Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : journalistes

Grâce à internet, tout le monde pense en rond !

Y-a-t-il encore des journalistes aux commandes de l’information ?
C’est dingue : Vous avez remarqué ?  Aujourd’hui, nous sommes informés en temps réel ou presque, non seulement de ce qui se passe au coin de notre rue, mais également du battement de l’aile d’un papillon à Hong Kong. Merci internet, le web, c’est formidable. Ce qui l’est moins c’est que progressivement, vous ne voyez plus (virtuellement) que des gens qui pensent comme vous, qui ont les mêmes centres d’intérêts, les mêmes goûts musicaux, les mêmes opinions politiques. Prenez Facebook. Tous les jours, vous surfez sur le fil d’actualités qui est alimenté essentiellement par les publications de vos amis, par les amis de vos amis, et tout ce qu’aiment vos amis. Et comme ce sont vos amis, ils aiment ce que vous aimez.
Prenez Google actualités. Et là c’est génial, vous êtes géolocalisés. Donc si vous êtes à Paris, vous avez l’actu de Paris, si vous êtes à Marseille, celle de Marseille. Bien sûr vous pouvez composer votre programme, vos préférences recherche. Brésil, économie, France etc… Et tous les jours, vous parviennent toutes les infos sur tous ces thèmes préchoisis. Qui est le rédacteur en chef de ce super nouveau média ? Qui sont les journalistes qui hiérarchisent les infos ? Qui les vérifie, les « source » ? Mystère !  « Ils » doivent être quelque part à Cupertino dans la Silicon Valley, à moins qu’ils ne soient pas, qu’ils n’existent pas, sauf sous la forme d’algorithmes et de super ordinateurs.
Ce qui est également insidieux ce sont les cookies, vous savez : Vous consultez un site de vente en ligne, vous cherchez une cafetière, et hop ! Comme c’est curieux : Dans les jours qui suivent vous voyez des tas d’annonces de cafetières, qui surgissent ici et là dans votre navigation. Même chose, si vous êtes allez voir une info sur le site du Monde ou celui de RTL.
Et puis encore plus insidieux, tout est mélangé : Les vraies infos avec les rumeurs, les commentaires sur les forums, les chats. Cela peut conduire à des situations cocasses. Comme l’ineffable Christine Boutin, qui depuis qu’elle a découvert les réseaux sociaux tweete plus vite que son ombre, y compris en réaction à des infos du Gorafi, ce site humoristique qui pastiche avec talent les tics d’écriture des journalistes. Mais cela peut conduire aussi à de la désinformation. Comme dans le cas d’Hillary Clinton, accusée d’être soutenue par Daesh, ou d’Alain Juppé, accusé d’être laxiste à l’égard des islamistes bordelais et rebaptisé Ali Juppé. Ensuite on dément, mais c’est trop tard, le bad buzz est passé par là. Médisez, médisez, sur internet il en restera toujours quelque chose.
Finalement la presse traditionnelle avait du bon, qui permettait au fil des pages de faire des découvertes et d’être informés y compris sur ce que l’on ne connaissait pas. Finalement les journalistes avaient du bon. Il en faudrait peut-être un peu plus aux commandes du web.
Nous vivons une e-poque formidable.

Arrestation de Salah Abdeslam: Les victimes “jeunes et innocentes”.

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Il vaut mieux fermer sa gueule et passer pour un con plutôt que de l’ouvrir et ne laisser aucun doute à ce sujet
Avec l’arrestation de l’organisateur présumé des attentats du 13 novembre dernier à Paris, les médias moulinent pour commenter et expliquer les événements. Comme il y a moins de choses à dire et surtout à montrer que ce que l’aspirateur de l’information permanente exige, ce sont les mêmes images montées en boucle, ce sont les mêmes experts, eux aussi montés en boucle. On découvre que c’est dingue, le nombre d’ « experts » police-justice que nous possédons et nous ne le savions pas. Compliqué de savoir ce que valent l’expérience et la légitimité de tel ancien directeur des renseignements, de tel expert auprès de telle instance. A la longue, difficile également pour tous ces experts, mais aussi ces politiques sommés de réagir en permanence, ces artistes qui doivent avoir une opinion sur tout, et enfin pour les journalistes, de ne pas se mettre à parler pour ne rien dire et de finir par déraper. Tous ces mots qui à force de répétition prennent une signification qu’ils n’avaient pas au départ : La « traque » , le « loup solitaire », le « radicalisé », « exfiltrer », ou dans d’autres domaines, « finaliser » un dossier, ou encore « se projeter dans une maison à acheter », ça c’est l’effet Stéphane Plaza sur M6.
Et puis il y a les fameuses « victimes innocentes ». Victimes innocentes ? Qu’est-ce à dire ? Y aurait-il des victimes non innocentes ? Le pire est quand l’on rajoute « jeunes et innocentes ». En quoi le fait d’être assassiné à 30 ans est-il pire qu’à 50 ans ?
Cela fait penser à l’expression horriblement malheureuse de l’ancien Premier Ministre Raymond Barre devant la synagogue de la rue Copernic devant laquelle une bombe avait explosé en octobre 1980, qui avait frappé des « français innocents ». En fait il s’agissait de passants, tués ou blessés parce qu’ils passaient devant la synagogue. Les juifs qui se trouvaient à l’intérieur avaient échappé à la bombe. Raymond Barre n’était pas antisémite, mais pressé par les médias, il avait sorti la petite phrase de trop. Et aujourd’hui, encore plus qu’en 1980, l’on comprend que dans ce genre de drame, chaque mot compte. On comprend qu’avec internet et le flux permanent d’informations, on a besoin plus que jamais, des journalistes et de leur métier : Vérifier les sources d’informations, recouper les informations, les hiérarchiser, les mettre en perspective, les « formater » dans des messages simples mais pas simplistes, de plus en plus courts, donc où chaque mot doit être pesé. Et parfois devant la logorrhée des médias, l’on se demande: Y-a-t-il un rédacteur en chef dans le cockpit de l’info, ou bien nos confrères ne sont-ils là que pour avoir un bâton de maréchal, un titre et le salaire qui va avec, en laissant présentatrices et présentateurs dire et surtout répéter autant de bêtises à l’antenne, en « direct-live » ? Arrive un moment où parce que cela a été dit à la télé, cela devient réalité. « Cela doit être vrai, je l’ai vu à la télé »! On disait autrefois qu’il fallait tourner sa langue 7 fois dans sa bouche avant de parler. Ce conseil de bon sens devrait être suivi plus souvent par les médias d’aujourd’hui. Et comme disait Coluche: Il vaut mieux fermer sa gueule et passer pour un con plutôt que de l’ouvrir et ne laisser aucun doute à ce sujet.
Nous vivons une e-poque  formidable. 

Journalistes – experts : Pan sur le bec !

Depuis quelque temps, les médias ont multiplié les chroniques du style : «Le vrai du faux» comme sur Europe 1 ou France Info, « Droit de suite » « Retour sur.. » qui pointent du doigts les politiques aux déclarations un peu hâtives, aux comparaisons inexactes, aux promesses non tenues.
Evidemment, il y a aujourd’hui la fameuse courbe du chômage qui ne s’est pas inversée.
Mais il y a aussi les analyses péremptoires, les papiers définitifs de nos confrères journalistes et/ou de tous ces « experts » dont on se demande s’ils ont toujours le temps de travailler ou d’enseigner, à force de faire le tour des émissions d’infos et de décryptages.
Il serait ainsi intéressant de ressortir ce que disaient tous ces « économistes » qui nous expliquaient pourquoi la France allait renouer avec la croissance et l’emploi, et en gros pourquoi tout le monde avait tort, tout le monde sauf la France. Ce que les allemands appellent depuis longtemps, le syndrome d’Astérix.
Il faut relire les articles et livres de tous ceux qui nous annonçaient  la fin du capitalisme, l’émergence d’un nouveau monde sous la pression d’un mouvement qui allait tout emporter : Les indignés. «Indignez-vous » écrivait Stéphane HesseI, dans un livre vendu à plus de 3 millions d’exemplaires. Où sont passés les indignés espagnols ? Ceux de Wall Street ou de la City ? Et ceux qui nous annonçaient l’effondrement de la Grèce, l’éclatement de l’euro ? Il est quand même incroyable que les journalistes soient aussi prompts à donner des leçons et si lents à  revenir sur leurs erreurs. Tout le monde peut en faire, l’important n’est-il pas de les reconnaître ?  Autrefois dans le Canard Enchaîné, il existait (il existe ?) une rubrique intitulée « Pan sur le bec » qui faisait le mea culpa du journal quand il avait sorti une information erronée. Il y aujourd’hui beaucoup de « Pan sur le bec «  qui se perdent. Personnellement je me souviens des analyses définitives  en 1987, au moment où Erich Honecker dirigeant de la RDA communiste, effectuait son premier voyage officiel en Allemagne de l’Ouest. Comme tous les correspondants et les experts, j’annonçais que l’Allemagne resterait divisée en deux Etats ad vitam aeternam. Deux ans plus tard en 1989, nous étions sur le mur de Berlin, et en quelques mois, l’Allemagne était unifiée.
« Pan sur le bec », les journalistes et les experts : Un peu d’humilité ne nous ferait pas de mal, et nous permettrait d’améliorer notre crédibilité dans le grand public.

Nous visons une e-poque formidable !

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