Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : hommage

Qu’est-ce que, ce que nous disons sur Johnny, dit sur nous.

De Johnny à Booba: Une simple question de générations ? 
C’est une conversation saisie au vol dans un supermarché, entre le rayon fromages et celui des yaourts à l’heure où se déroulait l’hommage à Johnny.
L’une : Quand je pense que je suis obligée de faire le réassortiment. Je préfèrerais être à la Madeleine.
L’autre : Et tu y aurais fait quoi ? Il est dans un cercueil.
Un troisième : Et tu aurais rien vu, c’est blindé de monde.
La première (vraiment fâchée) : C’est mon idole. J’ai vieilli avec lui.
L’autre : Moi je préfère Sardou.
Un autre : Pfuiittt, moi j’écoute pas ça, je préfère le hip hop. Et Booba
Toute la France rendait hommage à Johnny. Les scènes à la télé étaient impressionnantes. Des centaines de milliers, un million de personnes. L’hommage était plutôt bien. Pas de couacs. De vraies émotions, une belle cérémonie. Le Président a joué son rôle, discours à l’extérieur de l’église, pas de signe de croix avec l’eau bénite. Ses gestes étaient scrutés, la laïcité a été respectée.
Toute la France donc, était là. Même ceux qui n’auraient pas voulu. Parce qu’il était difficile d’y échapper. Tous les media diffusaient en direct la cérémonie, et en boucle des spéciales, des rétros, des témoignages. A moins d’être en voyage au fin fond du Rajahstan ( par exemple, mais on pouvait simplement aller en Allemagne ou en Espagne) , difficile d’échapper à Johnny. De résister à la tentation de cliquer sur un exclusif, sur les 5 choses que vous ignorez sur Johnny, sur « Et pourquoi il a choisi Saint-Barthélémy ? ».
Tiens voilà une décision qui divise.
D’un côté les fans qui auraient aimé pouvoir aller en pèlerinage sur sa tombe comme pour Dalida, Jim Morrison ou Claude François. Et Saint-Barthélémy, ça fait nettement plus cher que Dannemois dans le 91. De l’autre, il y a ceux qui trouvent ça très bien, c’est « comme Brel, enterré aux Marquises ». Ceux-là apparemment ne connaissent ni les Marquises, ni Saint-Barth, le seul point commun entre les deux, étant d’être des îles. Mais l’une naturelle et authentique et l’autre bétonnée et jet-setisée.
Toute la France était donc là . Sauf celle qui sur Deezer, Instagram, snapchat ou Booska se rue sur le dernier album de Booba, disque d’or en une semaine grâce au téléchargement.
Booba dont on vante le « flow » et les punchlines qui ne cessent de mettre sur un « Trône » un machisme bodybuildé, mysogine et homophobe.
De « J’mets la capote sur ma bite et sur ma Lamborghini » à
« J’vais bien t’baiser et t’auras pas à lâcher une thune
T’es témoin d’un mariage gay entre une Kalash’ et une plume
T’en as deux, une dans la bouche et l’autre dans le croissant de lune 
».
On est loin de Oh ! Marie…
On est loin de Johnny. Comme si ce n’était pas le même siècle, la même France.
Ces derniers jours, la France du XXI ème siècle semblait absente de ces moments d’émotion nationale. Comme elle l’était aussi en partie dans les manifestations après les attentats il y a deux ans.

No tinc por ou bien no tengo miedo : Après les hommages retour aux divisions espagnoles.

Dernière image d’unité avant l’éclatement de l’Espagne ? 
Après les attentats de Barcelone, un cri a été repris par tous, le même qu’à Nice, Manchester ou Paris: Je n’ai pas peur. Notre unanimité est la réponse aux actes criminels des terroristes islamistes.
Unecimage d’unité renforcée par la présence du roi d’Espagne, du premier ministre espagnol et du Président du gouvernement catalan, côte à côte au cours des hommages aux victimes.
Malheureusement, les tensions entre Madrid et Barcelone sont très vite réapparues. Certains commencent à opposer le « No tinc por », je n’ai pas peur en catalan, au «no tengo miedo » en castillan.
Joaquim Forn, conseiller  – ministre – à l’intérieur du « Govern » de Catalogne a choqué le reste de l’Espagne en faisant la distinction dans la liste des victimes entre 2 victimes « catalanes » et 2 victimes de « nationalité espagnole ».
La CUP, un parti nationaliste radical, membre de la coalition indépendantiste au pouvoir, a même refusé de participer aux hommages aux victimes parce que le roi d’Espagne et le Premier ministre espagnol y assistaient.
Depuis le rétablissement de la démocratie, après 60 ans de la dictature de Franco qui avait interdit le catalan, le basque, le galicien au seul profit du castillan – ce que nous appelons l’espagnol – les régions espagnoles bénéficient d’une large autonomie, constamment amplifiée pour le Pays Basque et la Catalogne.
Dans ces deux « communautés », la police notamment est autonome, Ertzaintza au Pays Basque, mozos de escuadra en Catalogne. En Catalogne, tout ce qui rappelle l’Espagne est progressivement gommé : Scolarisation dès le primaire en catalan uniquement; Affichage unilingue partout. Même à l’aéroport international les inscriptions en anglais sont installées avant celles en espagnol. Pour les nationalistes catalans, il s’agit de compenser par une discrimination positive plusieurs siècles d’oppression culturelle.
A Barcelone, les symboles de l’Etat espagnol sont progressivement retirés. La statue du roi Juan Carlos a été enlevée de la salle des Actes de la Mairie, qui refuse d’y accrocher le portrait officiel du chef de l’Etat, le roi Felipe.
La dernière étape est l’indépendance. Le gouvernement autonome compte organiser un référendum sur cette question le 1 er octobre prochain. Pour Madrid c’est un référendum illégal, non prévu par la constitution.
Un référendum qui est un piège. Y participer, c’est donner raison à ceux qui veulent l’organiser, donc aux indépendantistes. Ne pas y participer c’est laisser la porte ouverte au oui à l’indépendance. Dans un récent sondage, une majorité de catalans se dit hostile à l’indépendance. Mais si les unionistes ne vont pas voter, les indépendantistes l’emporteront.
Sur le registre des condoléances ouvert à Barcelone, le roi Felipe a signé avec un de ses titres: Comte de Barcelone. Il voulait ainsi rappeler symboliquement que l’Espagne n’a jamais existé sans Catalogne, et qu’elle été formée par l’union de Blanche de Castille et de Ferdinand d’Aragon, comte de Barcelone, en…1469 avant même la “découverte” de l’Amérique et la chute du dernier royaume maure de Grenade.

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