Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : Outre-Mer

La légion a sauté sur Saint-Martin. Et après ?

Après le temps de la compassion et de la légion, quel avenir pour Saint-Martin ? 
Ça y est: 150 légionnaires de Guyane ont été « projetés » à Saint-Martin.
Ils rejoignent 1500 hommes, pompiers, gendarmes, GIGN. En attendant le Tonnerre, parti de Toulon avec 1 000 tonnes de matériel, etc.
Tout cela pour 35 000 habitants. Ne parlons pas des 7000 habitants de Saint-Barth, les maisons de milliardaires ayant mieux résisté – tiens comme c’est bizarre – que les cases en tôles de Sandy ground.
Certes, cette aide est indispensable pour les sinistrés de toutes ces îles – car il n’y a pas eu que Saint-Martin – qui ont été ravagées par le cyclone Irma. Ils ont vécu des heures épouvantables, dont nous n’avons en Europe aucune idée. Des rafales de vent de plus de 300 km/h… La végétation hachée menue, comme passée aux lance-flammes, des vies entières noyées sous des trombes d’eau.
Mais Saint-Martin était déjà sinistrée avant le passage du cyclone. Derrière une vitrine de bronze-culs pour touristes, c’était prostitution, trafics en tout genre, bidonvilles, immigration clandestine. Un quart de la population au RSA, contre 7 % en Ile-de-France. Une délinquance et une violence terribles: 3,5 vols avec armes pour 1 000 habitants contre 0,6 en métropole.
En Guyane, 1500 kilomètres plus au sud, il n’y a ni cyclone, ni tremblement de terre, ni volcan. Pourtant la situation des 250 000 guyanais est souvent pire que celle des habitants de Saint-Martin.
On ne pourra jamais éviter les colères de la nature. Mais elles frappent d’abord les plus pauvres. En 2010, le tremblement de terre en Haïti avait fait 300 000 morts. En 2016, un séisme de même magnitude au Japon a fait … 50 victimes.
Ce ne sont pas que des maisons qu’Irma a fait voler en éclat, mais l’illusion d’un développement de l’Outre-Mer français. Et l’on ne voit pas pourquoi cela changerait. En dehors du tourisme pour les Antilles, d’Ariane et de l’or pour la Guyane, quoi ? Un avenir fait de chômage, d’aides sociales et de subventions ? Il faudrait un vrai projet…

Tristes tropiques. 

Allo Paris, ici Cayenne. Nous avons un problème.

Ségolène Royal face aux 500 frères guyanais contre l’insécurité
Jusque là tout allait mal. Mais personne ou presque ne s’en souciait.
Il faut dire que si on vous dit Guyane, vous répondez : Euh … Le Bagne ? Euh…  Ariane, les fusées ? Euh…ah ! oui, Christiane Taubira. En oubliant que celle-ci a été battue deux fois aux élections pour la mairie de Cayenne, plus une dernière défaite aux régionales de 2011. Mais nul n’est prophète en son pays. Surtout en Guyane.
La Guyane était un bon pays, un bout de forêt amazonienne où contrairement aux clichés de l’île du diable et de Papillon, il faisait bon vivre, le long de ses fleuves et de ses rivages immenses.
Mais en 30 ans, elle a littéralement explosé. Pire qu’un lancement raté d’Ariane. Passant de 50 000 habitants à 200 000 habitants. C’est comme si la France avait dû intégrer 150 millions de personnes ! Les communes, les collectivités territoriales sont dépassées par des charges qu’elles ne peuvent financer. Ecoles où 90 % des enfants ne parlent pas français ni créole. Hôpitaux où 90 % des femmes qui viennent accoucher sont brésiliennes, surinamiennes ou de Guyana. Il suffit de traverser un fleuve au milieu de la forêt pour se retrouver en France. Alors…
Et puis il y a la violence, qui s’est développée en quelques années seulement, et qui atteint des niveaux inimaginables, insupportables, 13 fois plus élevés qu’en métropole. Police, gendarmerie, légion multiplient les opérations coups de poing, augmentent leurs effectifs, mais rien n’y fait. Les autorités paraissent dépassées face aux clandestins brésiliens ou surinamiens qui viennent exploiter illégalement l’or dans l’intérieur de la Guyane, bousculant les populations tribales, polluant au mercure les rivières. Les mafias de tout poil ont transformé Cayenne en plaque tournante du trafic de drogue, les habitants s’enferment aujourd’hui derrière des grilles et la vente de Doberman fait fureur. La liste des plaies qui se sont abattues sur la Guyane semble infinie et la situation sans solution. En tout cas, aucune – sérieuse, durable – n’a été proposée, tentée par Paris.
C’est pour cela que le mouvement qui paralyse la Guyane, est plus que sérieux. Il est désespéré. Il a commencé par des actions coups de main des « 500 frères », un collectif qui proteste contre la délinquance. Il s’est amplifié parce que les autorités françaises ont tapé la fuite. Comme Ségolène Royal venue présider une Conférence internationale sur … la protection du milieu marin de la région caraïbe. Des « frères » en cagoule ont fait irruption en pleine conférence sous les yeux médusés de délégués venus des Etats-Unis, des Bahamas ou du Brésil pour réclamer à la Ministre que le gouvernement intervienne contre la violence.
Mais la Ministre s’est dépêchée de rejoindre la Guadeloupe puis les Etats-Unis où elle se place pour devenir la future Directeur du P.N.U.D.
Paris a décidé d’envoyer une délégation interministérielle mais sans aucun ministre, même pas celle de l’Outre-Mer, qui depuis Paris, a lancé un appel au calme. La ministre de l’Outre-Mer ? Ericka Bareigts. Vous n’en avez jamais entendu parler ? C’est normal, c’est une illustre inconnue, dont le choix montre bien l’importance que la France accorde à l’Outre-Mer. En d’autres temps, on aurait dépêché un ministre, voire un Premier ministre. Mais là, l’envoi de cette sous-délégation a été vécu comme un affront par les guyanais qui se sentent totalement abandonnés par Paris. Aujourd’hui le mouvement s’est transformé en grève générale. Bravo, bien joué !
Oh ! bien sûr, une solution va être trouvée très vite. Car le blocage des routes, des ports, des commerces cloue au sol le lanceur Ariane. Et chaque lancement annulé, ce sont des centaines des millions d’euros qui partent en fumée.
Mais ce ne sera qu’un pansement sur un grand corps malade, le temps de tenir jusqu’aux élections et de repasser la patate chaude aux suivants. Qui feront quoi ? Que proposent les candidats aux Guyanais, si ce ne sont de belles paroles ? Quel projet pour la Guyane et ses 50 % de jeunes, dont beaucoup sont au chômage ? Même les politiques guyanais n’ont pas de réponse.
Et pourtant la Guyane était un bon pays. Mais ça, c’était avant…

Nous vivons une e-poque formidable.

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