Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : réunification

Helmut Kohl est mort: Tant de bons souvenirs de Bonn !

Helmut Kohl “la Poire”: Sacré grand homme !
Helmut Kohl est mort. Ça fait tout drôle. Bien sûr, c’est dans l’ordre des choses. Bien sûr, on savait qu’il était malade. Mais quand on a suivi ce géant, car l’ancien Chancelier était un géant physiquement et par les hasards de l’Histoire, comme correspondant pendant toute cette période extra-ordinaire entre 1987 et 1989, la chute du mur, 1990, la réunification, les premières élections libres de l’Allemagne réunifiée, 1991, le transfert de la capitale à Berlin, la mort d’Helmut Kohl fait remonter tant de moments intenses sur le plan professionnel et personnel, d’images fortes, de beaux souvenirs, de bons souvenirs de Bonn, de l’Allemagne de Bonn, capitale de la RFA.
Et l’on prend conscience que Français, Allemands, Européens d’aujourd’hui ne se rendent pas compte du chemin parcouru, des bouleversements incroyables que nous avons connus, en mieux, depuis 30 ans. Nous avons peut-être raté quelque chose dans la transmission de comment c’était avant…
Mes confrères envoyés spéciaux ou correspondants – comme moi pour TF1 – témoignent avec talent de cette époque. Chacun rapporte ses propres souvenirs passionnants d’une ou de plusieurs rencontres avec le Chancelier. Philippe Rochot de France 2, Jean-Marc Gonin, Michel Martin-Rolland de l’AFP. Des souvenirs chaque fois différents qui dessinent autant de facettes d’un personnage dont nous réalisons aujourd’hui à quel point il fût important, historique… Mes souvenirs sont moins précis, moins politiques, plus anecdotiques.
Il faut imaginer Bonn en 1987. Une petite ville tranquille, très clean, genre petit village suisse, de Suisse alémanique, où jeter un papier de bonbon par terre pouvait créer une émeute, une ville morte à partir de Vendredi, 15 heures, tous les fonctionnaires s’empressant de rejoindre leurs régions d’origine. A l’exception du petit centre historique, avec sa belle université, sa place centrale, son hôtel de ville baroque et la maison de Beethoven, c’était une ville administrative sans âme construite le long d’une ligne de tramway parallèle au Rhin, jusqu’à Bad Godesberg, la banlieue chic, une sorte de mini-Neuilly, le quartier des ambassades, des résidences des expatriés. Ordonnée, propre, tranquille, des bâtiments officiels, des ministères sans âme, sans identité. C’était Deutschland AG, Allemagne Société Anonyme, et d’ailleurs la ville était dominée par une tour coiffée d’une étoile Mercedes, que l’on voyait briller la nuit au-dessus des toits.
La Chancellerie ressemblait au siège d’une compagnie d’assurances; À peine un drapeau sur le côté d’une guérite vert de gris, et sur la pelouse une (affreuse ?) statue du sculpteur Henry Moore.
Heureusement il y avait le Rhin, qui faisait évidemment remonter des souvenirs de poésie allemande mal apprise, ces vers superbes qui commencent le poème La Lorelei de Heinrich Heine: « Die Luft ist kühl und es dunkelt, Und ruhig fließt der Rhein ». « L’air est frais, l’obscurité descend, et le Rhin coule calmement ».
A l’époque Helmut Kohl était plutôt moqué. Devenu chancelier à la faveur d’une trahison du petit parti libéral FDP, qui en 1982, avait poignardé les sociaux-démocrates et fait alliance avec les chrétiens-démocrates, Helmut Kohl était surnommé « Die Birne » « La Poire » et caricaturé en forme de ce fruit, à cause de la forme de son visage. Et l’on racontait les pires blagues sur sa supposée inculture ou son côté « fruste », ce qui était totalement injuste, Kohl étant notamment un passionné d’Histoire. Il y avait même des livres de blagues «  les Kanzleramt Witze », « Les blagues de la chancellerie », qui brocardaient « Kohl ist doof » « Kohl est bête » et qui ironisaient sur sa maîtresse cachée -mais c’était un secret de polichinelle, c’était son assistante -.
Parmi les blagues, celle-ci par exemple :
« C’est l’été, il fait très chaud et toutes les fenêtres des bureaux de la chancellerie sont ouvertes. C’est l’heure du déjeuner. Un conseiller est en train de manger un sandwich à sa fenêtre. Soudain un coup de vent et le papier gras de l’emballage s’envole, tombe d’un étage et entre par la fenêtre dans le bureau du dessous. C’est celui du Chancelier. Le conseiller affolé se précipite, entre dans le bureau de la secrétaire d’Helmut Kohl pour qu’elle récupère le papier. Mais celle-ci lui répond: « Trop tard, il a déjà signé ! ».
Et puis, il y eut cette soirée de novembre 1989. Le 9 novembre. Nous étions à Berlin-Est, où siégeait le comité central du Parti communiste, en crise. Le vieux dirigeant Erich Honecker venait d’être viré sous la pression de Gorbatchev. Les citoyens est-allemands étaient de plus en plus nombreux à tenter de s’enfuir à l’Ouest, mais personne ne se doutait que ce soir-là serait LE soir. Surtout pas Helmut Kohl qui effectuait une visite officielle en Pologne. Après l’annonce maladroite, la bourde, du porte-parole du Comité central, devant nous la presse étrangère vers 18 heures, ce 9 novembre, l’Histoire va se précipiter à partir de 21 heures ? 22 heures ? devant les différents check-points, les poste-frontières de Berlin-Est. Lorsque la foule devient trop importante, les gardes finissent par ouvrir les barrières et c’est la ruée vers l’Ouest. Quand Helmut Kohl est mis au courant qu’il se passe quelque chose à Berlin, que le mur est en train de s’ouvrir, sur le coup personne ne pense qu’il s’agit de la chute du mur. Le Chancelier décide de rentrer en Allemagne et de se rendre directement à Berlin. A Berlin-Est, le gouvernement est divisé. Certains voudraient envoyer les troupes d’élite, fermer les frontières, refouler les candidats au départ à l’Ouest. Ils alertent Moscou. Gorbatchev appelle Helmut Kohl, avec lequel il a noué des relations de confiance, qui le rassure : « Les soviétiques, l’armée soviétique, ne sont absolument pas menacés. Tout est pacifique, aucune agressivité ». Et Gorbatchev fera savoir à Berlin-Est que ses soldats ne bougeront pas.
Fin d’une histoire, début d’une autre, celle de l’Allemagne, de l’Europe réunifiée. Car ensuite tous les murs sont tombés et nous avons retrouvé tous ces européens que nous avions passés par perte et profit de l’autre côté du mur, du rideau de fer. Même si les choses ont parfois tourné au vinaigre, au tragique, avec notamment l’épouvantable guerre civile en Ex-Yougoslavie, où la mésentente entre français et allemands a justement joué un rôle.
Cela paraît incroyable aujourd’hui quand on passe sans faire attention sous la Porte de Brandebourg, à Berlin alors qu’on ne pouvait que l’apercevoir au milieu d’un no man’s land militaire. Et Postdamer Platz, aujourd’hui avec toutes ces tours, ces cinémas, là où il n’y a pas 30 ans, il n’y avait rien, que du sable et des gravats. On cherche le souvenir du mur : « Tiens ! Tu te souviens, il passait ici, il coupait la Spree, et là, le long du mur est du Reichstag. ». Et justement le Reichstag aujourd’hui magnifié par cette superbe coupole transparente sous laquelle siège le Parlement. Et la nouvelle Chancellerie, et les ministères. Quand on pense qu’en 1990, il n’était pas du tout acquis que le siège du gouvernement allemand revienne à Berlin. Beaucoup des conseillers d’Helmut Kohl étaient comme lui rhénans, plus tournés vers l’Ouest que Berlin qui est à 80 kilomètres de la Pologne. Et puis il y avait le poids des habitudes. Jusque dans les cercles diplomatiques. Beaucoup à l’Ambassade de France avaient fait des gorges chaudes lorsque nous avions décidé de transférer les bureaux de TF1 de Bonn à Berlin en janvier 1990. « Mais cela ne se fera jamais » « Ils sont trop jeunes. Ils ne connaissent pas l’Allemagne ».
Mais début décembre 1989, juste un mois après l’ouverture du mur, il y eut ce premier voyage d’Helmut Kohl en Allemagne de l’Est, à Dresde. Bien sûr le chancelier avait présenté fin novembre un plan en 10 points, raisonnable progressif, organisant une éventuelle réunification. Mais ce soir-là, il fût dépassé par la foule comme les dirigeants est-allemands. Il fallait voir Helmut Kohl, porté par une vague qui s’étendait jusqu’aux ruines de la Frauenkirche – quand on pense que cette cathédrale est aujourd’hui reconstruite comme d’ailleurs beaucoup du centre de cette ville merveilleuse alors qu’en 1989, tout était encore très en ruines – . Et les gens lui criaient : « Nous voulons le Deutschmark. ». Ce soir-là, il était clair que la RDA ne tiendrait pas le choc de l’ouverture à une économie beaucoup plus puissante. C’est ce soir-là sans doute – en tout cas il nous l’a confié par la suite – que le Chancelier qui n’était pas un obsédé de la réunification, s’est dit: C’est irréversible et il faut aller vite si l’on éviter que cela ne dérape.
En moins d’un an, tout fut réglé. Jusqu’à l’unification le 3 octobre 1990. Avec cette soirée de fête devant le Reichstag de Berlin où avaient pris place Helmut Kohl et sa femme Hannelore. Le chancelier très ému comme nous tous d’ailleurs et il me semble qu’il a pleuré.
Bien sûr, il y eut aussi toutes ces rencontres officielles à l’occasion des très nombreux sommets franco-allemands. C’était l’époque François Mitterrand. Comme correspondants, nous étions côté allemand, et qu’est-ce que nous avons pu attendre! Toujours en retard, le Président français. Cela mettait Helmut Kohl en fureur, il descendait régulièrement au rez-de-chaussée de la Chancellerie et on l’entendait pester. « Quelle grossièreté ces français, incapables d’être à l’heure ». Mais bon. C’était le Président, c’était la France. Et ce fût bien sûr une relation politique et humaine essentielle. Helmut Kohl ne pensait pas un seul instant que l’Allemagne puisse avoir un avenir sans l’Europe, sans la France, pas de « Alleingang », de chemin solitaire. Et il s’était entouré de conseillers parfaitement francophones qui souvent avaient même étudié à l’ENA.
Un dernier souvenir, presque personnel, puisque réalisé, sans mon équipe, sans caméra, ni micro.
Avec un autre confrère britannique, je fus invité à accompagner Helmut Kohl pendant une journée au cours de la campagne des premières élections de l’Allemagne réunifiée en décembre 1990.
Rendez-vous tôt à la Chancellerie à Bonn. Là on nous explique. Tout va aller très vite. Vous devez rester collés au Chancelier, sinon vous serez expulsés de son cercle de sécurité. Ça arrive parfois même à des ministres, et alors on ne les attend pas, ils rentrent en train. Helmut Kohl arrive, comment dire, physique et poigne de rugbyman ? non, ce serait en dessous de son physique de … sumo ? Et ça démarre, hélicoptère jusqu’à l’aéroport de Cologne, puis avion de la Luftwaffe. Dans son entourage, un secrétaire note tout, y compris nos consommations. Car ce déplacement est un voyage électoral et tout, avion, voiture, y compris nos invitations de journalistes, sera ensuite intégralement remboursé à l’Etat par la CDU, le parti de Kohl – C’était il y a 30 ans quand on pense que chez nous, même aujourd’hui...-.
Toute la journée faite de sauts de puce dans l’est de l’Allemagne jusqu’à Rostock, ce fût un marathon où chaque fois se reproduisaient les mêmes scènes: La porte de l’avion s’ouvre et 5, 4, 3, 2, 1, nous foncions au travers de foules enthousiastes, où tout le monde voulait serrer la main ou même seulement toucher le Chancelier de l’unité.
Dernier discours, dernier bain de foule, nous sommes dans l’avion du retour, épuisés. Kohl est assis à gauche, il occupe deux places. Il me fait asseoir à sa droite. Il se met à l’aise, tombe la veste, se met un petit gilet, retire ses chaussures, on lui apporte des saucisses et un grand verre de bière, son appétit d’ogre n’est pas une légende ! –  Il se tourne vers moi et me dit avec un grand sourire : « C’est le meilleur moment de la journée, non ? ». Et dans l’heure de retour vers Bonn, dans le ciel de l’Allemagne, je ne me souviens plus exactement ses mots, mais il me parla d’Histoire, de son enfance, de la guerre, de l’Europe.
Helmut Kohl est mort. Oui, un sacré bonhomme. Adieu Herr Bundeskanzler.

BERLIN : Le soir où le mur n’est pas tombé 7/7 : Le jour d’après : Un printemps allemand …


Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
Le jeudi 9 novembre 1989, le mur n’est donc pas tombé à Berlin. Et dans les rétros que diffusent les télés ou que publient les journaux, l’on mélange allègrement les images: Le démontage du mur, une grue qui enlève une dalle en béton, des militaires est-allemands qui ouvrent de nouvelles brèches: Tout cela n’a commencé que plusieurs jours voire plusieurs semaines après.
Si ce soir-là, le béton du mur n’est pas tombé, c’est son symbole, celui de la division de l’Europe, de la guerre froide, qui s’est écroulé. Ce qui reste impressionnant, ce sont ces milliers de personnes connues ou inconnues, et pas seulement des allemands, loin de là, qui ont eu le « réflexe Rostropovitch ». Comme le célèbre violoncelliste, tout lâcher, et prendre le premier avion, le premier train, la première voiture pour foncer vers Berlin.
Certains en ont un peu trop fait, en prétendant avoir été là, le soir où… Ce qui était matériellement impossible: Même le Chancelier Kohl, en voyage officielle en Pologne, n’est arrivé que le lendemain.
C’était d’ailleurs assez amusant de découvrir les personnalités qui se trouvaient de l’autre côté du mur quand les soldats (est-allemands) en enlevaient un morceau. Comme ce jour, où c’est la tête de Jacques Lang qui est apparue derrière un pan de béton.
Il régnait une ambiance très particulière, très euphorisante, comme si vraiment on entrait dans une nouvelle époque. Pour les premières élections générales de l’Allemagne unifiée, j’ai eu la chance d’accompagner le Chancelier Kohl, pour une journée de campagne à l’Est. Pas de caméra, nous n’étions que 2 journalistes. Rendez-vous tôt le matin, dans les jardins de la chancellerie à Bonn. Hélicoptère jusqu’à l’aéroport de Bonn-Cologne. Puis avion de la Luftwaffe jusqu’à Rostock. Dans l’avion, nos consommations étaient notées par un des assistants d’Helmut Kohl. Il était en campagne électorale, donc tous les frais, y compris les nôtres, étaient remboursés par le parti à l’Etat allemand ! Le chancelier se tourne à un moment vers nous : « On vous a expliqué ? Vous restez dans mon sillage, à pas plus d’un ou 2 mètres. » . Et un des conseillers de compléter : « sinon, vous ne pourrez suivre et vous rentrerez à Bonn par vos propres moyens. C’est déjà arrivé à plusieurs ministres ». Quand le chancelier descendit de l’avion et jusqu’au soir, ce ne fût que des foules immenses, des cohues que ce colosse traversait comme un roc dans la tempête, une ambiance de rock star. Dans le vol retour, le chancelier se lâche enfin. Il occupe deux places, bascule son siège vers l’arrière, troque son veston contre un petit gilet et se met en chaussons. On lui apporte un sandwich saucisse, et une bière. Dans un éclat de rire, il nous dit : «  Ce n’est pas le meilleur moment ? Une saucisse et une bonne bière !» Incroyable destin pour ce chancelier, arrivé au pouvoir à la faveur non pas d’une élection, mais d’un renversement d’alliances au Bundestag, et qui pendant longtemps avaient été la cible de nombreuses plaisanteries, sur son nom (Kohl = choux) sur son physique (La poire, en raison de la forme de sa tête).
pendant ces deux années, tout semblait possible: Nous pouvions nous rendre partout, et partout les gens étaient heureux de nous voir, de parler, pour la première fois depuis 45 ans à des « gens de l’Ouest ». Un vent de liberté qui a soufflé sur tout l’Europe de l’Est et pour nous journalistes, il y avait chaque fois un côté « première fois »: Traverser la Pologne jusque dans l’enclave russe de Kaliningrad, l’ancienne Königsberg, la capitale d’origine de la Prusse, dont il ne reste plus rien, totalement rasée et vidée de  sa population allemande en 1945. Seul subsiste un pan de mur de l’ancienne cathédrale devant lequel est installée la tombe du philosophe Emmanuel Kant. Et puis la Tchécoslovaquie, la révolution de velours, les rencontres avec Vaclav Havel devenu Président, et qui nous mettait en garde conte ce qu’il sentait venir un peu plus au sud: Le nationalisme, le racisme, la xénophobie, et voilà que la Yougoslavie éclate et s’enfonce dans une guerre civile d’une cruauté inimaginable. Au cœur de l’Europe, le retour de la barbarie…
La question de l’unité allemande a été réglée en quelques semaines. Mais là encore c’est la population qui a bousculé les politiques.
Le 19 décembre 1989, le chancelier Kohl effectue sa première visite à Dresde. Nous étions à ses côtés. Au milieu des ruines de l’Eglise Notre-Dame, nous l’avons vu changé, surpris et bouleversé par la foule qui agitait des drapeaux ouest-allemands, par ces cris qui de « Wir sind das Volk »« Nous sommes le peuple» étaient  devenus « Nous sommes un peuple », et puis bien sûr : « Nous voulons le deutschmark ». Helmut Kohl était resté prudent jusque là sur les étapes d’une réunification qu’il n’avait ni provoquée ni organisée, à Dresde, il a été convaincu. Il lui restait à convaincre les allemands de l’Ouest. Ce qui n’était pas si simple: Car remettre à niveau la situation de 15 millions d’allemands de l’est allait coûter très cher : 2000 milliards d’euros, soit 4 à 5% du PIB annuel allemand pendant vingt ans. Encore aujourd’hui, les critiques que l’on entend sur l’égoïsme des allemands, en exaspèrent beaucoup qui se sont serrés la ceinture depuis 25 ans, comme jamais nous ne l’avons fait en France. 
Les allemands ne parlent d’ailleurs pas de « réunification » mais « d’unité allemande ». Berlin comme capitale n’a pas été une décision unanime. Seulement 18 voix de majorité  sur 658 députés lors du vote de 1991. Les bavarois refusaient Berlin capitale. Cela allait coûter trop cher. Et puis Berlin leur paraissait être la ville de tous les vices, la seule ville d’Allemagne où il n’y a pas de «Polizeisperrstunde», d’« heure de fermeture de la police », c’est-à-dire qu’on peut y faire la fête toute la nuit, un scandale pour les très conservateurs bavarois pour lesquels il faut aller se coucher tôt pour se réveiller tôt pour aller travailler !
Bonn symbolisait également la nouvelle Allemagne, démocratique, simple, modeste, sans décorum. Après la folies des grandeurs de l’empire allemand, puis des nazis, beaucoup craignaient le syndrome Paris ou Londres: Tout dans une énorme capitale métropole, écrasant le reste du pays. Alors que la force de l’Allemagne moderne réside dans sa décentralisation.
Lorsque nous avons pris la décision dés janvier 1990 de transférer le bureau de TF1 de Bonn à Berlin, nous avons été confrontés au scepticisme, voire même à l’ironie d’un certain nombre de spécialistes de l’Allemagne, en poste à l’Ambassade de France. Jamais la capitale ne quitterait BonnNous nous emballions, etc… Il faut dire que leurs interlocuteurs allemands n’y croyaient pas non plus : Joachim Bitterlich, un des conseillers d’Helmut Kohl, originaire de Sarre, ancien élève de l’ENA, faisait partie de ces sceptiques. Je me souviens lui avoir fait faire un tour de Berlin, un soir de 1990, Philharmonie, Café Einstein, Prenzlauer Berg, après lequel il a avoué : « C’est vrai qu’elle a tout d’une capitale ».
25 ans plus tard, je ne retourne pas à Berlin sans un pincement au cœur. Et toujours me revient cette chanson de Marlene Dietrich, que les berlinois aiment citer : « Ich hab noch einen Koffer in Berlin / deswegen muß ich da nächstens wieder hin ». « J’ai toujours une valise à Berlin, c’est pour cela que je dois y retourner dés que je peux »…

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