Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : Mur

BERLIN, le mur : 30 ans déjà : Une fois le mur tombé tout est allé très vite.

Direct depuis la porte de Brandebourg… quelle Histoire !

Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
Tout est allé très vite. 
Une fois le mur ouvert, tout s’est enchaîné, prenant de court les dirigeants politiques de l’Est comme de l’Ouest jusqu’à la chute du régime communiste, et la réunification.
Début décembre 89, certains pensaient encore qu’il y aurait deux Etats allemands qui se rapprocheraient progressivement. Les militants des droits de l’Homme, plutôt de gauche, qui s’étaient battu contre le régime, notamment autour de pasteurs protestants à Dresde, à Berlin, croyaient que leur pays, la RDA, créerait une troisième voie entre communisme et capitalisme. 
Mais fin décembre, tout était réglé. 
En fait notre société de consommation ne fit qu’une bouchée de la société est-allemande. En caricaturant, c’est le pouvoir d’attraction des bananes – ce fruit symbolisait pour les allemands de l’Est où il était très rare, le luxe et l’opulence – qui a fait tomber le communisme. A tel point que les allemands de l’Ouest se mirent à baptiser l’Allemagne de l’Est « Bananenrepublik » un jeu de mots pas très sympa entre République bananière et République des Bananes. 
Le 19 décembre 89, quand le chancelier Helmut Kohl s’est rendu pour la première fois en RDA, à Dresde, la foule ne scandait plus Wir sind das Volk, mais Wir sind ein VolkNous sommes un seul peuple, et : Nous voulons le Deutschmark !
C’est là devant une foule immense au milieu des ruines de l’Eglise Notre-Dame qu’Helmut Kohl et ses conseillers ont réalisé qu’il n’y avait plus qu’un scénario possible : La réunification. 
Berlin-Ouest était jusque là enfermée par ce mur qui non seulement la séparait de Berlin-Est mais également du reste de son arrière pays, le Brandebourg. Le mur passait au milieu des lacs, des rivières, des forêts. Très vite au printemps nous avons pu circuler de plus en plus librement, aller passer le dimanche au bord d’un des innombrables lacs du Mecklembourg, assister à un concert un soir dans les jardins des châteaux de Postdam. Rendre visite à des amis est-allemands dans leur « datcha », un petit chalet sans eau ni électricité, au milieu des pins, qui était un des rares petits luxes de beaucoup d’allemands de l’est, leur jardin secret où ils se retrouvaient en famille ou entre amis très proches .
Au début les garde-frontières nous contrôlaient encore. A partir de l’été, c’est à peine s’ils regardaient nos passeports. 
Et puis ce sont les Audi et Mercédès qui ont remplacé les Trabant.
Et puis les magasins à l’est qui ont commencé à fermer puis à rouvrir sous les couleurs d’enseignes ouest-allemandes,
Et puis ce sont les produits est-allemands qui ont disparu d’un coup , et puis nous nous sommes aperçus que c’est un pays entier qui avait disparu. 
La Pologne, la Hongrie, même la Tchécoslovaquie qui s’est divisée, sont restés des pays. La RDA doit être le seul cas dans l’histoire récente d’un pays qui disparaît totalement. 
30 ans plus tard, je suis bluffé par la manière dont l’Allemagne de l’Est a été transformée. Partout les routes ont été reconstruites, la fibre optique, les éoliennes et le solaire, tous les bâtiments ont été restaurés ou reconstruits superbement. 
Dresde, qui était encore un champ de ruines il y a 30 ans, Weimar, Schwerin, les stations balnéaires de la côte Baltique sont devenues des villes superbes.
Et c’est chaque fois une émotion intense de revenir à Berlin. Se balader Place de Paris devant la porte de Brandebourg qui a retrouvé sa fonction de Porte alors que je l’avais connu isolée au milieu du no man’s land. Se promener le long de la Spree entre la nouvelle chancellerie et le vieil hôpital de la Charité jusqu’à l’île aux musées. A chaque fois, on se pince : Le mur passait là, et ici , et là encore. 
Se promener jusqu’à la grande synagogue de la rue Oranienburg, incendiée par les SA pendant la nuit de cristal de 1938. Un 9 novembre, quelle ironie de l’Histoire. Vergesst es nie. N’oublie jamais est-il inscrit sur la façade. Un peu plus loin toujours dans le vieux Berlin qui se situait côté est, la rue Sophie et cet immeuble laissé détruit et à la place des appartements , des plaques qui rappellent qu’ici habitait telle famille- juive- déportée en 1940, là telle autre, disparue en 1941, avec leurs noms, le nom des enfants.
Partout à Berlin on se heurte à l’Histoire, heureuse comme la chute du mur, tragique comme le nazisme, l’holocauste, la guerre. 
Quand on a partagé ces moments d’Histoire avec les berlinois, avec les allemands, il est difficile de ne pas conserver « einen Koffer in Berlin », une valise à Berlin. Comme le chantait Marlene Dietrich
« J’ai encore une valise à Berlin,
c’est pour ça que j’y retournerai bientôt.
Dans ma petite valise, il y a
toutes les nostalgies des temps passés ».
Et l’on écoute Marlene Dietrich…

Berlin, le mur, 30 ans. Que se passait-il le 8 novembre 89 ?

Et pendant ce temps-là, le chancelier Helmut Kohl était en Pologne…
Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
Que se passait-il à Berlin-Est le 8 novembre 1989, 24 heures avant l’ouverture du mur ? 
Rien. 
Correspondant de TF1, nous avions obtenu un visa, officiellement pour « couvrir » les réunions du comité central du Parti communiste qui deux semaines auparavant avait remplacé Erich Honecker par Egon Krenz. Nous avions pris nos quartiers à l’Hôtel Metropol, sur Friedrichstrasse, en plein centre de Berlin-Est. A l’époque le centre de Berlin, côté Est était comme une excroissance dans Berlin-Ouest, une vitrine avec des musées, quelques bâtiments historiques reconstruits, l’ambassade soviétique, immense, faisant presque face à la Porte de Brandebourg, que l’on voyait depuis les barrières, mais qui était en zone interdite, le no man’s land du mur, et puis des ministères et le siège du gouvernement. 
Après 17 heures, il n’y avait plus personne, la vie à Berlin-Est, était plutôt plus au nord, à partir de Prenzlauer Berg, qui avait la réputation d’être un quartier un peu bohême, et où l’on rencontrait des artistes, des écrivains, des militants des droits de l’homme, enfin il n’y en avait pas beaucoup. Quand on commençait à être trop critique, au mieux on était expulsé vers l’ouest, au pire, emprisonné. 
Nous étions donc dans un « palace » selon les normes est-allemandes, en fait une sorte de grande barre de béton, sinistre, où toutes les chambres étaient équipées de micros de la Stasi, la police secrète, et qui nous était imposée par les autorités. Comme nous était imposée la conversion de Deutschmarks en Marks est-allemand, une monnaie sans valeur, non reconvertible. Tout visiteur étranger était considéré comme une vache à devises, alors une équipe de télé…
Nous avions installé notre banc de montage dans une chambre et le sujet de notre reportage portait sur les travailleurs immigrés, pardon invités, vietnamiens. 
Parce que l’Allemagne de l’Est manquait de main d’œuvre et elle commençait à en faire venir des pays « frères » communistes. Des accords d’Etat à Etat, la main d’œuvre très encadrée, était parquée dans des tours HLM à la périphérie des villes. 
Pour ces reportages, nous avions un peu circulé en Allemagne de l’Est, jusqu’à Karl-Marx Stadt – qui a retrouvé aujourd’hui son nom d’avant le communisme – Chemnitz. En flash reviennent ces images d’un pays triste, brouillardeux, dès l’automne et les premiers froids ; un épais voile jaunâtre dû à la pollution du chauffage au lignite, recouvrait tout le pays. Des villes encore marquées par les destructions de la guerre, comme Dresde, capitale de la Saxe, l’ancienne Florence de l’Elbe. En dehors du Zwinger, de l’Opéra, et de l’Eglise du Palais, c’était surtout des plaques de béton et des gravats. Et partout des tuyaux de gaz ou de chauffage parcourant les villes et les villages à 2 mètres au-dessus du sol, des installations industrielles rouillées. 
En fait ce pays présenté comme le bon élève, l’exemple de la réussite économique du bloc communiste, était au bord de la faillite. 
Une faillite qui allait être précipitée par ce qui allait se produire le lendemain. 
Mais le 8 novembre, personne n’en savait rien. Et le soir nous sommes allés dîner – là aussi pas le choix – au restaurant « gastronomique » de l’hôtel. Pour le régime et la chaîne nationale d’hôtels pour étrangers Interhotels, « gastronomique » cela signifiait cher, et avec des plats aux noms français, comme le « vol au vent ». Je ne sais pas pourquoi, mais cela semblait être le comble du bon goût, on le retrouvait  partout, mais on était très loin de top chef. Et puis bien sûr, il y avait une autre fierté du régime, le « Rotkäppchen », le petit chaperon rouge, un mousseux écoeurant. Là aussi on était très loin du champagne. 
C’est donc en traînant des pieds que nous nous sommes rendus le lendemain , 9 novembre, vers 17 heures, à la conférence de presse de Günter Schabowsky, le porte-parole du comité central. Nous avions rendez-vous avec l’Histoire, mais personne, même pas lui, n’était au courant… 
Et l’on écoute la déjantée Nina Hagen, une chanteuse berlinoise de l’Est, exilée à l’Ouest, qui chante Berlin ist dufte, Haupstadt des DDR, presqu’intraduisible pour qui n’est pas berlinois. Allez rocke Nina ! 

Berlin, le mur, 30 ans. En attendant, la RDA fête son 40 ème anniversaire.

Et 2 semaines après ce baiser, Honecker était limogé 
 Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
Ce devait être un bel anniversaire, ce 7 octobre 1989.
Sur l’avenue « Unter den Linden » qui descend depuis la Porte de Brandebourg, les drapeaux rouges flottaient au vent. Les façades étaient habillées d’immenses affiches de propagandes, à la gloire des 40 ans de la République démocratique allemande, l’ « Etat des ouvriers et des paysans », selon l’appellation officielle 
Devant la  Neue Wache où les soldats de l’unité d’élite « Friedrich-Engels » montaient la garde, des tribunes avaient été dressées pour les principaux  dirigeants: 
Erich Honecker, l’inamovible secrétaire général du Parti Socialiste unifié d’Allemagne, le Parti communiste: Visage de cire, lèvres pincées y accueillait les dirigeants des pays frères, dont Gorbatchev , bien sûr. 
Ce devait être un bel anniversaire. Et au début tout avait bien commencé : Les troupes de « l’armée du peuple » avaient défilé dans un ordre impeccable, au pas de l’oie. Puis avait suivi le cortège des FDJ (prononcez : f-d-yot), la « Jeunesse libre allemande », qui embrigadaient tous les jeunes est-allemands. L’actuelle chancelière Angela Merkel en fût elle-même. 
Tout cela au son de l’hymne national de la RDA : « Auferstanden aus Ruinen »« Ressuscité des ruines ». Une très belle musique, composée par Hans Eissler, compagnon de route et de travail de l’écrivain Bertold Brecht. Tous les deux communistes qui avaient fui les nazis étaient rentrés à Berlin-Est après la guerre pour édifier une Allemagne socialiste, pensaient-ils..
Tout se passait bien. Jusqu’à ce que Gorbatchev décide à la surprise générale, devant les caméras qui filmaient en direct, d’être « Gorbi », l’homme de la perestroïka. 
Il sort des tribunes, va saluer les spectateurs qui se mettent à crier : « Gorbi, Gorbi : Hilf uns : Aide nous ! » et  il répond : « Celui qui est en retard est puni par l’Histoire, pour la vie.». Cette petite phrase fait l’effet d’une bombe. Tous les allemands de l’est vont se la répéter. Honecker est fou furieux. Le désaveu soviétique équivaut à un limogeage, et , de fait, ce sera le cas dans les semaines qui suivent. 
Le soir, gala officiel au « Palast der Republik ». Mais sous les fenêtres du siège du gouvernement, des petits groupes de manifestants se sont formés. Et ils scandent les slogans repris depuis quelques semaines: « Wir sind das Volk » « Nous sommes le peuple » et :« Die Mauer muss weg » « Le mur doit tomber ». La Stasi et ses gros bras en civil répriment violemment les manifestants, hurlements, gaz lacrymogènes, explosions ; C’est la première fois qu’une telle manifestation se déroule en plein cœur de Berlin. 
Aujourd’hui, le « Palast der Republik » a été détruit. Difficilement : Il était contaminé à l’amiante. 
Et puis l’ancien château des rois de Prusse sur lequel il avait été bâti, a été reconstruit. Après des années d’hésitations, et avec appel aux dons. Ce château redonne au centre de Berlin de la cohérence. Il a été refait à l’identique. Enfin, presque : Les allemands ne voulaient pas que ce soit un château à la Disney, Berlin ne voulait pas que soit gommée l’Histoire. 
Vergangenheitsbewältigung. La confrontation avec l’Histoire : Cela reste quand même le maître mot de l’éducation et de la politique en Allemagne.
Et l’on écoute quelques notes de l’ancien hymne est-allemand. 

Berlin, le mur : 30 ans déjà. En Hongrie, une brèche dans le rideau de fer.

Souvenirs de la fuite vers l’ouest  
En fait quand on y repense c’est en Hongrie que le mur de Berlin a commencé à se fissurer. 
A Hegyeshalom exactement. 
Franchement ce gros village ne vaut pas le détour, si ce n’est que c’est le point de passage entre la Hongrie, et pratiquement se touchant l’Autriche et la Slovaquie. Et que c’est là que le 2 mai 1989, le gouvernement hongrois- pourtant à l’époque toujours communiste – avait décidé de mettre en scène le premier démantèlement du « rideau de fer ». Gros plan sur des militaires découpant les barbelés devant nos caméras avec des pinces monseigneur !
Je me souviens très bien d’une question d’un confrère, Pierre Haski : « Mais que ferez-vous quand des ressortissants d’autres pays de l’Est  voudront passer à l’Ouest ? » Silence gêné des autorités. 
Quelques semaines plus tard, les allemands de l’Est répondaient à cette question : La nouvelle s’était répandue dans toute la RDA : On peut s’enfuir par la Hongrie. Car il était possible aux allemands de l’est de voyager librement dans ce pays-frère. 
D’abord, des dizaines, puis des centaines tentèrent le coup, passant de la Hongrie à l’Autriche, donc à l’Ouest, sans être empêchés par les garde-frontières. 
Jusqu’au 19 août 1989, où un « pique-nique », organisé à la frontière par le parti autrichien paneuropéen d’Otto von Habsbourg s’est transformé en fuite à l’Ouest de milliers de « vacanciers » est-allemands. 
Dans la ruée vers la liberté, ils abandonnaient tout derrière eux. Dans la bousculade, un jeune père, sa femme, sa fille, avec comme seuls bagages, un sac à dos, s’étaient retournés vers nous, une fois à l’Ouest, et dans un grand éclat de rire, nous avaient donné la plaque d’immatriculation « DDR » « République Démocratique Allemande » qu’ils avaient dévissée sur leur Trabant, leur voiture abandonnée. Une plaque que j’ai conservée jusqu’à aujourd’hui.
A Berlin-Est, le gouvernement ne savait plus quoi faire. 
Aujourd’hui, en Hongrie, on réinstalle des barbelés, au sud à la frontière avec la Hongrie, par peur d’une invasion de migrants. 
Et l’on écoute Udo Lindenberg, le chanteur ouest-allemand qui s’était rendu très populaire à l’époque, avec cette chanson plutôt humoristique : « Sonderzug nach Pankow »… « Train spécial pour Pankow »,  la résidence du dirigeant communiste Erich Honecker, au nord de Berlin.

Berlin, le mur : 30 ans déjà. Tous les Lundi soir c’est manif à Leipzig.

Leipzig , Lundi 9 octobre 1989, devant le Gewandthaus
C’est à Leipzig que le mur de Berlin a commencé à tomber. Avec les «Montagsdemo», les manifs du Lundi soir.
Leipzig. 
En dehors de Berlin, c’est la grande ville d’Allemagne de l’Est. Une capitale économique, commerciale, avec ses foires organisées depuis le Moyen-âge. 
Au coeur de la Saxe, ville de culture aussi avec l’Eglise Saint-Thomas où composa un certain Jean-Sébastien Bach, l’Auerbachs Keller où Goethe situe une scène de son premier Faust et puis à quelques pas de là… la Nikolaiskirche, l’Eglise Saint-Nicolas. Dès avril 1989, nous avions pu y assister à de bien curieux offices. 
Les Lundi à partir de 18 heures, les lectures pastorales laissaient la place à des appels à la Paix, à la non-violence, à la liberté. Pas d’attaques directes contre le régime, mais dans cette église portes ouvertes, il se passait quelque chose. Il fallait être prudent, la Stasi, la police politique, était là en civil, à qui faire confiance ? 
Alors tous les Lundi, en septembre, nous sommes revenus clandestinement
Depuis Berlin-Est, 2 heures d’autoroutes, nous fonçions sur la chaussée avec ses plaques en béton, et il fallait repartir dans la soirée, pour repasser avant minuit le « check point Charlie » entre Berlin-Est et Berlin-Ouest …
Et de Lundi en Lundi, ces « Montagsgebete », ces « prières du Lundi », se sont transformées en « Montagsdemo », en « manifs du Lundi », de plus en plus importantes. 
Le Lundi 9 octobre, nous sommes montés au sommet d’un immeuble, et là nous avons pu voir des dizaines de milliers manifestants reprenant les slogans « Keine Gewalt » « pas de violences » « Liberté de voyager » « Ouvrez le mur ».  
Soudain devant la salle de concert du GewandtHaus apparut un colosse barbu « C’est Kurt Masur », dit la foule; le chef d’orchestre mondialement connu, aujourd’hui décédé. Il marchait calmement au-devant des banderoles. Pas de déclarations, sa seule présence était en soi une surprise, lui qui jusque là n’était pas connu pour être critique du régime.  
A Leipzig , de Lundis soir en Lundis soir, le mur s’effritait chaque semaine un peu plus. 
30 ans plus tard, Leipzig a été entièrement rénovée. Elle qui était grise et enfumée attire des foules de touristes. Elle a retrouvé son dynamisme d’antan, c’est même sans doute un des exemples de réussite de la réunification. 
Il y a de nouveau des « Montagsdemo ». Mais elles ne réclament plus l’ouverture des murs, comme en octobre 1989. 
Au contraire, organisées par l’extrême-droite, elles demandent fermeture des frontières et expulsion des étrangers. 
Et l’on écoute un extrait de « Fürchte dich nicht » « Ne crains rien » de Jean-Sébastien Bach, interprété par le chœur de Saint-Thomas de Leipzig… https://youtu.be/kLxJxLh261c
A suivre : Et si tout avait commencé en …Hongrie ?

Mexique : Trump a bien raison de mettre son mur sur les rails

Comme dans “Le loup de Wall Street”, la coke aux Etats-Unis est le problème n°1 pour le Mexique
Pour les fans de Donald Trump, là-bas et ici, enfin un Président qui tient ses promesses. Depuis une semaine il n’arrête pas de signer des décrets. Dont le dernier qui lancerait « officiellement » la construction du mur avec le Mexique. Olé, bravo, quel homme ce Trump, il a des « cojones ».
Et puis il a bien raison Donald Trump de faire construire ce mur.
D’abord parce qu’il existe déjà, ou presque: Sur 1130 kilomètres, avec 1800 miradors et 18 000 hommes chargés de patrouiller et de surveiller.
Oui, il a bien raison Donald Trump parce qu’en fait l’émigration mexicaine vers les États-Unis est derrière nous. Depuis une dizaine d’années, plus de mexicains retournent au Mexique qu’entrent aux Etats-Unis. En gros, chaque année 1 million contre 850 000.  Pour une raison assez simple. Au Mexique aujourd’hui il y a des emplois.
Il a bien raison Donald Trump de faire construire un mur. Mais il faut qu’il le fasse suffisamment étanche pour qu’il arrête aussi les rails. De coke. Car pour le Mexique et une grande partie de l’Amérique Latine, le drame est d’être si près ou sur la route des Etats-Unis,  le marché n°1 de consommateurs de cocaïne. Le marché de cocaïne américain, c’est 36 % de la consommation mondiale, 70 milliards de dollars, plus que le marché des smartphones. La drogue, sa production, son trafic, ses cartels, sa violence, la corruption, pourrissent la vie quotidienne, politique, économique, de toute l’Amérique centrale et des Antilles. On estime que la guerre entre police et narcotrafiquants au Mexique a fait entre 60 et 120 000 morts en 6 ans …
Alors espérons que ce mur sera prolongé jusqu’à Wall Street où il paraît que pas mal de loups s’en mettent plein les narines.
Hélas, il est sans doute plus facile de s’attaquer à de pauvres hères qui se noient dans le Rio Grande qu’à des golden boys voisins de Trump dans sa Tower à New York.
Nous vivons une e-poque formidable !

BERLIN : Le soir où le mur n’est pas tombé 6/7 : Comment un couac de communication a fait l’Histoire.

Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
Jusque là tout allait bien. En tout cas presque bien pour le régime communiste de Berlin-Est. Bien sûr, les dernières semaines avaient été compliquées: Des dizaines de milliers de « citoyens » avaient fui la D.D.R  – D. D. R : R.D.A , République Démocratique Allemande: Les  officiels du gouvernement communiste avaient une manière bien particulière de prononcer ce nom. D’ailleurs, un peu comme l’allemand des nazis, le régime communiste avait créé une sorte de novalangue, où des expressions convenues étaient répétées jusqu’a être vidées de sens : La Patrie socialiste, L’Etat des ouvriers et des paysans, le mur de protection antifasciste, la police populaire, l’armée du Peuple… Plus personne n’y croyait vraiment, mais tout le monde faisait semblant. Et puis il y avait un carré d’irréductibles. Autour d’Erich Honecker, une vieille garde  composée le plus souvent d’anciens combattants antinazis exilés à Moscou, autour de laquelle avaient grandi des fonctionnaires ayant fait toute leur carrière dans le Parti.
Cruel dilemme pour les communistes est-allemands. D’un côté, ils ne pouvaient imaginer une vie sans Moscou, et de l’autre, Moscou, c’était Gorbatchev, et Gorbatchev s’était prononcé pour la transparence et  l’ouverture. Ouverture à Berlin-Est ? Késako ? Comme Gorbatchev avait publiquement désavoué Honecker, on s’était débarrassé d’Honecker. Sans avoir le scénario de l’après. Un peu par défaut, il avait été  remplacé par Egon Krenz, dont le seul titre de gloire était d’avoir été dirigeant des »Pionniers » et des  Jeunesses socialistes. Personne ne sachant exactement ce qu’il fallait faire ou pas, le comité central était donc en réunion permanente. Et la presse étrangère avait pu obtenir des visas afin de couvrir cette actualité officielle.
Ce matin-là, donc, un jeudi, il n’y avait rien de particulier. Le pays n’était pas plus en crise qu’un mois auparavant. On nous avait annoncé une conférence de presse en fin d’après-midi, à l’IPZ, le centre de Presse internationale. Nous y sommes tous allés, nous n’étions pas très nombreux, en somnolant d’avance. Le nouveau porte-parole du Comité central avait beau avoir été rédacteur en chef de « Neues Deutschland », le journal du Parti, le qualifier de journaliste serait très exagéré. Et d’ailleurs c’est parce qu’il a fait une grosse boulette que ce soir-là, il a involontairement fait l’Histoire.
Günther Schabovsky nous lit donc des communiqués officiels, et sans intérêt.  Nous étions tous sur le point de nous en aller. Quand – et là, l’histoire est maintenant bien connue – un confrère italien lui posa la fameuse question : «  Et qu’en est-il du projet d’autoriser les citoyens est-allemands à voyager librement ? ». Schabovsky bafouille une réponse hésitante : « Autorisation » «  libre circulation »  « peut-être ce soir » « minuit ? »
Je me souviens d’une petite bousculade autour de lui, alors qu’il se dirigeait déjà vers la sortie. Je me souviens de notre perplexité : « Qu’a-t-il voulu dire? ».  Nous nous sommes appelés entre collègues : Philippe Rochot de France 2, Luc de Barochez à l’époque pour l’AFP, Henri de Bresson, du Monde ;  Je crois bien que c’est tout, en ce qui concerne les confrères français. Je n’avais jamais revu, relu ou réécouté ce que nous avons tous dit dans les JT de 20 h, ce soir là, sur nos différents médias. Ce qui est frappant, c’est que nous, sur place, avons tous raconté la même chose. Nous avons été factuels, donnant la nouvelle, mais sans annoncer la chute du mur. Alors que nos rédactions à Paris annonçaient déjà que c’était chose faite. Heureusement que les choses n’ont pas mal tournées.
Or, elles auraient pu se transformer en bain de sang.
A 20 heures, il ne se passait absolument rien à Berlin-Est. A l’Ouest, les chaînes allemandes, s’installaient pour des « directs » depuis les différents points de passage du mur, parce qu’elles pensaient qu’elles pourraient filmer les premiers passages autorisés, sans doute vers minuit.
Les rues de Berlin-Est étaient donc désertes. J’ai quand même averti l’équipe de tournage – il paraît que j’ai laissé un mot pour tous : « tenez-vous prêts ».  Nous sommes allés faire un tour devant le premier point de passage au nord de la Porte de Brandebourg, à « Invalidenstrasse ». L’Ouest n’était qu’à une centaine de mètres derrière le no man’s land et le double mur. On ne le voyait pas. Mais on aperçevait des lumières, celles de spots des télévisions de l’Ouest. Les garde-frontières étaient nerveux et téléphonaient dans leurs guérites. Il n’y avait pas grand monde dans la rue devant le poste-frontière. Ceux qui étaient là, avaient pris leurs passeports. Au cas-où.
Et puis les gens ont commencé à arriver. C’était après les journaux du soir de la télévision ouest-allemande, interdite à l’Est, mais regardée par tous. 21h45 : Heute Journal sur ZDF; Puis 22h30 Tagesthemen sur ARD : « Si l’Ouest le dit, c’est que c’est vrai, on y va ».
En quelques minutes, les dizaines de personnes se sont transformées en raz-de-marée. Les gardes submergés ont ouvert les barrières. Au début, ils ont bien tenté de contrôler. Ainsi, parce que le passage d’»Invaliden Strasse », était réservé aux allemands de l’Est, ils nous ont renvoyés vers « Check-point Charlie » réservé aux occidentaux. En passant devant la Porte de Brandebourg, on voyait déjà des manifestants, qui étaient montés sur le mur. Mais à partir de l’Ouest, car à l’Est, l’armée avait pris position, et la peur était encore trop grande. Dix minutes plus tard lorsque nous sommes arrivés à check-point Charlie, c’était comme un RER aux heures de pointe.
Et puis:
Plus aucun contrôle, les barrières sont levées, les soldats se retirent, c’est comme une digue qui lâche.
Les cloches de Berlin-Ouest se sont mises à carillonner. Tous les bars et les magasins ont rouvert à l’Ouest. Tout le monde s’embrassait, on offrait des roses aux garde-frontières. Mais à aucun moment, le mur n’a été détruit ou démonté ce soir-là. Attaqué à coups de pioche, côté Ouest, oui, mais c’était symbolique. Côté Est, il s’agissait d’ailleurs surtout d’aller faire une virée à l’Ouest, de « test the west », et de retourner chez soi, avant que les enfants ne se réveillent, en leur apportant peut-être quelques bananes…
Tout était joué ? Non ! 
Il a aussi fallu qu’à distance, Gorbatchev fasse savoir que les troupes sociétiques ne bougeraient pas, et qu’il n’était pas question de réprimer ce mouvement par la force. Car ce que l’on sait aujourd’hui et ce que le dernier chef de gouvernement communiste Hans Modrow m’a expliqué plus tard en interview : Ce soir-là, à Berlin-Est, il y avait des durs qui voulaient tirer dans le tas. Le bataillon d’élite « Friedrich Engel» avait été mobilisé, les soldats armés étaient montés dans des camions dont le moteur était allumé prêt à démarrer.  Il s’en est donc fallu de peu que le 9 novembre ne se transforme en bain de sang ;
Tous les medias n’ont pas réagi de la même manière. Ainsi, si tous se sont précipités à Berlin, dans la nuit ou au petit matin, tous n’ont pas pris la mesure de l’événement.
Très vite en effet, toutes les communications ont été saturées entre l’Ouest et l’Est. Et impossible de passer à l’Est quand on venait de l’Ouest sans visa. Si à Antenne 2, Christine Ockrent, comprenant les enjeux, avait décidé d’envoyer des moyens de communication, une station satellite pour assurer les transmissions, à TF1, malheureusement, on s’était plus intéressé au casting des « people » et des stars à envoyer sur place qu’à l’intendance. La maquilleuse plutôt que le satellite. Résultat : Pendant près de 3 jours, les seuls sujets que TF1 pouvait diffuser étaient ceux transmis depuis la régie de la télévision est-allemande à Adlershof à 30 Minutes du centre de Berlin. Pour nous y rendre, comme Berlin-Est n’était plus qu’un gigantesque embouteillage, nous avions loué une moto, et nous remontions les avenues à contre-sens sur les trottoirs pour arriver à l’heure à la diffusion. Quand je dis nous, il faudrait préciser que nous avions loué une moto est-allemande et son propriétaire, un jeune instituteur ravi de l’aubaine, qui fonçait dans le froid en zigzagant entre les « Trabant », moi je préférais fermer les yeux ! Une fois sur place, course vers la diffusion, envoi du sujet, échange avec la régie à Paris, et trajet retour, pour continuer à « tourner » non stop pendant une semaine ! Les seuls contacts possibles avec Paris se faisaient à ces moments-là depuis la régie de la télé est-allemande. Jusqu’à ce samedi 11 novembre, où TF1 avait annoncé une émission spéciale « Mur de Berlin » à 13 h15, qui dû être remplacée, faute de liaison satellite, par une émission de secours: un  documentaire sur les « Noces du sultan de Brunei » ! Au même moment, sur Antenne 2 Christine Ockrent préparait ses premiers directs.
Je me souviens de notre échange depuis la télé est-allemande avec les techniciens de la régie à Paris, le soir du « ratage » :
 « Et comment ça va à Paris ? « 
« Ca barde »
« Qu’est-ce qui se passe ? « 
 « Mougeotte vient d’arriver en salle de rédaction, il est fou furieux »
« Ah ! bon, mais qu’est ce qui se passe ? »
« Ouh là, c’est Lelay qui vient d’arriver. Il hurle. Il veut tous les virer  ». J’explique alors aux techniciens de la régie que l’on peut essayer d’organiser des directs avec les moyens techniques de la télévision est-allemande.
« Quitte pas, on appelle Lelay ».
Patrick Lelay arrive au téléphone. Il m’écoute en silence. Puis me dit : « Vous avez carte blanche ».
Je lui précise que ça risque de couter cher, et en dollars ou en deutschemarks.
« Vous avez carte blanche, quelqu’en soit le prix ».
Dans la nuit, nous avons appelé nos contacts à la télévision est-allemande. Des valises ont dû circuler; 24 heures plus tard, je faisais le premier direct depuis le mur, côté est, dans le journal de 13 heures de Jean-Pierre Pernaut.
Le mur de Berlin a signifié aussi cela: L’entrée des medias dans un nouvel âge, celui des « directs ».
Ce n’est qu’après le 9 novembre, que le mur a commencé à être ouvert, démantelé, que le mur est tombé.  Cela a pris plusieurs mois , presque un an, et ce furent de belles journées, de beaux moments, une sorte de Printemps allemand, qui commença en plein novembre, le jour d’après.
 Demain : 7/7 : Les jours d’après

BERLIN : Le soir où le mur n’est pas tombé (1/7)

25 ans : Un quart de siècle, déjà…
Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
En direct du mur. pour TF1…le 11 novembre 1989 
Oui, j’y étais. Et nous n’étions pas nombreux ce soir-là, à nous trouver à Berlin, à Berlin-Est: Personne n’avait prévu ce qui allait se passer dans cette soirée du 9 novembre 1989.
Ni le gouvernement est-allemand, qui « envisageait éventuellement d’autoriser les citoyens est-allemands en règle et avec passeport à voyager librement ».
Ni le gouvernement ouest-allemand : Le chancelier Helmut Kohl se trouvait même en voyage officiel en Pologne; Son premier voyage auquel tous les médias de l’Ouest accordaient une grand importance. Autant dire que nos principaux confrères ouest-allemands se trouvaient à Varsovie.
Même si rétrospectivement, nous pouvons remettre les événements en perspective, et dire que, de toute façon , l’Allemagne communiste était condamnée, franchement le 9 novembre , personne n’avait rien vu venir. Finalement, tous les allemands et leurs alliés s’étaient installés dans cette situation d’équilibre. Même l’Ouest y trouvait son compte et les déclarations sur l’unité ou la réunification de l’Allemagne n’étaient que de principe, et ne trouvaient que très peu d’écho de Hambourg à Munich. L’Allemagne de Bonn, avec son deutschmark si fort, sa réussite économique, était l’«Allemagne Société-Anonyme », avec des citoyens comblés pensant plus aux vacances aux Canaries ou à Rimini, avec Mercedes et caravane, qu’aux frères de l’Est perdu ! « De quel côté du mur, la frontière nous rassure » chantait très justement Patricia Kaas.
25 ans déjà ! Putain : Un quart de siècle… Je n’ai pas l’esprit « ancien combattant ». J’ai toujours voulu regarder vers l’avant. Ne pas revenir sur les événements que j’ai pu « couvrir » comme reporter. Mais cette année, la pression des émissions commémoratives est forte, peut-être encore plus forte. Et puis les événements de novembre 1989, à Berlin, ont été bouleversants : Professionnement bien sûr, comme correspondant de TF1 en Allemagne, mais également sur le plan personnel, émotionnel, humain : Cette année, aux dernier moment, j’ai donc eu envie de partager un peu de mes souvenirs.
Et le premier souvenir, c’est la joie, la liesse populaire, le bonheur d’être libre, de pouvoir franchir enfin, même pour quelques heures, cet épouvantable mur de la honte avec son no’man’s land, ses patrouilles de soldats en uniforme vert de gris, ses check-points glauques. Un mur baptisé par le gouvernement est-allemand « mur de protection anti-fascistes » : Les fascistes étant à l’Ouest bien sûr. Ce n’était pas de l’humour, mais cela faisait beaucoup rire, sous cape, les berlinois de l’Est. Enfin, du moins, ceux qui appartenaient aux milieux intellectuels, aux mouvements des droits de l’homme.
Ce soir-là, je n’ai rien senti ni vu de « nationaliste ». Même nous, observateurs, étrangers, avons été emportés par ce sentiment de libération.
Il n’était pas question d’Allemagne, d’unité allemande, pas encore. Nous vivions la fin d’une injustice ; La fin de la division de l’Europe. Tout le monde s’embrassait. Je crois que nous nous sommes tous sentis européens , ou même citoyens du monde. Heu-reux ! Et lorsque les cloches des églises et de l’Hôtel de Ville de Berlin-Ouest se sont mises à carillonner dans la nuit, nous nous tous sommes mis à pleurer.
Ce soir-là, sur Berlin flottait l’air de la liberté. Un moment rare dans une vie.
Demain : 2/7 : Ces fissures que personne n’avait vues…

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