Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : Johnny

Entre Johnny et Mélenchon, nous sommes coincés…

No comment…
Nous sommes coincés : web, radio, télé, nous sommes abreuvés jusqu’à plus soif, par les spéciales, les exclusifs, les directs, consacrés à 2 infos : À ma droite Johnny, à ma gauche Mélenchon. Comme s’il ne se passait que cela dans notre vaste monde.
Attention, il ne s’agit ni de kc le souvenir de Johnny l’artiste, ni de négliger la sortie de son album posthume. Pour ceux qui sont fans et apparemment ils sont nombreux, c’est bien. Mais pour ceux et apparemment ils sont encore plus nombreux qui trouvent que Johnny c’est bien, mais qu’il n’est pas non plus ni Michael Jackson, ni Aretha Franklin, ni même peut-être non plus Charles Aznavour, l’air est devenu étouffant. Matraquage ? Vous avez dit matraquage ? En tout cas, impossible de passer à côté à moins de franchir une de nos frontières et de prendre pour quelque temps refuge en Espagne ou en Allemagne. On nous dit que son disque est déjà disque d’or, mais c’est l’inverse qui aurait été une info, avec une telle saturation de l’espace, bravo la maison de disques, bravo les producteurs, chapeau Laetitia. 
Et quand on cherche autre chose, on tombe sur … Mélenchon. E là ce n’est pas pour kc ni la France Insoumise, ni les idées de gauche (? c’est quoi au fait des idées de gauche ?) mais là aussi brusquement on étouffe. On hésite entre le fou rire et la consternation. Et d’ailleurs en matière de consternation, on hésite aussi. Qu’est-ce qui est le plus consternant : Mélenchon hurlant sur ce juge, sur ces policiers stoïques sous les injures, éructant : « Ne me touchez pas, JE suis la République ». Et l’on parle de cailleras dans des banlieues qui seraient perdues pour la République ? Et l’on s’inquiète des violences contre la police, de la montée des incivilités ? Mais l’exemple ne vient-il pas de haut ? On attend avec impatience les prochains contrôles policiers où des jeunes hurleront « Nous sommes tous des Mélenchon ». 
Ou plus consternant encore peut-être, cette manière d’humilier avec un mépris qu’autrefois on aurait qualifié de classe, telle journaliste pour son accent, tel autre pour sa question. Là Mélenchon, c’est Trump en français dans le texte, comme lorsque le Président américain ironise sur un journaliste handicapé, ou répète à longueur de tweets : « Fake news et Presse pourrie ». 
On cherche d’autres nouvelles et l’on tombe sur … l’affaire Khashoggi, ce journaliste saoudien « disparu », en fait torturé puis découpé à la scie dans le consulat de son pays à Istanbul. Et là on se pince : Et ce pays est notre meilleur allié ? le meilleur allié des Etats-Unis, d’Israël au Proche-Orient ?
Du coup on étouffe. On éteint tout. Give me a break. Heureusement qu’il fait beau (enfin, du moins là où le ciel semble ne pas avoir voulu déverser toutes les larmes du monde, on pense à l’Aude), on peut sortir respirer. Et l’on se dit : Pourtant que la montagne est belle. Comment peut-on s’imaginer. En voyant un vol d’hirondelles. Que l’automne vient d’arriver ?
Enfin jusqu’à quand ? Avec le changement climatique, la sécheresse ou les inondations, la fonte des glaciers ou les tornades… Nous sommes coincés…

Qu’est-ce que, ce que nous disons sur Johnny, dit sur nous.

De Johnny à Booba: Une simple question de générations ? 
C’est une conversation saisie au vol dans un supermarché, entre le rayon fromages et celui des yaourts à l’heure où se déroulait l’hommage à Johnny.
L’une : Quand je pense que je suis obligée de faire le réassortiment. Je préfèrerais être à la Madeleine.
L’autre : Et tu y aurais fait quoi ? Il est dans un cercueil.
Un troisième : Et tu aurais rien vu, c’est blindé de monde.
La première (vraiment fâchée) : C’est mon idole. J’ai vieilli avec lui.
L’autre : Moi je préfère Sardou.
Un autre : Pfuiittt, moi j’écoute pas ça, je préfère le hip hop. Et Booba
Toute la France rendait hommage à Johnny. Les scènes à la télé étaient impressionnantes. Des centaines de milliers, un million de personnes. L’hommage était plutôt bien. Pas de couacs. De vraies émotions, une belle cérémonie. Le Président a joué son rôle, discours à l’extérieur de l’église, pas de signe de croix avec l’eau bénite. Ses gestes étaient scrutés, la laïcité a été respectée.
Toute la France donc, était là. Même ceux qui n’auraient pas voulu. Parce qu’il était difficile d’y échapper. Tous les media diffusaient en direct la cérémonie, et en boucle des spéciales, des rétros, des témoignages. A moins d’être en voyage au fin fond du Rajahstan ( par exemple, mais on pouvait simplement aller en Allemagne ou en Espagne) , difficile d’échapper à Johnny. De résister à la tentation de cliquer sur un exclusif, sur les 5 choses que vous ignorez sur Johnny, sur « Et pourquoi il a choisi Saint-Barthélémy ? ».
Tiens voilà une décision qui divise.
D’un côté les fans qui auraient aimé pouvoir aller en pèlerinage sur sa tombe comme pour Dalida, Jim Morrison ou Claude François. Et Saint-Barthélémy, ça fait nettement plus cher que Dannemois dans le 91. De l’autre, il y a ceux qui trouvent ça très bien, c’est « comme Brel, enterré aux Marquises ». Ceux-là apparemment ne connaissent ni les Marquises, ni Saint-Barth, le seul point commun entre les deux, étant d’être des îles. Mais l’une naturelle et authentique et l’autre bétonnée et jet-setisée.
Toute la France était donc là . Sauf celle qui sur Deezer, Instagram, snapchat ou Booska se rue sur le dernier album de Booba, disque d’or en une semaine grâce au téléchargement.
Booba dont on vante le « flow » et les punchlines qui ne cessent de mettre sur un « Trône » un machisme bodybuildé, mysogine et homophobe.
De « J’mets la capote sur ma bite et sur ma Lamborghini » à
« J’vais bien t’baiser et t’auras pas à lâcher une thune
T’es témoin d’un mariage gay entre une Kalash’ et une plume
T’en as deux, une dans la bouche et l’autre dans le croissant de lune 
».
On est loin de Oh ! Marie…
On est loin de Johnny. Comme si ce n’était pas le même siècle, la même France.
Ces derniers jours, la France du XXI ème siècle semblait absente de ces moments d’émotion nationale. Comme elle l’était aussi en partie dans les manifestations après les attentats il y a deux ans.

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