Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : Madrid

Catalogne : Le jour où les slovaques ont divorcé des tchèques.

Hável-Mečiar: Divorce de velours pour l’indépendance slovaque
C’était en juillet 1992.
Depuis à peine 3 ans, la Tchécoslovaquie s’est libérée de l’occupation soviétique, a retrouvé la démocratie, s’est transformée en fédération tchèque et slovaque et a élu un Président, le charismatique Václav Havel, écrivain, homme de théâtre, militant des droits de l’homme, moult fois emprisonné pour ses convictions démocratiques.
Havel se rend à Bratislava pour ce qui sera son dernier voyage officiel dans la capitale de la Slovaquie. En juin 1992, les élections ont porté au pouvoir en Tchéquie, le parti conservateur de Václav Klaus, en Slovaquie le parti populaire de Vladimir Mečiar, l’ancien dirigeant du parti communiste local. Majoritaire au Parlement slovaque mais avec seulement 35 % des suffrages, il pousse pour l’indépendance. Avec son voyage, Václav Havel tente de convaincre qu’il y a plus de points communs que de différences entre les tchèques et les slovaques, ces slaves de mêmes origines qui parlent presque la même langue, mais les uns ayant été occupés pendant 400 ans par les autrichiens et les allemands, les autres par les hongrois. Ils partagent souvent les mêmes héros: Comme Dubček , le père malheureux du Printemps de Prague de 1968, réprimé par les chars soviétiques, qui était slovaque. Et pendant la seconde guerre mondiale, les nazis pour dépecer la Tchécoslovaquie, avaient créé un Etat fantoche fasciste en Slovaquie.
Frustration à l’égard de Prague qui attire tous les regards au détriment de Bratislava ? Volonté de pouvoir de Vladimir Mečiar ? Le pacifiste et humaniste Havel n’arrivera pas a éviter le divorce. Ce jour-là des manifestants indépendantistes très manipulés le conspuent, bousculent un peu sa voiture dans les rues de Bratislava. Il remonte au château qui domine la ville et qui est la résidence présidentielle quand il vient en Slovaquie. Fatigué, désabusé, il nous confiera : « C’est fini, nous allons nous séparer. Oh! ce sera sans violence, il n’y a pas de haine, que du regret » « Et il ajoutera : « Vous feriez mieux de vous intéresser à ce qui se passe de l’autre côté de la frontière, en Yougoslavie. Là-bas cela va être dramatique ». A l’époque l’ambassadeur de France à Belgrade expliquait que si la Yougoslavie devait éclater de quelque chose, ce serait de rire.
Quelques jours plus tard, le 17 juillet, l’Assemblée slovaque vote une déclaration sur l’indépendance. Vačlav Havel démissionne. Le 1er janvier 1993, sans référendum, la Slovaquie devient indépendante.
A l’époque on la voyait mal partie, toute seule, séparée de la plus riche et plus peuplée Tchéquie. Et puis non, finalement. Des deux pays, c’est elle qui s’en est le mieux sortie, profitant habilement de sa proximité avec la très dynamique Autriche. A peine 70 kilomètres entre Vienne et Bratislava. A Prague au contraire, des gouvernements médiocres ont déçu les tchèques.
Une indépendance sans violence donc, on l’a appelée le « divorce de velours », qui n’a pas conduit à la catastrophe. Mais était-ce si stupide que cela de faire vivre ensemble les slaves d’Europe centrale ?

L’Espagne n’est pas la Tchécoslovaquie, la Catalogne n’est pas la Slovaquie, le Président du gouvernement Mariano Rajoy n’est pas – loin s’en faut – Václav Havel. En revanche à Barcelone, le Président catalan semble partager la même détermination que Vladimir Mečiar en 1992.

Divorce à la catalane : L’Europe va-t-elle se fracasser à Barcelone ?

Adieu l’Espagne, Fin de l’Europe ? 
Quand on aime l’Espagne ET la Catalogne, on ne peut être que déchiré, consterné et triste par la le référendum organisé Dimanche par Barcelone.
Le résultat est connu d’avance. Ce sera Oui. Evidemment puisque ceux qui sont contre l’indépendance n’iront pas voter alors qu’ils sont sans doute majoritaires.
Et le gouvernement catalan l’a déjà annoncé : Quelque soit la participation, il proclamera l’indépendance.
Dans ce divorce, tout a mal tourné.
A Barcelone gouverne une coalition hétéroclite rassemblant : Des ultra gauches qui sont de toute façon contre tout, des dirigeants traînant pas mal de casseroles et d’affaires de corruption et qui voient dans cette fuite vers l’indépendance un moyen d’échapper à la justice, des nationalistes qui considèrent que pour rétablir la culture catalane à sa juste place, il faut forcément passer par un rééquilibrage: Imposer, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, le catalan comme seule langue dans l’éducation, comme seule langue d’affichage dans les rues – Tous les panneaux bilingues ont été enlevées des rues de Barcelone, jusqu’à l’aéroport où l’espagnol « castillan » vient en 3 ème position derrière l’anglais.
A Madrid, malheureusement, la situation politique est la pire pour gérer cette crise: Le gouvernement de droite ne doit sa survie qu’aux divisions de l’opposition, les insoumis espagnols détestant autant le Parti socialiste que le parti conservateur. Quant à Mariano Rajoy, le Président du gouvernement, il manque de charisme, de crédibilité, son parti et lui-même étant régulièrement éclaboussés par des affaires de corruption.
Les nationalistes catalans estiment que la Catalogne a été conquise par l’Espagne. Mais historiquement l’Espagne a-t-elle jamais existé sans la Catalogne ? C’est bien l’alliance entre Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, comte de Barcelone, qui a fondé l’Espagne moderne il y a 500 ans. L’Espagne sans la Catalogne n’existe pas. Ou alors la France sans l’Occitanie, la Bretagne, le Pays Basque, la Savoie, la Corse bien sûr. Et l’Italie ? Et la Belgique ? Et, et…
Il est dommage qu’à la Sorbonne, Emmanuel Macron ait sauté par dessus cette question dans ces propositions pour l’Europe de demain. Bien sûr la France est mal placée pour dire quoique ce soit aux espagnols: Historiquement nos initiatives ont toujours été catastrophiques: Depuis Napoléon jusqu’à la politique de neutralité du gouvernement Blum pendant la guerre civile espagnole.
Mais aider les espagnols à éviter un divorce qui casserait la vaisselle et les meubles jusqu’à Bruxelles, c’est cela l’urgence européenne. Cela permettrait de définir ce qu’est l’Union européenne: Une prison des peuples ou bien une volonté de vivre ensemble. Pourquoi devrions nous vivre ensemble alors que les espagnols n’y arriveraient pas ? A cette question, Emmanuel Macron n’a pas répondu et c’est pourtant La question qui sous-tend la construction européenne.

   

© 2025 BLOGODO

Theme by Anders NorenUp ↑