Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : Guadeloupe

Tempête sur la Caraïbe: Mais à quoi sert France Ô ?

Dommage qu’à Paris, France Télévisions ait zappé ses rédactions en Guadeloupe
Il existe une chaine de France Télévisions qui répond au doux nom de France Ô. Notez bien l’accent circonflexe sur le O. C’est pour signifier que ce n’est pas France zéro mais France Outre-Mer. La vitrine des cultures de l’Outre-Mer, la fenêtre en métropole des stations qui se déclinent en : Guyane 1ère, Martinique 1ère, Guadeloupe 1 ère, etc… C’est la chaîne de la « diversité » ( ?), avec des diffusions de concerts d’artistes antillais, africains, ou encore des séries tv orientées « public tropical », plus ou moins réussies. Ainsi « Luther » ou « Racines » côtoient des séries cliché sur des colons français à Cuba ou sur les secrets de famille de planteurs à la Réunion. Tout cela mélangé avec « Famille d’accueil » ou « Louis la Brocante », bref les fonds de tiroir de France Télévisions.
Les noctambules ou les lèves-tôt peuvent aussi y suivre en rediff les JT de la Réunion ou de la Guyane. Ce qui n’est jamais inintéressant ;
Avec les cyclones sur les Antilles, on se dit: Allons voir sur France Ô. Et là consternation: On pensait y voir les dernières nouvelles de Guadeloupe et l’on tombe sur « la Smala s’en mêle ».
Aucun cyclone n’est passé sur France Ô à Paris, donc leur direction n’a pas été inondée. Sur place en Guadeloupe, leur rédaction continue d’ailleurs à fonctionner puisqu’on peut les suivre en direct sur Facebook, et partager ainsi en pleine nuit les appels et les témoignages des habitants barricadés chez eux. Sur Twitter, on a également pu suivre la progression du cyclone, notamment sur la Dominique dont le Premier Ministre a décrit en direct comment tout était détruit, lui-même devant être secouru dans sa maison dévastée.
Dans de telles circonstances, une chaîne de télé normale « casse » sa programmation, « mobilise »  son antenne pour remplir ainsi sa mission d’information pour tous ceux qui en métropole ont de la famille, des proches, des amis aux Antilles.

Sinon, à quoi sert FranceÔ ? 

La légion a sauté sur Saint-Martin. Et après ?

Après le temps de la compassion et de la légion, quel avenir pour Saint-Martin ? 
Ça y est: 150 légionnaires de Guyane ont été « projetés » à Saint-Martin.
Ils rejoignent 1500 hommes, pompiers, gendarmes, GIGN. En attendant le Tonnerre, parti de Toulon avec 1 000 tonnes de matériel, etc.
Tout cela pour 35 000 habitants. Ne parlons pas des 7000 habitants de Saint-Barth, les maisons de milliardaires ayant mieux résisté – tiens comme c’est bizarre – que les cases en tôles de Sandy ground.
Certes, cette aide est indispensable pour les sinistrés de toutes ces îles – car il n’y a pas eu que Saint-Martin – qui ont été ravagées par le cyclone Irma. Ils ont vécu des heures épouvantables, dont nous n’avons en Europe aucune idée. Des rafales de vent de plus de 300 km/h… La végétation hachée menue, comme passée aux lance-flammes, des vies entières noyées sous des trombes d’eau.
Mais Saint-Martin était déjà sinistrée avant le passage du cyclone. Derrière une vitrine de bronze-culs pour touristes, c’était prostitution, trafics en tout genre, bidonvilles, immigration clandestine. Un quart de la population au RSA, contre 7 % en Ile-de-France. Une délinquance et une violence terribles: 3,5 vols avec armes pour 1 000 habitants contre 0,6 en métropole.
En Guyane, 1500 kilomètres plus au sud, il n’y a ni cyclone, ni tremblement de terre, ni volcan. Pourtant la situation des 250 000 guyanais est souvent pire que celle des habitants de Saint-Martin.
On ne pourra jamais éviter les colères de la nature. Mais elles frappent d’abord les plus pauvres. En 2010, le tremblement de terre en Haïti avait fait 300 000 morts. En 2016, un séisme de même magnitude au Japon a fait … 50 victimes.
Ce ne sont pas que des maisons qu’Irma a fait voler en éclat, mais l’illusion d’un développement de l’Outre-Mer français. Et l’on ne voit pas pourquoi cela changerait. En dehors du tourisme pour les Antilles, d’Ariane et de l’or pour la Guyane, quoi ? Un avenir fait de chômage, d’aides sociales et de subventions ? Il faudrait un vrai projet…

Tristes tropiques. 

Relire Félix Eboué, le premier à avoir rallié De Gaulle en 1940

Imaginerait-on De Gaulle ou Félix Eboué voter Le Pen ?
Il y aura bientôt 80 ans, le 1 juillet 1937, Félix Eboué, premier noir, gouverneur général de la Guadeloupe prononçait un discours à la jeunesse, intitulé « Jouer le jeu » et dont voici quelques extraits :
« A cette jeunesse que l’on sent inquiète, si incertaine devant les misères de ces temps qui sont les misères de tous les temps ; à cette jeunesse, devant les soucis matériels à conjuguer ; à cette jeunesse dont on veut de part et d’autre, exploiter les inquiétudes pour l’embrigader (…)N’ai-je pas pour obligation de lui dire ; ne te laisse pas embrigader… Jouez le jeu !
Jouer le jeu, c’est être désintéressé.
Jouer le jeu, c’est piétiner les préjugés, tous les préjugés, et apprendre à baser l’échelle des valeurs uniquement sur les critères de l’esprit. Et c’est se juger, soi et les autres, d’après cette gamme de valeurs. (…)
Jouer le jeu, c’est savoir tirer son chapeau devant les authentiques valeurs qui s’imposent par la qualité de l’esprit et faire un pied de nez aux pédants et aux attardés.
Jouer le jeu, c’est accepter la décision de l’arbitre que vous avez choisi ou que le libre jeu des institutions vous a imposé.
Jouer le jeu, c’est, par la répudiation totale des préjugés, aimer les hommes, tous les hommes, et se dire qu’ils sont tous bâtis selon la commune mesure humaine qui est faite de qualités et de défauts.
Jouer le jeu, c’est respecter nos valeurs nationales, les aimer, les servir avec passion, avec intelligence, vivre et mourir pour elles, tout en admettant qu’au delà de nos frontières, d’authentiques valeurs sont également dignes de notre estime, de notre respect. C’est se pénétrer de cette vérité profonde: “Tu sauras, autant qu’il est donné à l’homme, que la nature est partout la même..” et comprendre alors que tous les hommes sont frères et relèvent de notre amour et de notre pitié. (…)
En juin 1940, Félix Eboué a été le premier gouverneur à rallier De Gaulle, faisant basculer l’Afrique Equatoriale dans son camp. C’est lui qui recrutera les premiers soldats de la France Libre en Afrique. De Gaulle le nomma premier Compagnon de la Libération. En 1949, ses cendres furent transférées au Panthéon, le premier noir dont la mémoire a été ainsi honorée sous l’inscription: « Aux grands hommes la Patrie reconnaissante ». Imaginerait-on De Gaulle ou Félix Eboué voter Le Pen ?

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