Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : Hongrie

Berlin, le mur : 30 ans déjà. En Hongrie, une brèche dans le rideau de fer.

Souvenirs de la fuite vers l’ouest  
En fait quand on y repense c’est en Hongrie que le mur de Berlin a commencé à se fissurer. 
A Hegyeshalom exactement. 
Franchement ce gros village ne vaut pas le détour, si ce n’est que c’est le point de passage entre la Hongrie, et pratiquement se touchant l’Autriche et la Slovaquie. Et que c’est là que le 2 mai 1989, le gouvernement hongrois- pourtant à l’époque toujours communiste – avait décidé de mettre en scène le premier démantèlement du « rideau de fer ». Gros plan sur des militaires découpant les barbelés devant nos caméras avec des pinces monseigneur !
Je me souviens très bien d’une question d’un confrère, Pierre Haski : « Mais que ferez-vous quand des ressortissants d’autres pays de l’Est  voudront passer à l’Ouest ? » Silence gêné des autorités. 
Quelques semaines plus tard, les allemands de l’Est répondaient à cette question : La nouvelle s’était répandue dans toute la RDA : On peut s’enfuir par la Hongrie. Car il était possible aux allemands de l’est de voyager librement dans ce pays-frère. 
D’abord, des dizaines, puis des centaines tentèrent le coup, passant de la Hongrie à l’Autriche, donc à l’Ouest, sans être empêchés par les garde-frontières. 
Jusqu’au 19 août 1989, où un « pique-nique », organisé à la frontière par le parti autrichien paneuropéen d’Otto von Habsbourg s’est transformé en fuite à l’Ouest de milliers de « vacanciers » est-allemands. 
Dans la ruée vers la liberté, ils abandonnaient tout derrière eux. Dans la bousculade, un jeune père, sa femme, sa fille, avec comme seuls bagages, un sac à dos, s’étaient retournés vers nous, une fois à l’Ouest, et dans un grand éclat de rire, nous avaient donné la plaque d’immatriculation « DDR » « République Démocratique Allemande » qu’ils avaient dévissée sur leur Trabant, leur voiture abandonnée. Une plaque que j’ai conservée jusqu’à aujourd’hui.
A Berlin-Est, le gouvernement ne savait plus quoi faire. 
Aujourd’hui, en Hongrie, on réinstalle des barbelés, au sud à la frontière avec la Hongrie, par peur d’une invasion de migrants. 
Et l’on écoute Udo Lindenberg, le chanteur ouest-allemand qui s’était rendu très populaire à l’époque, avec cette chanson plutôt humoristique : « Sonderzug nach Pankow »… « Train spécial pour Pankow »,  la résidence du dirigeant communiste Erich Honecker, au nord de Berlin.

Élections : le grand reflux des populistes !

 

Erdogan rencontre Orban : Le crépuscule des populistes ?

Pendant des mois, on nous a rabâché le même refrain : L’heure serait au populisme, les peuples reprendraient le pouvoir face aux élites boboisées et internationalistes. Cette « pensée », exprimée notamment par Éric Zemmour et consorts, est devenue la vraie « pensée unique ».
Tout faux ! 
On a beaucoup voté ces derniers temps, et ce n’est pas l’extrême-droite ou le repli sur soi qui l’emporte. 
Le Portugal ? La gauche garde le pouvoir. 
L’Italie ? L’ancien ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, le leader de l’extrême-droite, n’est plus ministre. Il reste grande gueule, mais semble avoir perdu son pari : provoquer des élections anticipées où il aurait raflé la mise. 
L’Autriche ? L’extrême-droite n’est plus au gouvernement, et a perdu près de la moitié de ses votes aux dernières législatives. 
La Hongrie ? Depuis 10 ans, c’était une sorte de vitrine de l’extrême-droite notamment en France : Mais le premier ministre Viktor Orban vient de prendre sa première veste électorale : L’opposition emporte les mairies de Budapest et des principales grandes villes du pays. 
En Pologne le très conservateur PIS garde le pouvoir, mais avec moins de succès qu’il l’aurait voulu. 
Et si l’on regarde worldwide, en Turquie, Erdogan a lui aussi perdu les principales villes du pays, ce qui explique sans doute qu’il se lance aujourd’hui dans une surenchère nationaliste contre les kurdes. Et aux États-Unis, n’oublions pas que Trump avait gagné avec 3 millions de voix de moins que la démocrate Hillary Clinton. Pas sûr que même en flattant son électorat, il puisse être réélu.
Confrontés à des mutations qui vont très vite, peut-être trop vite, les peuples peuvent éventuellement être tentés par les sirènes de l’extrême-droite. Mais cela ne dure jamais longtemps. Car finalement après un mouvement d’humeur, nous sommes raisonnables, non ?

Malheur aux barbus ! De Furax à Matteo Salvini.

Quelle est la signification de la barbe de Matteo Salvini ?
C’est dingue mais en quelques années la barbe a envahi les visages de la plupart des mâles de nos pays. Prenez une terrasse de café, un wagon de train, une équipe de foot, un clip de rappeurs, les glabres se comptent sur les doigts d’une seule main !
Encore tout récemment la barbe se portait plus chez les hidalgos (Pas Anne, bien sûr ! D’ailleurs les femmes n’ont pas de barbe ou alors si ma tante en avait ce serait mon oncle, enfin, non, aujourd’hui on ne peut plus blaguer comme ça, et d’ailleurs n’est-ce pas pour affirmer leur virilité à une époque où beaucoup d’hommes se demandent ce que cela veut encore dire, que de tant de mâles se barbent ?).
Mais la barbe hispanique n’est pas non plus la barbe des barbus, entendez des barbus islami (qu) stes. Qui elle aussi semble s’être multipliée. L’extension du domaine de la barbe est-elle pour autant un signe de l’expansion du salafisme ou de la religiosité ? Pas sûr : N’golo Kanté est musulman pratiquant tout en étant glabre alors qu’Olivier Giroud cultive une barbe qui fait la fortune des barbiers à la mode. 
Bien sûr, se mettre à porter la barbe n’est pas une décision neutre et il faudrait remonter au moins à la petite enfance voire même avant (?) pour en comprendre les origines, mais il y a des cas qui sont évidents, pour lesquels il n’est pas besoin d’avoir recours aux cellules d’aide psychologique.
En politique, par exemple, est-ce un hasard si début 2016 Emmanuel Macron avait essayé la barbe, enfin celle de 3 jours, la plus difficile à entretenir ? Quelques semaines plus tard, il se mettait En Marche. Eh ! oui, Hollande aurait dû se méfier de ce barbu d’un jour. D’ailleurs dans sa stratégie pour tenter de redevenir un candidat providentiel, l’ancien Président ne devrait-il pas tenter la barbe ? C’est ce qu’a fait son ancien Premier Ministre, Manuel Valls, mais pas sûr que cela lui attire les votes des catalans pour une éventuelle candidature à la mairie de Barcelone. 
En revanche il y en a un auquel la barbe a réussi, c’est Matteo Salvini, le leader de l’extrême-droite italienne, nouvel homme fort du gouvernement de nos amis, forcément amis, italiens. On ne peut pas le soupçonner de salafisme, ou alors il pratique la taqîya, cet art de la dissimulation préconisée par les mouvements terroristes, avec un tel talent que l’on pourrait le prendre pour un …fasciste. A méditer quand même car en matière de dissimulation et d’hypocrisie, il vient d’être pris la main dans le gâteau, faisant la fête le soir même de la catastrophe du viaduc de Gênes au milieu d’amis de son parti en Sicile. 
Et puis les modes passent aussi vite qu’elles sont arrivées. Ainsi les barbes, dans les années 50 (1950), avaient déjà eu leur moment de gloire avec « Malheur aux barbus » du génial feuilleton radiophonique « Signé Furax », de Pierre Dac et Francis Blanche. Une série que l’on peut (re) découvrir – beaucoup d’entre nous n’ayant pas eu la chance de l’avoir suivie à l’époque – grâce aux podcasts de France Culture (*). Le pitch : un horrible criminel nommé Furax s’en prend aux barbus qu’ils enlèvent par centaines. Les inspecteurs Black et White mènent l’enquête. Et puis les poils ont disparu pour laisser la place aux glabres épilés.
Malheur aux barbus. Les démagos devraient aussi y réfléchir, car après le flux viendra le reflux lorsque nous serons confrontés aux réalités des lendemains où l’on ne rase pas gratuit. 
En Grande-Bretagne où le Brexit paraît tellement mal emmanché que ses plus grands défenseurs comme le milliardaire Jim Ratcliffe, prennent la poudre d’escampette jusqu’à Monaco. 
En Pologne ou en Hongrie, qui vont rapidement devoir se souvenir que leur formidable modernisation en 30 ans est due avant tout aux transferts européens.
En Italie qui perd 200 000 habitants chaque année, et où la population en âge de travailler baisse dangereusement. Dans 20 ans, il risque de ne plus y avoir suffisamment de barbieri pour raser la barbe des barbus italiens. 
Sarà finita la commedia!
(*) Signé Furax sur France Culture :
  

BERLIN : Le soir où le mur n’est pas tombé 2/7 : Ces fissures que personne n’avait vues…

Souvenirs de l’été 1989
Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne.

Hegyeshalom. C’est là sans doute que le mur de Berlin a commencé à se fissurer. Dans ce village hongrois, à 170 kilomètres de Budapest, 70 kilomètres de Vienne, le 2 mai 1989. Lieu précis, date précise : Le gouvernement hongrois, pourtant toujours communiste, avait décidé d’y organiser une conférence de presse mettant en scène le premier démantèlement du « rideau de fer ». Avec des chefs militaires, des garde-frontières et découpage de barbelés devant les caméras. Je me souviens très bien d’une question d’un confrère, Pierre Hasky, à l’époque à « Libération » : «  Mais que ferez-vous quand des ressortissants d’autres pays de l’Est  voudrons passer à l’Ouest ? » Silence gêné des autorités.
Quelques semaines plus tard, les allemands de l’Est apportaient la réponse à cette question. S’il leur était quasi impossible de se rendre à l’Ouest, les « pays frères » étaient facilement accessibles. Chaque année, des centaines de milliers d’Est-allemands s’entassaient dans leurs« Trabant », ces caisses à savon, au moteur à deux temps, fiertés de l’industrie est-allemande, pour passer leurs vacances sur les rives du lac Balaton, la « mer »  hongroise.
La nouvelle s’est vite répandue dans toute la RDA: On peut s’enfuir par la Hongrie. D’abord quelques dizaines, que les garde-frontières hongrois ne faisaient rien pour arrêter. Puis des centaines.  Jusqu’au 19 août 1989, où un « pique-nique », organisé à la frontière par le parti autrichien paneuropéen d’Otto von Habsbourg s’est transformé en fuite à l’Ouest de milliers de « vacanciers » est-allemands.
Dans la ruée vers la liberté, ils abandonnaient tout derrière eux. Dans la bousculade, un jeune père, sa femme, sa fille, avec comme seuls bagages , un sac à dos, s’étaient retournés vers nous, une fois à l’Ouest, et dans un grand éclat de rire, nous avaient donné la plaque d’immatriculation «DDR» « République Démocratique Allemande » qu’ils avaient dévissée sur leur voiture abandonnée. Désormais, le mur de Berlin n’arrêtait plus l’hémorragie. A Berlin-Est, le gouvernement ne savait plus quoi faire. Partout des citoyens est-allemands tentaient la fuite.
 En Pologne, la première à s’affranchir du communisme. A Prague, en envahissant l’Ambassade d’Allemagne de l’Ouest. Et pendant ce temps-là, à Moscou, Gorbatchev parlait de « perestroïka » et de libertés.
J’ai retrouvé quelques souvenirs de cet été 89: Un bout de barbelés, gracieusement offert par un soldat hongrois, le 2 mai, à Hegyeshalom. Une maquette de Trabant et puis la plaque DDR de cet inconnu qui s’enfuyait vers la Liberté.
L’Allemagne de l’Est était présentée pourtant, même à l’Ouest, comme le bon élève de la classe socialiste. Elle préparait les festivités de son 40 ème anniversaire avec force défilés militaires, soldats marchant au pas de l’oie, pionniers des Jeunesses communistes agitant des drapeaux , et invités de marque, comme Mikhael Gorbatchev et les dirigeants des pays frères.
Ce devait être un triomphe pour le régime, ce fût le début de la fin pour la vieille garde communiste.
Rétrospectivement, c’est un mur bien lézardé qui s’est ouvert le 9 Novembre 1989.
Demain : 3/7 : La RDA fête son 40 ème anniversaire.

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