Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : mairie de paris

Paris : Imaginons les Places de demain. Et si on s’occupait des rues d’aujourd’hui ?

A gauche, Barbès. A droite, la nouvelle Place du Panthéon. Aux mêmes heures !
C’est une vaste opération lancée depuis 2015 par la Mairie de Paris. «Donner plus de place à celles et ceux qui ont envie de vivre dans une ville plus pacifiée, avec moins de voitures et moins de stress» selon les mots d’Anne Hidalgo. Sept grandes places parisiennes vont être « réinventées » : Bastille, Fêtes, Gambetta, Italie, Madeleine, Nation et Panthéon. Justement cette dernière vient d’être achevée. Achevée est bien le mot, car à la surprise générale, et après 3 ans de concertation populaire, le nouvel aménagement laisse rêveur : Certes les voitures qui squattaient les pieds du monument ont été enlevées, mais ça en moins d’une heure les camions fourrières de la Préfecture de police le font très bien. Sinon on se dit : tout ça pour ça ? Est-ce provisoire, dans le style aire d’autoroute, revisitée bois des Landes pour faire « green » ? Bien sûr les voisins, les Grands Hommes (hommes et femmes maintenant) auxquels la Patrie est reconnaissante, et qui reposent dans les cryptes du Panthéon ne vont pas protester, mais on pourrait s’occuper des vivants, des places, rues et avenues qui concentrent le plus de population : Bastille, Nation, République, ok, mais ne l’a-t-on pas déjà fait 36 fois ? Prenons – au hasard (?) – le boulevard Barbès. C’est populaire à souhait, une des plus fortes concentrations d’habitants de Paris, mais aussi de visiteurs qui viennent y faire leurs courses, et de touristes… Eh ! oui, car au pied de la Butte Montmartre, ils sont des dizaines de milliers chaque année qui après avoir réservé leurs chambres « with view on Le Sacré-Cœur » errent comme des âmes en peine, au milieu des papiers gras, des poubelles qui débordent, des pistes cyclables qui servent plutôt de voie de dégagement à une circulation embouteillée dès les premières heures du matin : « Plz, where is Montmartre », Le Sacré-Cœur, deuxième monument le plus visité après Notre-Dame, et avant Le Louvre et la Tour-Eiffel. 
Là il n’est même pas besoin de faire une concertation, tout a déjà été demandé, réclamé, pétitionné, discuté par les habitants, les commerçants, les associations du quartier, des quartiers : Barbès, Goutte d’Or, Château-Rouge. Aujourd’hui, rien qu’à l’énoncé de ces noms, beaucoup prennent peur, alors que… 
La piétonisation du quartier de la rue Déjean et du Marché du même nom : il y a les panneaux mais on l’attend toujours. Il faudrait doubler les trottoirs de l’avenue Barbès, aux heures de pointe beaucoup de piétons sont obligés de marcher sur la chaussée, quant aux pistes cyclables, mieux vaut avoir le cœur bien accroché et la sonnette impérative ! Le même je m’en foutisme (?) semblent se retrouver à la RATP. Le métro Château-Rouge vient de rouvrir après un an et demi de travaux. Avec un mini escalator qui a été calibré pour 3 pelés et 1 tondu. Pour les personnes handicapées, les personnes avec poussettes, les escaliers vertigineux sont un vrai défi. On devrait y tourner un prochain épisode de Wild ou de Mike Horn. Et personne n’a pensé à un ascenseur ? 
A Barbès aussi et dans bien des quartiers de Paris, on a déjà « envie de vivre dans une ville plus pacifiée ». Nul n’est besoin de « donner envie ». Alors la République (la Place) peut bien attendre, les citoyens eux, c’est moins sûr.

Piétonniser les voies sur berge à Paris: Faire notre bo-bonheur ?

Les quais asphyxiés, la voie sur berge pietonnisée: La bonne décision ?
Après la rive gauche, c’est donc la rive droite de la Seine qui va devenir piétonne.
Symboliquement, c’est fort. Les voies sur berge rive droite, la voie Georges Pompidou, c’est le symbole des années 70, 1970, qui ont fait tant de mal à tant de villes françaises, avec la construction d’autoroutes, de parkings, de tours au cœur des villes. C’étaient les années béton, les années tout automobile. Comme si nous voulions nous débarrasser de nos complexes, faire moderne, rompre avec cette France en retard par rapport aux autres grands pays développés. Nous le payons encore aujourd’hui : L’arrivée de l’autoroute Porte d’Aix ou devant la Major en plein cœur de Marseille : Il a fallu des dizaines d’années pour détruire ces horreurs;  Le tunnel sous Fourvière à Lyon : Faire passer toute l’Europe sur une autoroute au cœur de la deuxième agglomération de France, le maire de l’époque Louis Pradel trouvait que cela ferait Los Angeles:  Là aussi il va falloir encore une bonne vingtaine d’années pour s’en débarrasser; Et à Paris bien sûr, la destruction des Halles, la Tour Montparnasse et les voies sur berge, la fameuse Voie Gorges Pompidou.
Depuis quelques années, on revient en arrière, on tente de panser les plaies et redonner de la place aux piétons. Cela donne souvent des résultats heureux, de belles redécouvertes de nos centres urbains. Imaginerait-on Rue de la République à Lyon, Place de la Comédie à Montpellier, les quais de Bordeaux, le Vieux-Port à Marseille rendus aux voitures ? Et puis à Paris, les anciennes voies sur berge rive gauche devant le Musée d’Orsay. Elles ont été piétonnisées. A l’époque, leur transformation avait fait hurler, on prévoyait des bouchons monstrueux. Et puis ? Et puis, non. Aujourd’hui, qui s’en plaint ? Cafés, guinguettes, promeneurs, joggeurs, vélos ont remplacé les voitures.
Ce succès justifie-t-il la décision de la Mairie de Paris de faire la même chose, rive droite ?
Ce n’est  pas sûr. Plusieurs experts, plusieurs commissions ont émis des doutes, ont pondu des rapports défavorables. Car ce ne sont pas les quais, là où se trouvent les bouquinistes, les magasins, les théâtres qui seront transformés, mais l’autoroute en contrebas. Et la circulation, forcément, se reportera sur le quai du haut ou sur d’autres voies, comme le boulevard Saint-Germain ou la rue Réaumur. Pour quelques piétons heureux, cela va faire beaucoup de riverains embouteillés. Sans parler de tous ceux qui sont obligés de traverser le centre de la capitale, et pour lesquels il n’y a aucune solution de rechange, avant ? Avant dix ans, vingt ans ? Mais Anne Hidalgo semble n’en avoir cure. Représente-t-elle le progrès face aux conservatismes, au lobby automobile ? La aussi ce n’est pas sûr.
Ce que l’on peut craindre, c’est que nous soyons en train de tomber dans un autre excès, le tout-vélo, le tout piéton, qui fait de nos centres villes des zones musées, réservées à des « happy few ».
Ce que l’on peut redouter, c’est la victoire d’une idéologie verdâtre qui considère qu’il faut gêner les automobilistes pour les convaincre d’abandonner leurs voitures. En gros : « Nous ferons votre bonheur malgré vous ». C’est très élitiste, très « bo bo », très “bo-bonheur“. Et tant pis pour les millions de banlieusards.
Ce que l’on peut regretter, c’est que les voix des franciliens ne soient pas plus entendues. Mais après tout un banlieusard, ça ne vote pas pour la Mairie de Paris.
Nous vivons une e-poque formidable.

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