Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : incendie

Incendie cathédrale de Nantes : media, toute honte bue !

Pas d’amalgame…
Ça pourrait faire rire, mais dans le fond c’est consternant. 
Sur une chaîne tout infos, on est en boucle depuis 48 heures sur l’incendie dans la Cathédrale de Nantes. On est averti qu’un homme sort du Commissariat de Police, où est entendu depuis 48 heures, un « présumé » innocent, innocent certes, mais si la police l’entend depuis 2 jours, il n’y a pas de fumée sans feu, hein ?
Il serait noir, donc hop ! nos confrères se jettent sur le premier noir qui passe, un peu éberlué, de voir autant de micros (Europe 1, LCI etc…) se tendre vers lui. Il en reste bouche bée, jusqu’au moment où les journalistes réalisent qu’il n’a rien à voir, et qu’il n’y a rien à voir, et qu’il n’est pas la personne interrogée pendant 2 jours. Retour en plateau – allez je balance c’était sur CNews – gêne du présentateur. 
Voilà à quoi conduisent deux jours de parano médiatique. 
L’incendie de Nantes ? « Pas d’amalgame », répètent en boucle les media. Sous-entendu, amalgame avec les intégristes musulmans, les barbus. 
Personne ne les nomme nommément, mais tout le monde y pense. Comme Philippe de Villiers qui déclara : « La décivilisation est en marche. Pendant le confinement les églises étaient fermées. Maintenant elles brûlent. ». Et toutes ces chroniqueuses/eurs de dire : « S‘attaquer à notre patrimoine, c’est s’attaquer à l’identité de la France ». Attaquer ? Mais qui ? Des barbus ? Alors dîtes-le ! 
Et puis on parle d’un rwandais. Pas de chance, les rwandais sont cathos et très croyants. Cela ne cadre pas avec le grand complot : Après Sainte Sophie à Istanbul, reconvertie de musée en mosquée, l’incendie de nos cathédrales. Pour faire place à des mosquées sans doute. Le grand remplacement est en marche. Dommage que Zemmour soit en vacances, il aurait pu en rajouter une couche.
Aujourd’hui, le pauvre rwandais est innocenté. Il paraît qu’il est terrorisé par ce qui lui est tombé dessus. On évoque à nouveau la piste de l’accident, l’installation électrique… On verra. 
Mais on attend les excuses de toutes ces chroniqueuse/eurs qui ont dit autant de conneries pendant 48 heures – et en plus elles/ils sont payé(e)s pour ça !
Quoique la police et la justice trouvent et prouvent, il en restera toujours quelque chose : « On » s’en prend à notre patrimoine. Et derrière le « on » il y aurait toutes celles/ceux qui ne s’appellent pas Corinne. 

Nous vivons une e-poque formidable. Et parano…

Notre-Dame… mais pas trop !

Une catastrophe qui nous a sidérés, mais aujourd’hui n’en fait-on pas un peu trop ? 
Bien sûr Lundi soir nous étions tous stupéfaits. En moins d’une heure, Notre-Dame qui flambe et sa flèche qui s’écroule dans le brasier. Elle qui était passée entre toutes les gouttes de notre Histoire. Consternation. 
Bien sûr que pour les catholiques, c’est un choc d’autant plus fort que l’on est en pleine semaine sainte. D’où les messes, les cloches qui sonnent à l’unisson, c’est bien normal. Et même d’une autre religion, même non croyant, même athée on peut s’y associer par sympathie. 
Bien sûr qu’il faut la reconstruire : Paris sans Notre-Dame, ce serait comme la France sans Notre-Dame, l’Europe sans Notre-Dame. Le skyline de la capitale n’est plus le même, sans cette flèche, ça fait bizarre.
Bien sûr qu’on ne va pas cracher ni sur les dons ni sur les donateurs, qui se sont bousculés pour financer la reconstruction. « Privilège de l’homme blanc » comme le dit –l’excellent- Pierre Haski sur France Inter ? Opération de com’ pour milliardaires qui pratiquent l’optimisation fiscale ? « 1 milliard d’un claquement de doigt » alors que des milliers de SDF dorment dans nos rues, et qu’ils sont de plus en plus nombreux malgré les promesses électorales de l’actuel Président ? N’est-ce pas tout mélanger ? Dans ce cas-là pourquoi entretenir Versailles ? Pourquoi restaurer Angkor ? Pourquoi avoir sauvé Abou Simbel en Egypte ? Que Pinault ou Arnaud soient mécènes, ça choque mais pas Bill Gates et Waren Buffet ? 
Notre-Dame sera reconstruite. L’émotion est là, l’argent est là. Mais toutes ces émissions spéciales, ce défilé de personnalités ou non qui se découvrent tous des âmes de Paul Claudel (Oui l’auteur du « Soulier de satin », celui qui trouva la foi à Notre-Dame en 1886 « en un instant mon cœur fût touché et je crus »près du second pilier à l’entrée du choeur à droite). Et qui tous se remettent à Victor Hugo. Le livre ou la comédie musicale. On commence à saturer. 
Alors Notre-Dame, oui … mais pas trop !

Canicule, incendies, catastrophes et Alzheimer !

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Après les incendies de 1965 entre Bormes et la Cap Bénat
Nous n’avons pas de mémoire. Nos sociétés n’ont pas de mémoire, et les médias tout info, instantanés, qui enfilent les catastrophes et les « breaking news » comme des perles, y sont pour quelque chose.
Prenez la « canicule ». C’est comme si fin août en France, il n’avait jamais fait chaud ! Et puis comment font les 2/3 de l’humanité qui, rappelons-le quand même, vivent dans des pays « chauds », c’est-à-dire plus chauds qu’à Paris ou Londres ? Lorsque Christophe Colomb a découvert les Antilles, il a décrit leur climat comme « aussi doux qu’un printemps en Andalousie ». C’est dans ses récits de voyage. Il faut dire que l’été en Andalousie, vers midi, on pourrait faire cuire un œuf par terre. Sauf qu’il faudrait être fou ou touriste, pour mettre le nez dehors entre midi et trois heures. Curieux que les andalous arrivent ainsi à vivre, sans plan canicule ni conseils donnés par les « experts » santé ou climat de BFM TV, Itélé, et autre LCI. Et cela n’est pas nouveau, et n’a rien à voir avec le réchauffement climatique.
Nous manquons de perspective(s), nous manquons de culture, et puis, nous manquons de mémoire. Tout événement nous est présenté comme exceptionnel, hors norme, apocalyptique. Ainsi 36 ° C en Europe de l’Ouest fin août ? Eh ! bien, si l’on réfléchit bien, en se souvenant par exemple d’événements familiaux marquants, comme la naissance d’un de ses enfants, eh ! bien on peut se souvenir qu’il y a 25 ans, il faisait 36 ° C à Berlin le 24 août. Et personne sur place n’avait déclenché l’état d’urgence. Il est vrai qu’à Berlin, en été on va se baigner, les forêts y sont nombreuses, les lacs également et baignables! Ce qui par rapport à Paris, évidemment change tout !
Manque de mémoire ? C’est la même chose avec les incendies.
Il y a quelques jours ceux de Vitrolles ont été décrits comme «apocalyptiques». Bien sûr, pour les habitants de la région, tout incendie est un cauchemar, et la désolation continue encore longtemps après les feux. 2000, 4000 hectares brulés, c’est toujours trop. Mais l’on oublie que c’est dix fois moins que dans les années 1960-1990. Là aussi, il faut se souvenir en interrogeant parents, habitants, ou … la presse de l’époque: Qui vous rappelleront la Sainte Victoire, massif cher au peintre Cézanne, défigurée par les incendies d’août 1989, ou encore ceux terribles qui ravagèrent les massifs des Maures ou de l’Estérel en 1962, 1965, où 21 000 hectares partirent en fumée dans le seul département du Var. Les nuages de fumée se voyaient depuis la presqu’île de Giens.
Mais notre pays – et c’est tant mieux – a mis le paquet sur la prévention, la réglementation, le réseau de surveillance, les moyens de lutte contre les incendies. Aujourd’hui, la France est plutôt un exemple au niveau mondial. Il suffit de voir ce qui se passe chaque année de la Californie au Portugal ! Bien sûr l’urbanisation dans des milieux fragiles – et les zones méditerranéennes sont des milieux fragiles – accroissent les conséquences de telle catastrophe. Mais arrêtons de penser que « nous n’avons jamais vu ça ».
Ce manque de mémoire est conforté par l’obsession des medias d’aujourd’hui, pour le « breaking news », pour le tweet ou le periscope envoyés, sans recul, sans discernement. Ou la peur de ne pas être les « premiers » sur un événement. Or il est infiniment plus facile d’aller faire « un plateau en situation » avec des phrases du genre « Derrière moi, l’apocalypse » plutôt que de prendre le temps de la remise en perspective, qui suppose de travailler ses dossiers, de travailler tout court.
Pourtant, n’est-ce pas cela le métier de journaliste ? Nous donner de la mémoire, éviter que notre mémoire de citoyens soit aussi brève que celle des poissons rouges. Plus que d’être des moulins à parole, des tuyaux à news : Sur ces plans-là les ordinateurs nous battront bientôt.
Nous vivons une e-poque formidable.

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