Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : Jacqueline de Romilly

Les grecs anciens pour nous aider à combattre la violence dans notre société!

« La violence constitue à la fois un des pires maux de notre époque et un de ceux contre lesquels la Grèce antique s’est élevée avec le plus de force. (…)
En ces jours où l’on parle beaucoup de la Grèce, il n’est pas inintéressant de relire les textes de celles et ceux qui sont des vrais connaisseurs et des « passeurs » de la Grèce antique. Comme Jacqueline de Romilly, qui passa sa vie à essayer de nous faire comprendre la modernité des textes, des réflexions, des athéniens 500 ans avant Jésus-Christ.
Attention, Jacqueline de Romilly ne faisait pas de copié-collé entre la Grèce antique et la Grèce moderne.
Et les raccourcis du style :« La Grèce a inventé la démocratie » sont totalement faux:  L’on s’imagine un régime parlementaire avec des habitants tous égaux, libres de choisir. Alors, que la Grèce antique, ce sont les femmes et les esclaves exclus de la société.
Quant à la Grèce moderne, elle ne connaît la démocratie moderne que depuis à peine 40 ans. Un peu comme l’Espagne et le Portugal. La mère de nos démocraties, c’est plus l’Angleterre que la Grèce.
En revanche, oui, il s’est passé quelque chose qui influence notre civilisation, dans ce petit bout de territoire de rien du tout, pas toute la Grèce, mais Athènes, 450 ans avant Jésus-Christ:« Le V° siècle athénien a inventé la démocratie et la réflexion politique. Il a créé la tragédie et, en moins de cent ans, a vu se succéder les trois seuls auteurs qu’ait connus la postérité –Eschyle, Sophocle, Euripide. Il a donné forme à la comédie avec Aristophane. Il a vu l’invention de l’histoire, avec Hérodote (…) puis Thucydide. Il a vu les constructions de l’Acropole et les statues de Phidias. Il a été le siècle de Socrate. Socrate, dans les dernières années du siècle, s’entretenait avec le jeune Platon ou le jeune Xénophon, et avec les disciples de ces sophistes, qui venaient d’inventer la rhétorique. On apprenait alors les progrès d’une nouvelle médecine, scientifique et fondée sur l’observation – celle d’un certain Hippocrate. (…) Il s’est donc passé quelque chose, en ce V° siècle avant J.C, qui allait au-devant de l’intelligence et de la sensibilité humaines (…) Il faut se demander ce qu’il pouvait y avoir en Grèce, dés l’origine et jusqu’à la fin, qui mette ainsi à part la civilisation grecque et lui assure ce rayonnement sans pareil… » (1)
La Grèce antique a connu la violence, bien entendu. Elle l’a connue sous toutes ces formes. Elle a connu une interminable série de guerres ; et au cours de chacune d’elles, on rencontre des mesures de répression, qui nous paraissent effroyablement cruelles. (…)
La Grèce a connu la violence (…) mais elle a condamné la violence : toute la littérature du temps l’atteste. Et peut-être est-ce précisément parce qu’elle en a fait l’expérience qu’elle a pu exprimer avec tant de force son refus et son désir de l’abolir (…)
Les Grecs ne nous ont pas offert un modèle qu’il s’agirait d’imiter : ils ont décrit une expérience et défendu certaines valeurs qu’ils étaient les premiers à découvrir et qu’ils ont exprimées avec une telle netteté et un tel sens de l’universel que celles-ci s’imposent encore à nous, comme si celles étaient actuelles.(…) Dans les classes, pour les jeunes, quand il s’agit de leur inculquer, le plus possible, tout ce qui pourra faire reculer la sombre violence dont nous souffrons, il faudra plutôt former leurs jeunes années avec les auteurs antiques ou classiques. Les auteurs les plus modernes leurs seront toujours connus par le contexte du présent (…) Mais on peut espérer que la lecture d’autres textes aidera à fortifier en eux le dégoût de la violence, et à laisser croître dans leur sensibilité des forces de résistance. Il faut à tout prix leur communiquer un peu de cette sève et de cet élan que nous avons perdu. (…)
Je n’imagine certes pas que la littérature soit le premier remède contre la violence, ni le plus efficace. (…)Mais l’aide de la littérature, l’aide de l’enseignement, l’aide des textes, l’aide de la Grèce, pourquoi s’en priver ? Elle est là, réconfortante et lumineuse, capable de nous aider, et à portée de notre main… »(2)
Les grecs anciens pour nous aider à lutter contre la violence dans nos sociétés modernes ? Dommage que la réforme de l’enseignement les fasse passer à la trappe !
Nous vivons une e-poque formidable !
(1)  Pourquoi la Grèce ?
(2)  La Grèce contre la violence

Pourquoi sauver l’allemand ? Ca ne sert à rien, c’est élitiste, c’est moche : Raus, schnell, Gestapo!

Ne plus comprendre la langue de l’autre…
C’est une idée vieille comme… comme les réformes de l’enseignement. A chaque fois, on jette un nouvel apprentissage de langues à la trappe. A chaque fois, on nous explique que pour rendre l’enseignement plus démocratique, moins élitiste, il faut se concentrer sur le plus important, et aujourd’hui l’important, c’est l’anglais.
La dernière trouvaille: Supprimer les classes bilingues, notamment allemand. Et c’est vrai: Apprendre l’allemand ne sert à rien.
Cela ne sert à rien pour passer sa commande de double cheese, de nuggets, de burger; de hamburger. Il paraît qu’à Hambourg, ils en sont tout retournés. ( Burger-Hamburger: Ceci est de l’humour, de l’humour germaniste ! )
L’allemand ne sert à rien: Il vaut bien mieux baragouiner deux mots d’anglais: C’est le vrai kit de survie qui vous permet de vous débrouiller partout dans le monde, du Brésil jusqu’en Chine. Même en Allemagne d’ailleurs. «  Are you talking to me ? « (Ceci est encore de l’humour, re-LOL !)
Il y a longtemps, mais qui s’en souvient encore,  on faisait « français – latin – grec », c’était la voie royale. Pour dire de quelqu’un qu’il assurait dans ces études, on disait qu’il était « fort en thème ». Et cela voulait dire en thème latin (ou en version grecque). Mais c’était difficile et puis, c’étaient des « langues mortes ». Elles sont passées à la trappe, et il est sûr que cela a été extrêmement efficace pour hausser le niveau de l’apprentissage des langues dans notre système éducatif. Il suffit d’entendre des français parler anglais pour mesurer le chemin parcouru depuis Maurice Chevalier. (Ceciest encore de l’humour, re-LOL !)
Qu’importe que ces deux langues soient des langues de culture, qui nous apprennent d’où nous venons, d’où viennent nos mots de tous les jours, d’où viennent les valeurs de nos sociétés, les grands mythes qui ont structuré notre imaginaire avant qu’Hollywood à la sauce Peplum ou Disney ne nous reformate. Aujourd’hui, nous connaissons mieux les intrigues compliquées du Seigneur des Anneaux ou la filiation encore plus compliquée de Dark Vador, que les pérégrinations d’Ulysse en Méditerranée. Et nous ne sommes plus capables de comprendre les inscriptions aux frontons de tant d’églises, d’horloges, de châteaux. Mais qu’importe !

L’allemand, ça ne sert à rien: L’allemand est seulement la langue maternelle la plus parlée en Europe. L’Allemagne est simplement notre principal partenaire, peu de pays au monde ne sont autant liés pour le pire et le meilleur que nos deux pays. Pourtant, jamais l’allemand n’a été , chez nous, aussi peu étudié. Qu’importe: Les allemands eux apprennent notre langue, même si la tendance est à la baisse Ils viennent d’ailleurs étudier à l’ENA ou à Sciences Po, ce qui permet à la Chancellerie allemande, ou aux grandes entreprises allemandes de bien mieux nous connaître que nous ne les connaissons. Car apprendre une langue, c’est comprendre comment raisonne son interlocuteur.
Et puis, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, l’allemand chez nous a mauvaise réputation :
Ce serait une langue difficile… Comme si le chinois, le russe, l’arabe ou le hongrois s’apprenaient les doigts dans le nez. Et même l’anglais, si on veut vraiment l’apprendre, au-delà de quelques répliques comme « Fuck, fuck, fuck »
L’allemand, c’est moche, c’est guttural; Cela fait 70 ans que nous en sommes restés aux « Raus, schnell, Gestapo ». Hollande et Merkel ont beau se faire des câlins, cela n’y change rien. C’est à se demander comment les plus grands musiciens ont composé en allemand, qui était considérée comme LA langue de l’Opéra et des « Lieder ». C’est à se demander pourquoi avant guerre, il n’y avait pas d’intellectuels, d’écrivains, d’hommes politiques français, qui n’aient étudié l’allemand.  Aujourd’hui, qui serait capable d’aller comme De Gaulle en 1962 s’adresser en allemand au peuple allemand ?
Une langue gutturale ? Et pourquoi ne le dit-on pas de l’espagnol, avec son j, sa « jota » ?
Langue brutale ? « Raus, Gestapo ? ». Je me demande si le français des militaires pendant la guerre d’Algérie était doux aux oreilles des indépendantistes arrêtés ou torturés.
Supprimons l’allemand, supprimons les classes bilingues, les filières péniblement créées depuis 50 ans d’amitié franco-allemande, d’Office franco-allemand de la Jeunesse.  Comme si c’est cela qui freinait l’apprentissage de l’anglais par tous. Alors que l’on sait que plus on apprend de langues, plus on a des facilités à en apprendre de nouvelles.
Et puis, cultivons les clichés. Réduisons les allemands aux seuls bavarois : culottes de peau, femmes en dirndle, musique tyrolienne (oui on mélange tout), et fête de la bière !
Comment aimer ce que l’on ne connaît pas ? Nous ne connaissons plus l’Allemagne, alors comment construire un avenir commun ?
Nous n’arrêtons pas de déplorer que notre société soit déboussolée et au même moment, nous nous coupons de nos voisins, de nos racines. Cela au nom de l’accès du plus grand nombre à la culture. Selon un principe qui est : « Qui peut le moins, peut le moins ».
Je me souviens d’échanges avec Jacqueline de Romilly, une spécialiste du grec ancien qui vous faisait vivre Thucydide, comme si vous étiez à Athènes au temps de Périclès, c’est-à-dire bien avant Alexis Tsipras. Hollywood n’existait même pas, c’est dire ! 
A 90 ans, elle continuait d’expliquer la modernité de la Grèce antique à des lycéens « de banlieues »  et comme on dit : Elle les scotchait avec Aristophane, Eschyle, Euripide ou Homère ! Elle leur apprenait que ce dernier n’était pas un héros des Simpsons, mais le premier « slammeur »  européen ! (Ceci est encore de l’humour, re-re-LOL !)
Comme quoi, ce n’est peut-être pas la matière enseignée qui est en cause mais bien la qualité du pédagogue. 
Pédagogue, pas pédéraste, ni pédophile. Tiens voilà encore un exemple, où avoir quelques notions des racines des mots de notre langue, éviterait bien des confusions et des raccourcis.
Pour me consoler, je vais revoir « Der Himmel über Berlin » de Wim Wenders « Le ciel au-dessus de Berlin », traduit en français curieusement par les « Les ailes du désir » et qui commence par la chanson de l’enfance de Peter Handke : « Als das Kind Kind war, wußte es nicht, daß es Kind war … ». Quand l’enfant était un enfant, il ne savait pas qu’il était enfant : Un poème sur l’innocence de l’enfant, sur l’innocence perdue.
Finalement, quelle chance d’avoir appris cette langue inutile !
Nous vivons un e-poque formidable.

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