersés viendront se fracasser. Comme sur le Titanic, allez, on danse.
Oubliées les élections en Espagne. Le 25 juin, sur la planète foot débuteront les 8 ème de finale. Et dans l’Espagne, de nouvelles élections qui risquent d’être tout aussi indécises que celles de décembre dernier. Bravo les indignés: Ils bloquent tout mais ne gagnent rien, si ce n’est peut-être de permettre l’avancée des nationalistes catalans qui, d’élections en élections, vont bien finir par détricoter l’Espagne. Mais l’Espagne n’a jamais existé sans Catalogne, ni Pays Basque… Allez, on danse.
Oublions les grévistes de Sud ou de la CGT qui rendent un peu aléatoire tout déplacement en France, oublions les poubelles qui s’amoncellent, oublions Air France, oublions la grève du 14 juin, oublions les 5 millions de chômeurs, allez, on danse .
Oublions, les réfugiés, les migrants : Combien arriveront sur les côtes italiennes, combien se noieront en Méditerranée pendant que nous jouerons au foot ? Allez on danse.
Et puis surtout y penser toujours, en parler, jamais: La menace de nouveaux attentats. Pendant, des mois, on nous a répété que nous étions en guerre. Que c’était obligatoire. Que nous étions une cible. Qu’il y aurait d’autres bombes, d’autres attaques. Tous ces stades, toutes ces fan-zones, tous ces déplacements, autant de cibles… Danser dans ces conditions, est-ce résister ou bien est-ce être inconscients.  Alors, on danse, vraiment ?
Nous vivons une e-poque formidable.

Radio France : Mais qu’a donc fait, ou pas, Mathieu Gallet pour mériter une telle grève ?

Mathieu Gallet en gravure de mode

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Pour être franc(s), et c’est le comble pour une entreprise qui est un des fleurons en matière de communication, on n’y comprend pas grand-chose dans la grève sans fin qui paralyse toutes les antennes de Radio France.
Depuis quelques semaines, son PDG est devenu la cible de toutes les attaques, l’objet de toutes les révélations. Et en dehors de Frédéric Mitterrand, qui l’avait en quelque sorte découvert quand il était ministre de la Culture, pas grand monde n’a pris sa défense.
Il y a l’histoire de la luxueuse voiture de fonction, celle de la rénovation du bureau, des bureaux, refaits pour 80-100 000 €. Bien sûr, ça fait tâche, surtout sur une moquette -LOL!-. Non je voulais dire: surtout lorsque l’heure est au serrage de ceintures et à 200, 300  « départs volontaires ».
Il y a également les conseillers en communication, contractés à l’extérieur pour 100 000 € ?  Là, c’est vrai qu’on se pince ; Mais qui a donc conseillé à Mathieu Gallet de se prendre des conseillers en com’, dans une maison qui regorge de spécialistes de la com’ ? En plus, quand on voit le cafouillis actuel, on espère que ces conseillers rembourseront Radio France.
Mais comment celui qui était paré de toutes les qualités et de toutes les vertus, est-il devenu un incompétent sans expérience, en quelques semaines seulement? 
Et certains de dire: C’est une erreur de casting du CSA (et tac, on tape sur l’indépendance très récente de cette autorité de l’audiovisuelle), c’est le fait du Prince (et tac, on tape sur l’ancien ministre de la Culture de Nicolas Sarkozy). Devant le CSA, il paraît qu’il a été brillantissime, plus que tous les autres candidats. Il aurait fait l’unanimité, pas une voix contre : Parmi les membres de ce conseil, des journalistes que je connais – Laborde, Kelly, Mémona Hintermann – dont j’imagine mal qu’elles auraient fermé leurs gueules si le candidat Gallet avait été pistonné ou pas à la hauteur.
Et puis, surtout le comble : « Il est trop jeune, il n’a pas d’expérience ». Ca veut dire quoi, trop jeune ? Matteo Renzi est devenu Président du Conseil italien à 39 ans, Tony Blair à 43. Et puis, combien de vieux routiers des medias, des cabinets ministériels ont été nommés ou dirigent encore des entreprises publiques où ils se sont révélés totalement incompétents ? Allez on cite Corneille : «  Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées, La valeur n’attend point le nombre des années ».
Je ne connais pas Mathieu Gallet, mais j’avais suivi son parcours après sa difficile nomination à la tête de l’INA, en 2010. On disait déjà: Il est trop jeune, c’est un parachuté à la tête d’une institution ingérable. Et puis. Et puis, ça a marché et bien marché. Apparemment, il a su établir le dialogue avec les syndicats et les salariés de l’INA. Il a modernisé cette société publique, conservatoire de notre mémoire audiovisuelle. Il a notamment largement ouvert ses formidables trésors au grand public, et à la consultation par internet. En moins de 4 ans : bravo, non ?
Alors, même brève, son expérience parlait en sa faveur.
Et depuis un an, c’était l’unanimité: Une directrice a été nommée à la tête de France Inter, une femme, c’est suffisamment rare pour être salué ; Un ancien confrère d’Europe 1, Laurent Guimier , connu pour son efficacité et son professionnalisme, a été nommé lui, à la tête de France Info. Et là aussi, bonne pioche puisque les premières campagnes d’audience montraient une remontée. Et en novembre dernier, tout le gratin de la culture et du gouvernement se pressait pour l’inauguration du nouvel auditorium de Radio France, où pouvaient enfin se produire après des années d’errance, les deux Orchestres maison; A l’époque, personne ne parlait du coût des boiseries ou des moquettes.
Et puis ? Et puis, du jour au lendemain, le petit génie est devenu le pire des cancres.
Parce qu’entretemps, a commencé à filtrer le plan d’austérité draconien imposé à Radio France. En clair, des centaines de personnes vont se retrouver à Pôle Emploi, ou en pré-retraite. Cela n’est pas une découverte. Et c’est là peut-être où Mathieu Gallet et son équipe de DRH ont sans doute été trop technocrates. Au lieu de cultiver son image de bogosse intelligent, dialoguant avec les plus grands patrons aux entretiens de l’Université d’été du MEDEF à HEC, Mathieu Gallet aurait sans doute mieux fait de virer la cravate, de tomber la veste afin de retrousser ses manches. Parce que négocier la fin de toute une vie professionnelle, avec des personnes qui ont consacré leur vie à une entreprise et une belle entreprise, comme Radio France, cela suppose de se montrer à l’écoute, de ne pas donner l’impression de n’être qu’un technocrate brillant mais insensible. Après tout n’est-ce pas ce genre de comportement, typique de la technocratie à la française – je suis le plus brillant d’entre tous – je suis le meilleur d’entre nous – qui avait mis la France dans les rues contre Alain Juppé en 1997 ? Et c’est sans doute ce qui explique que depuis trois semaines, il paraisse si difficile de renouer le dialogue entre direction et personnel de Radio France.
La grève finira bien par s’arrêter. Et Mathieu Gallet restera sans doute.
Mais quel dommage, et quel gâchis. Et si Mathieu Gallet a des torts (voire plus haut), toutes ces attaques contre lui, souvent personnelles, souvent pleines de sous-entendus et de non-dits sur de supposés pistonnages, sont tellement concentrées et soudaines qu’elles en sont suspectes : « Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage ».
Toutes ces « révélations » ne servent-elles pas à faire oublier le principal responsable, le « Deus ex machina » de Radio France: Le gouvernement, la « tutelle », ceux qui tiennent les cordons de la bourse. Fleur Pellerin demande des économies, réduit les dotations budgétaires, mais ce n’est pas elle, ni Emmanuel Macron, ni Michel Sapin, ni Manuel Valls, qui vont l’expliquer au personnel de Radio-France : Quel courage !
Nous vivons un e-poque formidable.

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