Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : SPD

Allemagne, y aura-t-il un gouvernement à Pâques ou à la Trinité ?

 “Les syndromes s’aggravent”. La Groko (un crocodile dominée par la CDU) tente de calmer les soubresauts d’une queue socialiste. 
Ce n’est pas la première fois qu’en Europe, un pays continue de fonctionner sans gouvernement.
En Italie, c’est assez récurrent. 50 jours en 2013, plus de 60 gouvernements depuis la fin de la guerre, et des élections de Mars prochain qui n’annoncent pas de majorité claire.
209 jours aux Pays-Bas, après les élections de Mars 2017, 315 jours en Espagne après les élections de décembre 2015, le record étant (évidemment ?) détenu par les belges : 541 jours sans gouvernement après les élections de 2010.
A chaque fois c’est le système électoral et le scrutin à la proportionnelle qui permettent à de plus en plus de partis de plus en plus petits de siéger au Parlement. Est-ce plus démocratique que notre système majoritaire, en France mais aussi en Grande-Bretagne ? C’est loin d’être sûr. Car pour arriver à former un gouvernement les partis arrivés en tête sont obligés de négocier dans la plus grande opacité avec des formations représentant parfois de tout petits intérêts particuliers ou défendant des positions extrémistes. L’actuelle coalition au pouvoir aux Pays-Bas associe ainsi 4 partis qui vont du parti libéral, centriste, à l’Union chrétienne, très conservatrice sur le plan sociétal.
En Espagne, il y a longtemps qu’il n’est plus possible d’avoir une majorité aux Cortès sans l’appui de partis régionaux nationalistes, basques, catalans, qui réclament à chaque fois, plus d’autonomie, plus de pouvoir local. La « crise » catalane – qui n’est toujours pas réglée, et la Catalogne est toujours sans vrai gouvernement – est sans doute en partie le résultat de ces reculades.
Et puis, il y a l’Allemagne. Sans gouvernement depuis les élections du 24 septembre! Une groko, grande coalition, entre droite et gauche semble enfin sur les rails. Quoique peut-être déjà morte avant d’être accouchée. 
Le SPD est divisé. Ses 450 000 militants pourraient bien dire non à un accord qui serait le troisième avec le parti d’Angela Merkel, et dont à chaque fois ils ressortent encore plus affaiblis ! 20 % des voix pour le parti de Willy Brandt et Helmut Schmidt: On se pince. 
Mais c’est à peine mieux du côté de Merkel, qui certes a gagné les élections, mais en une victoire à la Pyrrhus. La chancelière a imposé une partie de ses choix, notamment en ce qui concerne l’accueil massif de migrants, à son parti et ses alliés. Et elle l’a payé par une fuite d’une partie de son électorat vers l’extrême-droite. Sans doute était-ce le mandat de trop, son quatrième, mais Angela a tellement écrasé la vie politique allemande, et celle de son parti, qu’on ne lui voit pas de successeuse(eur).
Tout cela est très embêtant. Pour l’Allemagne, bien sûr. Même si elle continue de tourner. Et de très bien tourner, avec des excédents commerciaux records, pas d’endettement, pas de chômage, et enfin, une remontée des salaires et des investissements. S’il n’y a pas de gouvernement à Berlin, il y en a 16 qui continuent de fonctionner, c’est l’avantage de l’organisation très décentralisée en Länder.
Mais c’est sur le plan européen que cela commence à être inquiétant et notamment pour nous. Pas d’avancées européennes sans les allemands. Adieu les rêves européens d’Emmanuel Macron sur des sujets comme l’harmonisation des fiscalités, la gestion de l’euro, le financement des dépenses des opérations militaires extérieures, le renforcement d’une politique d’immigration commune, la France ne peut rien toute seule.
On l’a vu d’ailleurs au moment des négociations sur le glyphosate. Alors qu’Angela Merkel était proche de la position française, et avait demandé que l’Allemagne s’abstienne, son ministre de l’agriculture, sans prévenir personne, a voté en faveur du renouvellement pour 5 ans de cet herbicide produit notamment par l’industrie chimique … allemande.
Si les taux d’intérêts commencent à remonter, si les nuages s’accumulent sur l’économie mondiale, nous nous trouverons alors fort dépourvus sans notre amie la fourmi allemande, lorsque la bise sera venue.

Crise politique en Allemagne. Une Merkel peut en cacher une autre.

Merkel a cristallisé contre elle beaucoup de haine, y compris dans son propre électorat. Mais en même temps…
On racontait que pour les allemands, Merkel, c’était Mutti( Maman) Angela. On croyait l’Allemagne raisonnable, pratiquant le consensus.
On découvre que c’est ein grosses Bordell, en allemand dans le texte.
L’Allemagne n’a presque jamais été gouvernée par un seul parti. La règle c’est la coalition. Non parce que les allemands auraient ça dans le sang, mais parce que le système électoral à la proportionnelle, l’impose.
Mais c’est évidemment la montée de l’AfD qui ajoute au bordel. Ce nouveau parti surfe sur le choc de l’accueil massif de migrants musulmans, que la chancelière a imposé au forceps par conviction morale, contre une partie de son électorat, et notamment la CSU, le très conservateur parti bavarois. Il engrange aussi les votes d’une partie des allemands de l’Est, qui ont le sentiment d’avoir été socialement déclassés par la réunification. Mais l’AfD n’a d’alternative que le nom. A peine élus, ses dirigeants se déchirent. Frauke Petry, la fondatrice du mouvement, mais aussi Anette Schultner, la présidente des chrétiens de l’AfD et des dizaines d’autres dirigeants, ont démissionné, protestant contre les dérives droitières de l’homme qui monte, Bjorn Höcke.
Quoiqu’il arrive, nouvelles élections ou pas, il n’y aura d’autres solutions qu’une nouvelle grande coalition entre chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates. Pour ces derniers, le dilemme est cornélien ou plutôt faustien. En refusant la coalition, ils apparaissent comme ceux qui bloquent l’Allemagne, en acceptant, c’est le baiser qui tue. Ils aident Merkel à rester au pouvoir, et au bout du compte, ils ne peuvent plus apparaître comme les champions de l’opposition.
Pour Angela Merkel, au pouvoir depuis 12 ans, ces élections étaient sans doute le mandat de trop. Mais faute de nouveaux leaders, l’Allemagne n’a d’autres choix que Merkel. C’est sans doute cela le plus surprenant; Ou le plus inquiétant.

© 2025 BLOGODO

Theme by Anders NorenUp ↑