Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : Honecker

Berlin, le mur, 30 ans. En attendant, la RDA fête son 40 ème anniversaire.

Et 2 semaines après ce baiser, Honecker était limogé 
 Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
Ce devait être un bel anniversaire, ce 7 octobre 1989.
Sur l’avenue « Unter den Linden » qui descend depuis la Porte de Brandebourg, les drapeaux rouges flottaient au vent. Les façades étaient habillées d’immenses affiches de propagandes, à la gloire des 40 ans de la République démocratique allemande, l’ « Etat des ouvriers et des paysans », selon l’appellation officielle 
Devant la  Neue Wache où les soldats de l’unité d’élite « Friedrich-Engels » montaient la garde, des tribunes avaient été dressées pour les principaux  dirigeants: 
Erich Honecker, l’inamovible secrétaire général du Parti Socialiste unifié d’Allemagne, le Parti communiste: Visage de cire, lèvres pincées y accueillait les dirigeants des pays frères, dont Gorbatchev , bien sûr. 
Ce devait être un bel anniversaire. Et au début tout avait bien commencé : Les troupes de « l’armée du peuple » avaient défilé dans un ordre impeccable, au pas de l’oie. Puis avait suivi le cortège des FDJ (prononcez : f-d-yot), la « Jeunesse libre allemande », qui embrigadaient tous les jeunes est-allemands. L’actuelle chancelière Angela Merkel en fût elle-même. 
Tout cela au son de l’hymne national de la RDA : « Auferstanden aus Ruinen »« Ressuscité des ruines ». Une très belle musique, composée par Hans Eissler, compagnon de route et de travail de l’écrivain Bertold Brecht. Tous les deux communistes qui avaient fui les nazis étaient rentrés à Berlin-Est après la guerre pour édifier une Allemagne socialiste, pensaient-ils..
Tout se passait bien. Jusqu’à ce que Gorbatchev décide à la surprise générale, devant les caméras qui filmaient en direct, d’être « Gorbi », l’homme de la perestroïka. 
Il sort des tribunes, va saluer les spectateurs qui se mettent à crier : « Gorbi, Gorbi : Hilf uns : Aide nous ! » et  il répond : « Celui qui est en retard est puni par l’Histoire, pour la vie.». Cette petite phrase fait l’effet d’une bombe. Tous les allemands de l’est vont se la répéter. Honecker est fou furieux. Le désaveu soviétique équivaut à un limogeage, et , de fait, ce sera le cas dans les semaines qui suivent. 
Le soir, gala officiel au « Palast der Republik ». Mais sous les fenêtres du siège du gouvernement, des petits groupes de manifestants se sont formés. Et ils scandent les slogans repris depuis quelques semaines: « Wir sind das Volk » « Nous sommes le peuple » et :« Die Mauer muss weg » « Le mur doit tomber ». La Stasi et ses gros bras en civil répriment violemment les manifestants, hurlements, gaz lacrymogènes, explosions ; C’est la première fois qu’une telle manifestation se déroule en plein cœur de Berlin. 
Aujourd’hui, le « Palast der Republik » a été détruit. Difficilement : Il était contaminé à l’amiante. 
Et puis l’ancien château des rois de Prusse sur lequel il avait été bâti, a été reconstruit. Après des années d’hésitations, et avec appel aux dons. Ce château redonne au centre de Berlin de la cohérence. Il a été refait à l’identique. Enfin, presque : Les allemands ne voulaient pas que ce soit un château à la Disney, Berlin ne voulait pas que soit gommée l’Histoire. 
Vergangenheitsbewältigung. La confrontation avec l’Histoire : Cela reste quand même le maître mot de l’éducation et de la politique en Allemagne.
Et l’on écoute quelques notes de l’ancien hymne est-allemand. 

BERLIN : Le soir où le mur n’est pas tombé 3/7 : La RDA fête son 40 ème anniversaire: Auferstanden aus Ruinen

Les armoiries de l’Etat communiste découpées dans un drapeau de la RDA
 Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
Ce devait être un bel anniversaire, ce 7 octobre 1989.
Sur l’avenue « Unter den Linden » qui descend depuis la Porte de Brandebourg, les drapeaux rouges flottaient au vent. Les façades étaient habillées d’immenses affiches de propagandes, de slogans socialistes à la gloire des 40 ans de la République démocratique allemande, l’« Etat des ouvriers et des paysans », selon l’appellation officielle en langue communiste, représenté sur le drapeau par un blason, des gerbes de blé entourant un marteau  et une équerre.
Devant la  Neue Wache où les soldats de l’unité d’élite Friedrich-Engels montaient la garde, des tribunes avaient été installées pour les principaux  dirigeants:
Erich Honecker, l’inamovible secrétaire général du Parti Socialiste unifié d’Allemagne, le Parti communiste: Visage de cire, lèvres pincées.
A ses côtés : son épouse, la redouté Margot, ministre de la Culture – quelle plaisanterie quand on y repense– surnommée sous le manteau, la « sorcière bleue », parce qu’elle le valait bien avec la surprenante couleur de la teinture de ses cheveux. 
Et puis tous les dirigeants des « pays frères », parmi lesquels bien sûr Gorbatchev.
Ce devait être un bel anniversaire. Et au début tout avait bien commencé : Les troupes de « l’armée du peuple » avaient défilé dans un ordre impeccable, au pas de l’oie. Puis avait suivi le cortège des FDJ (prononcez : f-d-yot), la « Jeunesse libre allemande », qui embrigadaient tous les jeunes est-allemands. L’actuelle chancelière Angela Merkel en fût elle-même.
Tout cela au son de l’hymne national de la RDA : « Auferstanden aus Ruinen » « Ressuscité des ruines ». Une très belle musique, composée par Hans Eissler,  un des grands musiciens allemands du 20 ème siècle, élève d’Arnold Schoenberg à Vienne, compagnon de route et de travail de Bertold Brecht, tous les deux communistes, tous les deux rentrés à Berlin-Est après guerre pour participer à l’édification d’une Allemagne socialiste.
Car, même si le régime, la dictature, avait vidé les mots de leur sens, un certain nombre d’intellectuels qui avaient dû fuir l’Allemagne nazie, avaient cru en 1945, qu’après ce qu’avaient fait les allemands, les massacres commis dans toute l’Europe, les camps de concentration, l’holocauste, il fallait faire du passé table rase, construire une société nouvelle. Dans les années 1950, c’est ce qui fût fait littéralement : L’ancien château de Berlin, certes en ruines, mais toujours debout, fût dynamité – c’est comme si le Louvre avait été détruit – pour y édifier le « Palast der Republik », siège de l’assemblée du peuple. Ironie de l’Histoire : 25 ans plus tard ce bâtiment a été à son tour rasé et l’on y reconstruit les façades de l’ancien château des rois de Prusse, avec notamment sa cour intérieur le « Schlüterhof »,  une des merveilles de l’architecture et de la sculpture classique allemandes.
Tout se passait bien. Jusqu’à ce que Gorbatchev décide à la surprise générale, devant les caméras qui filmaient en direct, d’être « Gorbi », l’homme de la perestroïka. Il sort des tribunes, va saluer les spectateurs qui se mettent à crier : « Gorbi, Gorbi : Hilf uns : Aide nous ! » et  il répond : « Celui qui est en retard est puni pour la vie.». Cette petite phrase fait l’effet d’une bombe. Tous les allemands de l’est vont se la répéter. Honecker est fou furieux, mais il va être limogé dans les semaines qui suivent. Et alors que se déroulent une soirée de gala au « Palast der Republik », des manifestants viennent jusque sur les bords de la Spree qui longe la façade arrière du bâtiment, scander des slogans repris depuis quelques semaines: « Wir sind das Volk » « Nous sommes le peuple » et :« Die Mauer muss weg » « Le mur doit tomber ». La police secrète et ses gros bras en civil répriment violemment les manifestants, hurlements, gaz lacrymogènes, explosions ; C’est la première fois qu’une telle manifestation se déroule en plein cœur de Berlin. De l’autre côté de la Spree, on voit les grandes fenêtres éclairées du Palast des Republik et les silhouettes des invités du régime qui regardent. Se rendent-ils compte que dans un mois, ils tomberont dans les poubelles de l’Histoire ?
Quant à l’Etat des ouvriers et des paysans, il ne fit pas long feu après l’ouverture du mur. Je me souviens d’un matin, ce devait être 2 ou 3 jours après le 9 novembre. Nous avons été attirés par des rires qui sortaient d’un soupirail du très redouté Ministère de l’Intérieur est-allemand. C’étaient des gardiens qui décrochaient les portraits officiels et découpaient le blason est-allemand du drapeau. Contre 5 deutschmarks, ils nous ont donné un portrait d’Honecker et un blason, que j’ai toujours conservés depuis.
Ce devait être un bel anniversaire.
Demain : 4/7 Bananen Republik – La République des bananes

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