En définitive, j’ai tout raté à vouloir être reporter, c’est-à-dire aller voir sur place, aller à la rencontre de, pour essayer ensuite de rapporter ce dont on a été témoin. En toute subjectivité, mais avec – je l’espère – honnêteté.
Non, j’aurais dû faire éditorialiste. Je suis peut-être un peu jaloux, mais je ne peux m’empêcher d’être interloqué ? esbaudi ? devant l’agilité d’un certain nombre de nos confrères/sœurs qui sur les plateaux des chaînes tout-info passe d’un sujet à l’autre, bondissant tels des singes hurleurs d’arbres en arbres au sommet de la canopée de la forêt guyanaise, passant du terrorisme aux élections américaines, de l’inceste au COVID. Évidemment. Ainsi, tous nos confrères sont devenus en une nuit ou presque, des spécialistes de l’épidémiologie et des techniques de réanimation. Ainsi depuis plusieurs jours, nous avons eu droit à une explosion d’analyses annonçant le reconfinement pour mercredi, pour vendredi, pour ce week-end, toutes certifiées par les fameuses « sources bien informées ». Et puis, pschiittt, pas de reconfinement, en tout cas pour l’instant. Cela va-t-il conduire nos confrères à un peu plus de retenue, savoir « fermer sa gueule quand on n’a rien à dire » ? Ce n’est pas sûr, car le défaut de l’information en continue, des chaînes tout info, c’est qu’il faut produire du flux, du contenu, 24 h sur 24. Or les reportages, les témoignages que l’on va recueillir parfois très loin, cela coûte cher, très cher. En revanche, les plateaux où un présentateur et 3 experts débattent pendant des heures, ça ne coûte pas cher et ça meuble. On voit mal dans ces conditions pourquoi les media tourneraient leur langue sept fois dans leurs bouches avant de parler.
Au début on écrit (et on tweete): Bravo, c’est très bien.
L’habillage, le look, les « jingles ». Et puis surtout l’idée de créer un vrai media à partir du web, et non pas un média qui soit une déclinaison web d’une télé, d’une radio ou d’un journal déjà existant. Un media pensé d’abord pour le premier support sur lequel nous consommons de l’info: notre smartphone (ou notre tablette), et qui soit « compatible tout écrans », c’est-à-dire aussi regardable sur l’ordinateur ou la télévision. Et enfin un média qui intègre dans sa conception les fonctionnalités propres au web : l’interactivité, forum, chat, tweet, réseaux sociaux. Donc ça c’est génial.
Hélas, en matière de communication, il n’y a qu’une seule vérité, celle du consommateur, du spectateur, du lecteur. Or quand on essaie de regarder/ écouter/ lire franceinfo radio.tv, on s’épuise très vite. Pire, on a le tournis, le mal de mer.
D’abord à l’image, ils n’arrêtent pas de marcher, de bouger: C’est épuisant. On en est fatigué pour eux, et pour les cameramen qui les filment avec leurs steadycams. En plus comme l’info, les images de l’info, bougent en permanence, on se dit que dans ce monde qui bouge autour de nous, on n’a pas besoin de marathoniens de l’info, mais de points fixes, de repères.
Et puis, il y a cette idée de filmer sur fond de rédaction, de montrer les entrailles de l’info en train d’être « fabriquée », la aussi bonne idée.Sur le papier, pardon la tablette, du moins. Parce que parfois – souvent – il n’y a rien. L’ « open-space» en arrière plan est vide ou presque, ou bien il s’y passe des choses qui retiennent votre attention au détriment de ce que raconte le présentateur.
Et puis, il y a l’envie d’utiliser toutes ces nouvelles technologies. Mais là aussi, on a envie de leur dire : « Lâche ta tablette, arrête un peu de cliquer ».
Et puis trop d’infographies, trop de stabilo, trop d’incrustations, tuent l’info. Et là on a envie de revenir à la radio, mais on ne sait plus très bien si Franceinfo radio est toujours une radio, ni si Franceinfo tv est vraiment une télévision.
Et puis, il y a le fond, bien sûr, le choix des infos, la hiérarchisation de l’info, le traitement de l’info, et sur ce plan, pour l’instant, on ne voit, ni n’entend la différence. On a même l’impression que Franceinfo tv s’est épuisée sur la forme au détriment du fond.
Prenez le Gabon, par exemple. Dans l’actualité, de manière sanglante, depuis quelques jours. Personne ne prend le temps de nous rappeler, de nous apprendre, de nous expliquer ce qu’est ce pays: Combien d’habitants, combien de ressources, son histoire, quelles religions, la présence de l’Islam, vu que la famille du Président s’est convertie, la présence de la Chine, vu que le candidat de l’opposition Jean Ping, est d’origine chinoise, etc. Et Libreville et Port-Gentil, ça ressemble à quoi ?… On n’a le droit qu’à des clichés sur la FranceAfrique, sur les républiques bananières, sur l’Afrique alors que franchement, une carte, de l’infographie, des images, et notamment toutes ces nouvelles images auxquelles on a accès avec les nouvelles technologies, seraient les bienvenu(e)s.
Prenez égalementMère Theresa. Là aussi, plutôt que d’en faire des tonnes y compris avec des sujets qui se veulent humoristiques et décalés sur les « miracles » attribués à la future Sainte, et là c’est délicat, car on est dans le domaine de la foi, de la conviction, il aurait mieux valu expliquer en quoi cet événement qui au départ intéresse essentiellement les seuls catholiques, peut concerner tout le monde. On aurait aimé en savoir plus sur sa vie de catholique née en Albanie, pays musulman, mais avec une histoire religieuse compliquée, et qui est allée travailler toute sa vie, à Calcutta, hindoue et musulmane.
On se dit que, avec le temps, ces gamineries, ces erreurs de jeunesse seront corrigées. D’autant plus que l’atout formidable de ce media, surtout par rapport à ITélé par exemple, est de s’appuyer sur les ressources rédactionnelles et documentaires de France Télévision, France 24, Radio France, l’INA. Excusez du peu.
On se dit aussi, et c’est là peut-être, la principale inquiétude: Qui va payer ? Car tout cela aura – et a déjà – un coût, forcément très élevé. Préparons-nous à des grincements de dents chez les autres chaînes du groupe (Laquelle va être sacrifiée en premier ?).Préparons-nous aussi à payer (Bonjour la hausse de la redevance télé en 2017 … après les élections). Quant aux autres sources de financements, il ne faut pas rêver. Les pure player, comme Rue 89, qui en son temps, avait été le premier, n’ont jamais été rentables.