Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : impeachment

BRESIL APRES LES JO DE RIO : La tristesse n’a pas de fin, le bonheur si !

Même pendant les JO, la politique brésilienne continue!
Les JO de Rio se sont achevés comme ils avaient commencé, par une fête aux accents de Carnaval, Brésil oblige. Et n’en déplaise à ceux qui prévoyaient une catastrophe, tout s’est bien passé. La fête du sport a été réussie, la sécurité a été assurée, avec la mobilisation de dizaines de milliers de policiers et de soldats, les équipements ont été prêts à temps, ou presque, même s‘il a fallu en terminer certains jusque dans les dernières minutes. Là aussi, Brésil oblige!
Cela n’aura été une surprise que pour ceux qui n’avaient du Brésil qu’une (mé)connaissance faite de clichés tropicaux: Car quelque soient les difficultés qu’il traverse, le Brésil n’est pas un pays anecdotique, ce n’est plus un pays de seconde zone. C’est un des géants de notre monde, la septième ou huitième économie de la planète. Comme le formulait l’ancien Président Fernando Henrique Cardoso, ancien enseignant à l’Ecole de Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris, social-démocrate, véritable artisan de la démocratisation et du décollage du modèle économique brésilien, avant Lula : « Le Brésil n’est pas un pays pauvre, c’est un pays injuste ». Et c’est cette dure réalité que les brésiliens retrouvent, à peine la flamme olympique éteinte.
Pendant les JO, les juges anti-corruption de l’opération “lava jato”, “lavage au karcher”,n’ont pas suspendu leur travail. Plusieurs politiques de premier plan ont été mis en examen, d’autres contraints à la démission comme Eduardo Cunha, Président de l’Assemblée Nationale, artisan de la destitution de la Présidente Dilma Rousseff. Il risque la prison.
L’étau se ressert aussi autour de l’ancien Président Lula. Il a beau être populaire et charismatique, il semble bien avoir trempé dans la gigantesque affaire de corruption liée à Petrobras, l’entreprise nationale de pétrole. Au total, ce sont des dizaines, voire des centaines d’élus qui risquent le même sort, toutes étiquettes politiques confondues.
Le paradoxe est qu’une des moins corrompues semble être Dilma Rousseff, la Présidente suspendue. Il lui est reproché d’avoir maquillé les comptes de l’Etat pour favoriser sa réélection il y a deux ans. En fait elle paie à la fois la mise en cause pour corruption de nombreux de ses amis politiques et son incapacité à relancer l’économie du pays en pleine récession. Et elle a beau crier au « coup d’état », message relayé en France par une partie d’une presse restée aux années 1970, aux heures de la dictature militaire, dans quelques jours, le Sénat devrait confirmer sa destitution
Michel Temer, l’actuel Président par intérim, essaiera alors de tenir jusqu’aux prochaines élections prévues pour 2018. Mais il n’a ni la légitimité du suffrage universel, ni charisme, ni popularité, et une partie de ses soutiens politiques, ministres, députés ou sénateurs, sont déjà eux aussi rattrapés par les juges.
Même s’il s’y refuse, nombreux sont ceux aujourd’hui au Brésil qui réclament des élections anticipées.
Ce qui ne sortirait pas forcément le Brésil de la crise politique: La corruption est au cœur du système électoral. Bien souvent élections riment avec clientélisme et achats des voix. Un système aussi vieux que la République brésilienne et qui commence à peine à être purgé par la justice. Ce qui est nouveau cependant c’est que les brésiliens ne se laissent plus endormir. C’est le sens de toutes ces manifestations qui se sont multipliées non pas ces derniers mois, mais depuis plusieurs années, au moins depuis la Coupe du monde de football il y a deux ans. Les scandales liés au détournement d’argent dans la construction des stades et des infrastructures, ont été le grand déclencheur. Car, pour les classes moyennes aujourd’hui majoritaires au Brésil, la corruption est le principal frein au développement du pays. Mettre fin à la corruption, c’est relancer la croissance. Une épreuve plus difficile qu’un décathlon avec Kévin Mayer, un 100 mètres avec Usain Bolt, un combat avec Teddy Riner.
Et il est bien fini le temps où la fête et le Carnaval pouvaient faire illusion. Comme le chantaient les grands Antonio Carlos Jobim et Vinicius de Moraes :
« Le bonheur des pauvres est
La grande illusion du carnaval (…)
La tristesse n’a pas de fin,
le bonheur si ! »
Nous vivons une e-poque formidable.

Brésil : Après Dilma, le déluge ?

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Triste sortie pour Dilma…

Exit donc, l’actuelle Présidente Dilma Rousseff. Au moins pour 6  mois.
Et après elle ? Eh! bien, c’est un peu le déluge. A la brésilienne, où la saison des pluies provoque souvent des glissements de terrain spectaculaires. Ce sont les fameuses « Eaux de Mars », la fin de l’été austral, période sombre et poétique, comme dans la chanson «Aguas de Março »(1) : « Ce sont les eaux de mars, Fermant l’été. .. C’est la pluie qui tombe… C’est la voiture en panne. C’est la boue, c’est la boue … »
Et de la boue, si l’on regarde la liste des successeurs à Dilma, il risque d’y en avoir beaucoup. Car on n’y trouve que voleurs voire même truands.
L’actuel Vice-Président Temer, qui devient Président ? Il préside un parti dont la plupart des élus font l’objet de poursuites judiciaires et pourrait être lui-même rattrapé par les affaires. Dans les sondages, sa côte de popularité frise les … 2 %.
Eduardo Cunha, Président de l’Assemblée nationale ? Il vient d’être suspendu par la Cour suprême, pour … corruption. Ironie de l’histoire, c’est lui qui avait accéléré la procédure de destitution de la Présidente. Il est accusé d’avoir perçu plus de 4 millions d’euros de pots-de-vin et figure en bonne place dans les Panama papers. 95 % des brésiliens souhaitent d’ailleurs qu’il soit jugé.
L’ancien Président Fernando Collor, aujourd’hui sénateur ? L’ancien Président Lula, toujours très populaire ? Egalement dans la ligne de mire de la justice, comme d’ailleurs plus de 150 députés ou sénateurs brésiliens. « Tous pourris »: Au Brésil, cela est vraiment vrai.
Les juges iront-ils jusqu’au bout de leur opération de lavage au karcher ? Si oui, l’actuelle classe politique va être décimée et il faudra bien passer par de nouvelles élections. Mais là où le bât blesse, c’est qu’au Brésil, élections riment avec corruption et clientélisme. Pour être élu, on arrose ses électeurs. En tout cas, c’était le cas jusqu’à présent.
C’est d’ailleurs cette corruption généralisée qui freine autant la démocratie que l’économie du pays et c’est cette corruption que dénoncent depuis plusieurs années, depuis la Coupe du monde de football, des millions de brésiliens. 
Il est curieux qu’en France par exemple, beaucoup de médias reprennent les seuls slogans des partisans de Dilma Rousseff – il ne s’agirait que d’un coup d’état, d’un coup contre la gauche – en oubliant le travail de la justice brésilienne. Car ce qui est tout à fait remarquable, c’est l’implacable détermination des « petits » juges brésiliens. Un peu à l’italienne, comme à l’époque de l’opération « mani pulite », mains propres. Et ça c’est une première dans l’histoire du Brésil.
Bien sûr, le sort réservé à Dilma Rousseff paraît un peu injuste, puisque, pour ce que l’on sait de son parcours personnel et politique, elle avait beaucoup de défauts, mais pas celui d’être corrompue. Mais le feuilleton est loin d’être terminé, comme dans une telenovela, la fin n’est pas encore écrite. Comme dans la chanson :« Ce sont les eaux de mars, Fermant l’été, C’est la promesse de vie… ». La promesse d’une nouvelle étape pour la démocratie au Brésil ?
Vivemos numa e-poca estupenda !
Allez pour se remonter le moral on écoute la version de la chanson de Jobim par Ellis Regina : “Aguas de Março” sur youtube

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