Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : ski

Covid19, montagne, ski : Y-aura-t-il du virus pour Noël ?

Y aura-t-il de la neige pour Noël ? Franchement, beaucoup s’en foutent. D’abord parce que le ski ne concerne qu’une minorité d’entre nous, Brestois ou Cannais ne rime pas forcément avec godille et schuss. Et puis le ski c’est cher, rien que la location d’un studio où on s’entasse à 6 ou 8 … Et puis la combinaison, les gants, les chaussures, le casque, les lunettes, les skis ou surfs, ça commence à chiffrer. Même la fondue y est hors de prix. 

Ceci dit que la montagne est belle. 

Si tout le monde n’a pas la chance de vivre face à la mer, d’autres en revanche vivent la tête non pas dans les étoiles mais happés par ces sommets qui semblent flirter avec le ciel : La Meije, le doigt de Dieu, comment résister à l’appel des cimes, et d’ailleurs il y a cent ans, deux cents ans, les Gaspard et autres Turc (oui ce sont des noms de montagnards de l’Oisans), les Whymper (lui c’était un britannique, mais quel alpiniste !) ne purent y résister. C’était avant la découverte de la pénicilline, de la vaccination, on sortait à peine des grandes pestes, choléra et tuberculose et manque d’hygiène réduisaient l’espérance de vie à 50-55 ans, il n’y avait pas de SAMU, ni d’hélico pour venir secourir les alpinistes en perdition. Et pourtant. Et pourtant, de tous temps les hommes ont voulu y monter, conquérir ces sommets, se dépasser, voir d’en haut notre tout petit quotidien. 

Interdire la montagne, c’est comme interdire à un marin de prendre la mer. C’est empêcher un Cannois (pas Cannais) de se baigner, à un Biarrot de surfer. Sans parler des retombées, ou plutôt de l’absence de retombées économiques pour des dizaines de milliers de personnes qui vivent du tourisme. Même avec les aides de l’État, s’il y a de la neige pour Noël, elle ne sera pas blanche immaculée mais plutôt grise tendance on broie du noir.

Pense-t-on vraiment que la montagne, les chassés croisés sur les routes d’accès aux stations, seraient des nids à virus ? On peut limiter les jauges dans les remontées mécaniques, interdire les soirées fondues ou raclettes trop festives, mais interdire le ski pour Noël, c’est très… con. C’est comme si celles et ceux qui prennent de telles décisions se disent : « Avec tout le boulot que j’ai, je n’aurai pas de vacances cette année, donc pas question que d’autres en profitent : na ! » 

Y aura-t-il de la neige pour Noël ? Jusque-là, il n’y en avait pas, mais depuis quelques jours, il neige à gros flocons, dans une semaine pour les fêtes la montagne va être toute poudrée blanc, sa seule contemplation sera un plaisir pour l’esprit, son air, des bouffées d’oxygène. 

Il y aura de la neige pour Noël.

Mais du ski, c’est pas gagné. 

 

 


Y-aura-t-il de l’argent pour Noël ?

La neige pour Noël: Un produit de luxe…
Ça y est : Ce sont les grands départs, Bison Futé voit rouge et noir, à Lyon le Tunnel sous Fourvière ressemble au… Tunnel sous Fourvière: 15 kilomètres de bouchons et toujours cette question, mais pourquoi a-t-on fait passer un des principaux axes autoroutiers européens au cœur de la seconde agglomération de France ? Dans les Alpes, ça bouchonne et avant les grandes bouffées d’oxygène à 1800 mètres d’altitude, il faut se taper l’asphyxie des sorties de Grenoble, de la vallée de la Romanche, de la montée vers la Tarentaise. Quant à Chamonix- Mont-Blanc pour ceux qui rêvent d’air pur, c’est raté. Avec la noria incessante des camions qui relient la France à l’Italie via le Tunnel, l’air y est encore plus pollué que Boulevard Saint-Germain à Paris depuis la fermeture des voies sur berges.
Toute la France part en vacances. Toute ? Non ! Seulement 21 % si l’on en croit les derniers chiffres. Pas parce que les 79 autres % ne veulent pas, mais parce qu’ils ne le peuvent pas. Car une fois rendu dans une de ces stations que le monde entier nous envie – à en croire leurs pubs, c’est à qui propose le plus grand domaine skiable du monde il faut braquer une banque. Ou alors y travailler ; Par exemple chez Rothschild et Cie, vous savez cette petite entreprise où Emmanuel Macron surnommé à l’époque le Mozart de la Finance a bossé jusqu’en 2012, gagnant près d’1 million et demi par an. Ce qui est quand même beaucoup moins qu’un Thiago Silva au PSG, mais lui en un mois …
Parce que même si vous trouvez une combine pour squatter chez des amis ou emprunter un équipement de ski, il vous faudra acheter un forfait. Et la plupart sont devenus aussi chers ou presque qu’un pass Navigo pour circuler un mois à Paris et 5 zones de banlieues, mais pour une seule journée, c’est-à-dire entre 9 heures et 17 heures, après c’est mort, les remontées mécaniques sont fermées.
Quelques prix : Alpe d’Huez, Courchevel : 51 €, 250 € pour 6 jours, Val d’Isère, sans doute le record, 55,50 €. Evidemment on peu se rabattre sur des plus petites stations plus basses en altitude, comme Autrans dans le Vercors ou le Lioran dans le Massif central, mais pas sûr qu’avec le manque de neige on puisse faire autre chose que de la luge sur gazon. Car pour lutter contre la baisse de l’enneigement il faut aller toujours plus haut, construire de plus en plus d’usines à neige, avec des retenues d’eau en altitude, des centaines de kilomètres de tuyaux, des centaines de canons à neige. Tout cela coûte des fortunes, aller skier est devenu un luxe et les rencontres avec la vraie nature en montagne dans ces stations sont de plus en plus rares.
« Pourtant que la montagne est belle, Comment peut-on s’imaginer, En voyant un vol d’hirondelles, Que l’automne vient d’arriver ? » chantait Jean Ferrat. Mais il est vrai qu’il parlait des montagnes de l’Ardèche, bien loin de nos usines à skieurs.
Nous vivons une e-poque formidable !

Ski: Font ièch les hors-pisteurs !

Il neige. En quelques jours, plus d’un mètre, avec des températures très douces, et beaucoup de vent : Toutes les conditions sont donc réunies pour que « le manteau neigeux soit instable ». Un gardien de refuge, habitué de la montagne a même été pris dans une coulée. Et pourtant… Pourtant, vous trouvez toujours des petits ( et même des grands) cons qui se la jouent: « Sensations-Liberté-Adrénaline », et vont sciemment skier « hors piste », à leur risque et péril, certes, mais aussi au risque et péril des pisteurs et secouristes, qui vont leur venir en aide, au cas où.
C’est le syndrome « Man vs wild » « Glisse extrême ». Parce que nous vivons dans des environnements où le risque doit être zéro, où dés qu’un train déraille, un vélo tombe, un piéton glisse, c’est forcément la faute à… aux pouvoirs publiques, nous jouons à nous faire peur : Ouh ! je traverse hors des clous !  Et en montagne, cela veut dire, hors des pistes.
En 30 ans, la pratique du ski s’est fortement démocratisée même si elle reste quand même un luxe: équipement, forfait astronomique, frais de séjour qui grimpent avec l’altitude. Les techniques d’apprentissage ont également rendu le ski plus accessible: Matériel plus léger, skis plus larges paraboliques, hyperboliques, qui « skient » presque tous seuls sur des pistes dammées comme des boulevards. Résultat: En temps normal, nous sommes tous des champions, nous confondons souvent vitesse avec « je sais skier », montagne avec liberté. Dés que les conditions se compliquent, une piste gelée par exemple, du brouillard, de fortes chutes de neige, là il n’y a plus personne: Je ne contrôle plus ma trajectoire, je deviens un danger pour moi-même et aussi pour les autres. Il en va de même pour les courses en montagne, pour l’alpinisme. Beaucoup confondent la vraie montagne avec des murs d’escalade, et le ski avec de la glisse en zone urbaine.
Or, même si elle a été équipée, voire suréquipée, la montagne reste un environnement naturel sauvage, où l’homme n’est qu’un invité et c’est très bien ainsi. 
Lorsque dans les années 1960, l’Alpe d’Huez a ouvert le 3ème tronçon, le téléphérique du Pic Blanc, un panneau avait été installé devant lequel aujourd’hui les skieurs passent sans même y prêter attention : « Skieurs, attention ! Ici, commence le domaine de la Haute Montagne ». Apprendre à skier ce devrait être apprendre la montagne. Ses règles, son climat, ses sautes d’humeur. Les montagnards ont mis des siècles à adapter leur mode de vie à leur environnement. Où construire leurs chalets, leurs églises par exemple en tenant compte de coulées de neige, de chutes de pierres, de glissements de terrain  qui ne se produisaient que tous les vingt, cinquante ans, voire tous les siècles. Il a fallu la catastrophe du chalet de l’UCPA à Val d’Isère en 1970, 39 morts dans une avalanche « centenale »,  puis quelques semaines plus tard, celle du plateau d’Assy, 71 morts dans une coulée de boue qui a emporté un sanatorium pour enfants installé depuis…1929. pour que soit mise en place les zonages risque naturel montagne puis les plans de prévention de risques naturels.
« Que la montagne est belle » chantait Jean Ferrat. Mais il aurait pu ajouter qu’elle n’est pas seulement un paysage, mais aussi une culture de vie qui devrait s’apprendre, qui devrait être transmise. Et cela prend forcément plus de temps que d’apprendre à glisser. Dans ce domaine aussi, notre système d’éducation laisse à désirer.

Nous visons une e-poque formidable.

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