Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : Napoléon

Déboulonner Colbert, esclavagiste. Et pourquoi pas Napoléon ?

Le “Tres de Mayo”, les massacres de Napoléon en Espagne
C’est une polémique qui certes n’empêche pas beaucoup de français de dormir, mais qui trouve un certain écho dans les media.
Colbert, Jean-Baptiste, 1619-1683, a été LE ministre des Finances de Louis XIV. Son job : Trouver des sous pour que le roi soleil brille. Et comme les français étaient un peu mou du genou pour créer des entreprises, Colbert eut cette idée géniale: L’Etat allait créer des manufactures avec monopole pour transformer les matières premières et les exporter avec une forte plus value. L’Etat entrepreneur cela ne remonte pas à Mélenchon mais à Colbert. Et il n’a pas fait que ça : Créer un marine puissante, introduire les droits de douane, fonder l’Académie des Sciences, etc… Et parmi les etc… le Code noir qui règlementait l’esclavage dans les colonies françaises. En gros, avant, on pouvait écorcher, mutiler, égorger un nègre rien que pour s’amuser – avec le Code noir, il y avait des règles: Les esclaves étant considérés comme des meubles – oui comme une armoire Ikéa – il ne fallait pas les abimer sinon sur le Bon coin de l’époque, ils perdaient de la valeur. Bref, une horreur qui ne prit fin qu’avec la Révolution française.
Alors, exit Colbert, les statues, les rues, les lycées qui portent son nom.
Mais, et Napoléon ? Qui rétablit l’esclavage en 1802. Qui envoya 20 000 soldats pour tenter de vaincre les esclaves haïtiens qui refusaient de redevenir esclaves, mauvais esprits, va ! Et qui en Europe, mena une guerre d’expansion qui provoqua des millions de morts. Demandez donc aux espagnols ce qu’ils pensent de notre grand homme !
Et Gallieni, responsable du massacre de centaines de milliers de malgaches ? Et Bugeaud, le grand conquérant de l’Algérie, qui y sema la terreur, multiplia les massacres et écrivait : « Je brûlerai vos villages et vos moissons » ?
Ce qui est un peu surprenant c’est que cette attaque contre Colbert soit (re)lancée un mois après les émeutes de Charlottesville aux Etats-Unis. Là-bas il s’agissait de déboulonner la une statue d’un général sudiste. Rappelons que les Etats-Unis ont été fondés avec et sur l’esclavage, que Washington était propriétaire d’esclaves et que dans le Sud des Etats-Unis l’apartheid ne prit vraiment fin que dans les années 60, 1960.
Dommage donc d’aller chercher nos modèles chez les américains. Dommage de ne pas s’inspirer de ceux parmi nos compatriotes qui n’ont pas attendu pour remettre « le Nègre debout ». Comme Aimé Césaire, poète, normalien, il y a 80 ans déjà, à une époque où les noirs américains n’avaient même pas le droit d’aller à l’Université. Député-Maire de Fort-de-France, il fit non pas enlever mais déplacer la statue de l’Impératrice Joséphine. Auparavant, elle était au centre de la Place de la Savane. Aujourd’hui elle se trouve dans une allée latérale. Se souvenir qu’une martiniquaise devint impératrice des français, oui. Mais honorer la mémoire de la fille de colons qui oeuvra pour le rétablissement de l’esclavage, non.
Aujourd’hui, nous connaissons mieux l’histoire de Martin Luther King, de Malcom X ou de Mandela – merci Hollywood – que celles de Toussaint-Louverture, de Louis Delgrès ou encore de Danton qui déclara au moment du vote de la première abolition de l’esclavage en 1794.
« Représentants du peuple français, jusqu’ici nous n’avions décrété la liberté qu’en égoïstes et pour nous seuls. Mais aujourd’hui nous proclamons à la face de l’univers, et les générations futures trouveront leur gloire dans ce décret, nous proclamons la liberté universelle ». 

Waterloo, est-elle toujours une morne plaine deux siècles après ?

Napoléon dévorant l’Europe, vu par les anglais.
Toute l’Europe commémore les 200 ans de la bataille de Waterloo. Toute l’Europe ? Non, les français sont absents.
C’est curieux parce que depuis quelques mois, François Hollande passait son temps, en tout cas, beaucoup de son temps, à commémorer.
Parce qu’exemple, il y a un an, lors des fêtes gigantesques rappelant les 70 ans du débarquement. Ou encore plus récemment le début de la Première guerre mondiale. Ou la fin de la seconde. Ou la Panthéonisation de 4 figures de la Résistance. C’est le devoir de mémoire. C’est : « Connaître l’Histoire pour préparer l’avenir ». Et puis bien sûr, la nécessaire repentance : Savoir assumer notre Histoire, toute notre Histoire, y compris avec ses parts d’ombre. Mais remarquons, que nous français, avons toujours quelques difficultés sur ce dernier plan.
Nous devrions peut-être nous inspirer de l’attitude des autorités allemandes, des allemands, les anciens vaincus, et qui pourtant, participent à toutes ces commémorations.
Bien sûr, aujourd’hui, nous sommes les meilleurs amis du monde ( ?), mais les conflits qui nous ont opposés, ont été dramatiques. S’il a fallu du temps pour que les allemands parlent du 8 mai 1945, non pas comme d’une capitulation, mais comme d’une libération, les mots  prononcés en 1985 par l’ancien Président allemand Von Weizsäcker restent exemplaires : « Personne n’attend des jeunes Allemands qu’ils portent une chemise de pénitent simplement parce qu’ils sont des Allemands. Mais leurs aînés leur ont laissé un lourd héritage. Nous tous, coupables ou non, vieux ou jeunes, devons accepter ce passé.(…) Celui qui ferme les yeux devant le passé s’aveugle pour l’avenir. Celui qui ne veut pas se rappeler l’inhumain s’expose aux nouveaux risques d’infection. »
Nous devrions en prendre de la graine. En ce qui concerne la mémoire de nos guerres coloniales, par exemple. Beaucoup d’entre nous continuent à penser ou à dire : « La colonisation, ce n’était pas bien, mais… » Et tout est malheureusement dans ce « mais », qui montre que nous n’avons pas encore accepté que toute colonisation est une domination, donc une violence, des violences exercées par notre pays sur d’autres pays ou d’autres peuples.
Et pour en revenir à Waterloo, il ne s’agit pas de comparer Napoléon à Hitler, ni l’Empire au Reich nazi. Napoléon s’inscrit dans la lignée de la Révolution française qui a d’abord signifié un espoir de libération et de liberté pour beaucoup de peuples d’Europe. Un des exemples de ces espoirs suscités par la Révolution et déçus – trahis ?- ensuite par l’Empire, c’est Ludwig van Beethoven. Le compositeur allemand avait dédié sa Symphonie N°3 à Napoléon Bonaparte, puis furieux, il l’avait débaptisé, – aujourd’hui, c’est la Symphonie héroïque – , lorsque Napoléon se fit proclamer Empereur.
Car les guerres de libération de la Révolution se sont transformées en guerres de conquête. Sanglantes. Et c’est encore aujourd’hui le souvenir qu’en ont de nombreux pays, en Espagne, en Russie, en Haïti aussi, puisque l’Empereur voulut y rétablir l’esclavage.
Avoir été présents à Waterloo aujourd’hui aurait signifié que nous assumions cette part de notre Histoire.
Nous vivons une e-poque formidable !

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