Beaucoup l’ont découvert aux mondiaux de Londres: Pierre-Antoine Bosse, ce formidable sportif qui est devenu champion du monde du 800 mètres. Une course incroyable, où il s’est totalement dépassé et a surpassé les favoris. Une performance d’autant plus remarquée, qu’hélas les autres athlètes français n’ont pas ramené beaucoup d’or…
Et puis Pierre-Antoine Bosse semble être une personnalité sympathique, plutôt farceur. Ses interviews sortent des poncifs traditionnels. Il explique joyeusement comment il a mouillé son lit la veille de la course – avec une bouteille d’eau, LOL !- il parle de son chat, RAB’S (Rien à branler en langue sms et au pluriel). Et puis lorsqu’il chante la marseillaise sur le podium, il la met à sa sauce : A la fin, au lieu de chanter « Marchons, marchons »,il improvise« Champion, Champion, Champion du monde ! » Personne n’y a trouvé rien à redire.
Mais imaginez qu’il ait été guadeloupéen, ou qu’il se soit appelé Ousmane, il s’en serait forcément trouvé quelques uns/unes pour monter au créneau du nationalisme. Pour sous entendre que décidément, ces « pièces rapportées » à notre pays sont de mauvais français et n’ont aucun respect pour l’hymne national.
C’est un peu comme pour les femmes, lorsqu’elles accèdent à des responsabilités, il faut souvent qu’elles en fassent deux fois plus que les hommes pour prouver qu’elles sont à la hauteur. Et quand elles sont et femmes et noires et jeunes, alors là… Demandez-donc à Sibeth N’Diaye, la communicante de l’Elysée et cette polémique autour d’un SMS qu’elle aurait envoyé à un journaliste pour confirmer le décès de Simone Veil: « La meuf est dead ». Une chose est de critiquer la (mauvaise ?) politique de communication de l’Elysée, une autre est cette mauvaise polémique. Car même si cela était le cas, qui n’a pas écrit des textos avec émoticônes et force abréviations ? ASKIP la meuf s’en BLC. JDCJR. MSK ! Pa de kwa fouetter un RAB’S.
Décidément les dissolutions et les élections sont des armes démocratiques à manier avec précaution.
En France on le sait bien, depuis la dissolution de 1997 par Jacques Chirac. Son conseiller Dominique de Villepin lui avait susurré à l’oreille de dissoudre « à l’anglaise », pour obtenir une majorité à sa botte.
Mauvais calcul: La gauche remporte les élections. Il parait que Bernadette Chirac poursuivit Villepin de sa colère en le surnommant: Néron, celui qui avait mis le feu à Rome !
La Première Ministre britannique,Theresa May, aussi souriante que feu Margaret Thatcher, croyait la partie gagnée d’avance. Il faut dire que son opposant le travailliste Jeremy Corbyn a le charisme d’une huître pas perlière, et un programme qui ferait rougir, de plaisir, des Artaud ou Poutou.
Et pourtant Corbyn semble effectuer une « remontada » qui pourrait déloger Theresa.
May a-t-elle sous-estimé les résultats de la casse sociale en Grande-Bretagne ? Des jobs, oui, mais à quel prix, une poignée de pence ? Il y a une Grande-Bretagne qui gagne, Londres notamment, et une autre qui perd ou en tout cas peine. C’est cette dernière qui a voté pour le Brexit et surtout contre l’immigration. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’arroseur Theresa pourrait bien se retrouver arrosée.
Si May perd, en France, Mélenchon prendrait le premier Eurostar pour aller saluer la victoire des « gens ». Et il pourrait croiser dans l’autre sens les investisseurs de la « City », qui après le Brexit, ne seraient pas très rassurés par une victoire de travaillistes qui promettent de multiplier par 2 le déficit public et multiplier les renationalisations.
Décidément l’électeur a mauvais esprit. Et en démocratie, il ne fait pas forcément ce qu’on attend de lui. Et c’est tant mieux. C’est la démocratie en marche.
Sans allusion aucune à nos prochaines échéances électorales. Mais un avertissement pour notre future majorité.
Une campagne outrancière: Allez-vous voter pour des amis de terroristes ?
Un musulman élu à la tête d’une capitale occidentale: C’est vrai, c’est une première. Et c’est vrai, par les temps qui courent – attentats, menaces des cinglés intégristes musulmans – ce vote, cette large victoire signifie le refus de la peur, « Le choix de l’espoir plutôt que de la peur » a déclaré l’heureux élu.
Cette élection signifie qu’à Londres, vitrine du miracle économique britannique, il y a un envers du décor. Elle est devenue la ville la plus chère au monde, son immobilier est investi par les milliardaires, notamment d’Asie. Et pour beaucoup de londoniens, transports, logements, tout est hors de prix. C’est cela aussi qu’a promis de régler Sadiq Khan. Avec ce slogan repris de Barack Obama : « Yes we Khan ».
Il y a … 8 ans, l’élection d’un noir à la tête des Etats-Unis avait également soulevé d’immenses espoirs. Pendant quelques mois, Barack Obama était comme un Messie, Jésus marchant sur l’eau, Prix Nobel de la Paix, avant même d’avoir fait quoique ce soit. Et puis ? Et puis, on attend toujours… la fermeture de Guantanamo, une nouvelle politique au Proche-Orient. Quant au nombre de « bavures » policières – et par bavures, on entend des jeunes noirs abattus par des policiers blancs – elles ne cessent de défrayer tragiquement la chronique. Bien sûr, symboliquement l’élection d’Obama a été très forte, et a changé sans doute l’image des Etats-Unis dans le monde. Un peu comme aujourd’hui l’élection de Sadiq Khan à Londres. Mais le nouveau maire pourra-t-il aller très loin. On nous présente ces élections comme des exemples de tolérance des sociétés américaines ou britanniques. Et en creux, cela souligne le retard de notre pays. Mais est-ce si vrai ?Les sociétés anglo-saxonnes sont-elles vraiment plus tolérantes que la nôtre.Le modèle communautaire par opposition à notre modèle « républicain » assimilationniste, est-il vraiment plus tolérant ?Chacun chez soi, chaque communauté entre elle, est-ce l’idéal ?
Il nous est dit par exemple que le port du voile ne pose pas de problème à Londres. Mais la question du voile est-elle seulement une question de tolérance religieuse, culturelle, un peu comme le port du Loden à Munich ou du kilt à Édimbourg ? Dans le monde musulman et chez les femmes musulmanes, il y a une discussion sur la signification de l’extension du port, non pas du fichu que portaient et portent encore beaucoup de grand-mères dans les campagnes du Maghreb, mais de ce voile intégrale, de la burqa, de ces tenues venues d’Arabie saoudite ou d’Afghanistan, et qui ont plus à voir avec le machisme des hommes qu’avec le respect de Dieu ;
Accepter comme c’est souvent le cas à Londres les dérives intégristes de certains musulmans, au nom de la tolérance, fermer les yeux sur les activités de certains groupes djihadistes basés en Grande-Bretagne, est-ce préparer l’avenir et l’acceptation de l’autre ? Modèle d’intégration la Grande-Bretagne ? C’est oublier les attentats épouvantables commis en 2005, ou en 2013, le soldat égorgé à la machette en plein jour dans une rue de la capitale … C’est oublier que la religion anglicane est toujours liée à la monarchie, et que Tony Blair a dû attendre de ne plus être Premier Ministre pour pouvoir se convertir à la religion catholique ! C’est oublier ces dernières semaines la campagne raciste d’une violence antimusulmane impensable chez nous menée par le candidat conservateur opposé à Sadiq Khan. « Allez-vous vraiment élire des gens qui pensent que les terroristes sont leurs amis ? ». Même le FN n’aurait pas osé !
En France, nous n’avons pas attendu un Barack Obama aux Etats-Unis ou un Sadiq Khan à Londres, pour qu’un noir et/ ou musulman accède aux plus hautes fonctions. Il y a plus de soixante ans, à une époque où les parents de Michelle Obama n’avaient pas le droit de s’asseoir à côté de blancs dans les bus, et où à Londres, le père de Sadiq Khan ne pouvait que rêver de les conduire, les bus, un noir, petit-fils d’esclave, Gaston Monnerville était élu Sénateur et Président du conseil général du Lot, et Président du Sénat de 1958 à 1968. Président du Sénat ! Deuxième personnage de l’Etat.
Oui mais depuis, on est où ? Même les souvenirs de Gaston Monnerville ou de Félix Eboué se sont évanouis. Ils ne sont plus que des noms de places ou de rues, au lieu d’être des modèles inspirant les jeunes générations. En 50 ans avons-nous reculé ? Où sont les nouveaux Monnerville ?
Pas question de ne pas faire cocorico et de ne pas chanter à l’unisson avec tous les porteurs du dossier JO Paris 2024. D’autant plus que toutes les autres candidatures « sérieuses » semblent faire faux bond. Donc, c’est un peu comme l’élection de Platini à la Présidence de la FIFA, les JO à Paris, ça paraît plié. Mais ce n’est pas forcément une bonne nouvelle, les JO à Paris, pas l’élection de Platini !
Bien sûr, il y a l’argument économique: Ca va booster l’activité avec des chantiers, du tourisme etc… Et l’on avance l’exemple de Londres, qui affiche des comptes dans le vert, qui a rénové une partie de ses quartiers-est laissés en friche, et qui a boosté son tourisme jusqu’à dépasser Paris comme première destination touristique. Même si en fait les chiffres publiés à Paris comme à Londres ne sont guère fiables, mélangeant tout et n’importe quoi. Ainsi à Paris, on comptabilise les touristes provinciaux, alors que Londres ne compte que les touristes étrangers. Ce qui fait la différence, c’est bien le nombre de nuitées et l’argent dépensé par les touristes, et là, on le sait bien, c’est encore à Londres que l’on vient faire du shopping. Sur ce plan, les JO feront moins que l’ouverture des magasins le Dimanche !
Autre avantage de Londres, contre lequel nous aurons du mal à lutter : Le business que rapportent Kate et William et leurs royal babies. Ce n’est pas faire injure à Anne Hidalgo que de penser que les mugs à son effigie feront toujours moins recette que ceux avec Baby George ou la petite Charlotte : So cute !
On nous vend aussi les retombées en terme d’aménagement du territoire, d’infrastructures. Mais un des problèmes français est « Paris et le désert français », l’attractivité de la province, la surconcentration de notre population, de nos forces, de nos richesses dans une seule grande métropole, où la construction de nouvelles infrastructures devient de plus en plus coûteuse. Cela fait cinquante ans que l’on dit qu’il faut décentraliser. Or nous continuons à faire l’inverse du choix allemand ou espagnol.
Il est d’ailleurs scandaleux que l’on nous fasse un chantage aux JO pour construire de nouveaux transports ou de nouveaux équipements en région parisienne. Quoi ? Si nous n’acceptons pas les JO, vous ne modernisez pas les RER ? Vous ne construirez pas de piscines ?
Il y aussi l’explosion des budgets prévisionnels: Paris 2024 annonce 6 milliards d’euros. On ne sait pas très bien ce que cela représente, mais nous savons que ce sera plus. Forcément. Même si nous n’atteindrons pas les délires de Sotchi ou de Pékin.
En revanche, il y a beaucoup d’exemples où les JO semblent porter la poisse.
A Athènes bien sûr, où les herbes folles ont envahi une partie des installations olympiques. Les J.O ont sans doute contribué à la faillite que traverse la Grèce aujourd’hui, mais ils ont surtout servi de révélateurs des disfonctionnements du pays, avec notamment la corruption qui a fait évaporer une bonne partie des financements.
C’est également ce qui est en train de se passer à Rio, où se dérouleront les JO dans un an. Le Brésil est entré dans la pire récession économique depuis 30 ans, le gouvernement paraît désemparé pour contrer l’inflation, relancer la croissance. Les manifestations se multiplient sur fond de la plus grande affaire de corruption jamais connue par le pays. Car, et c’est une avancée de la démocratie brésilienne, aujourd’hui la justice y est indépendante. Elle enquête sur les principaux dirigeants de Petrobras, le géant du pétrole, mais aussi de toutes les grandes sociétés brésiliennes, notamment celles du BTP. Plusieurs députés et ministres ont été mis en examen ou en prison. Le scandale éclabousse l’actuelle présidente Dilma Rousseff et même Lula, son prédécesseur.
Dans un an, les JO à Rio risquent d’être moins « samba » que « Dilma fora », c’est-à-dire « Dilma dehors », une démission souhaitée par 65 % des brésiliens.