Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : TF1 (Page 1 of 2)

Berlin, le mur : 30 ans déjà. En Hongrie, une brèche dans le rideau de fer.

Souvenirs de la fuite vers l’ouest  
En fait quand on y repense c’est en Hongrie que le mur de Berlin a commencé à se fissurer. 
A Hegyeshalom exactement. 
Franchement ce gros village ne vaut pas le détour, si ce n’est que c’est le point de passage entre la Hongrie, et pratiquement se touchant l’Autriche et la Slovaquie. Et que c’est là que le 2 mai 1989, le gouvernement hongrois- pourtant à l’époque toujours communiste – avait décidé de mettre en scène le premier démantèlement du « rideau de fer ». Gros plan sur des militaires découpant les barbelés devant nos caméras avec des pinces monseigneur !
Je me souviens très bien d’une question d’un confrère, Pierre Haski : « Mais que ferez-vous quand des ressortissants d’autres pays de l’Est  voudront passer à l’Ouest ? » Silence gêné des autorités. 
Quelques semaines plus tard, les allemands de l’Est répondaient à cette question : La nouvelle s’était répandue dans toute la RDA : On peut s’enfuir par la Hongrie. Car il était possible aux allemands de l’est de voyager librement dans ce pays-frère. 
D’abord, des dizaines, puis des centaines tentèrent le coup, passant de la Hongrie à l’Autriche, donc à l’Ouest, sans être empêchés par les garde-frontières. 
Jusqu’au 19 août 1989, où un « pique-nique », organisé à la frontière par le parti autrichien paneuropéen d’Otto von Habsbourg s’est transformé en fuite à l’Ouest de milliers de « vacanciers » est-allemands. 
Dans la ruée vers la liberté, ils abandonnaient tout derrière eux. Dans la bousculade, un jeune père, sa femme, sa fille, avec comme seuls bagages, un sac à dos, s’étaient retournés vers nous, une fois à l’Ouest, et dans un grand éclat de rire, nous avaient donné la plaque d’immatriculation « DDR » « République Démocratique Allemande » qu’ils avaient dévissée sur leur Trabant, leur voiture abandonnée. Une plaque que j’ai conservée jusqu’à aujourd’hui.
A Berlin-Est, le gouvernement ne savait plus quoi faire. 
Aujourd’hui, en Hongrie, on réinstalle des barbelés, au sud à la frontière avec la Hongrie, par peur d’une invasion de migrants. 
Et l’on écoute Udo Lindenberg, le chanteur ouest-allemand qui s’était rendu très populaire à l’époque, avec cette chanson plutôt humoristique : « Sonderzug nach Pankow »… « Train spécial pour Pankow »,  la résidence du dirigeant communiste Erich Honecker, au nord de Berlin.

Berlin, le mur : 30 ans déjà. Tous les Lundi soir c’est manif à Leipzig.

Leipzig , Lundi 9 octobre 1989, devant le Gewandthaus
C’est à Leipzig que le mur de Berlin a commencé à tomber. Avec les «Montagsdemo», les manifs du Lundi soir.
Leipzig. 
En dehors de Berlin, c’est la grande ville d’Allemagne de l’Est. Une capitale économique, commerciale, avec ses foires organisées depuis le Moyen-âge. 
Au coeur de la Saxe, ville de culture aussi avec l’Eglise Saint-Thomas où composa un certain Jean-Sébastien Bach, l’Auerbachs Keller où Goethe situe une scène de son premier Faust et puis à quelques pas de là… la Nikolaiskirche, l’Eglise Saint-Nicolas. Dès avril 1989, nous avions pu y assister à de bien curieux offices. 
Les Lundi à partir de 18 heures, les lectures pastorales laissaient la place à des appels à la Paix, à la non-violence, à la liberté. Pas d’attaques directes contre le régime, mais dans cette église portes ouvertes, il se passait quelque chose. Il fallait être prudent, la Stasi, la police politique, était là en civil, à qui faire confiance ? 
Alors tous les Lundi, en septembre, nous sommes revenus clandestinement
Depuis Berlin-Est, 2 heures d’autoroutes, nous fonçions sur la chaussée avec ses plaques en béton, et il fallait repartir dans la soirée, pour repasser avant minuit le « check point Charlie » entre Berlin-Est et Berlin-Ouest …
Et de Lundi en Lundi, ces « Montagsgebete », ces « prières du Lundi », se sont transformées en « Montagsdemo », en « manifs du Lundi », de plus en plus importantes. 
Le Lundi 9 octobre, nous sommes montés au sommet d’un immeuble, et là nous avons pu voir des dizaines de milliers manifestants reprenant les slogans « Keine Gewalt » « pas de violences » « Liberté de voyager » « Ouvrez le mur ».  
Soudain devant la salle de concert du GewandtHaus apparut un colosse barbu « C’est Kurt Masur », dit la foule; le chef d’orchestre mondialement connu, aujourd’hui décédé. Il marchait calmement au-devant des banderoles. Pas de déclarations, sa seule présence était en soi une surprise, lui qui jusque là n’était pas connu pour être critique du régime.  
A Leipzig , de Lundis soir en Lundis soir, le mur s’effritait chaque semaine un peu plus. 
30 ans plus tard, Leipzig a été entièrement rénovée. Elle qui était grise et enfumée attire des foules de touristes. Elle a retrouvé son dynamisme d’antan, c’est même sans doute un des exemples de réussite de la réunification. 
Il y a de nouveau des « Montagsdemo ». Mais elles ne réclament plus l’ouverture des murs, comme en octobre 1989. 
Au contraire, organisées par l’extrême-droite, elles demandent fermeture des frontières et expulsion des étrangers. 
Et l’on écoute un extrait de « Fürchte dich nicht » « Ne crains rien » de Jean-Sébastien Bach, interprété par le chœur de Saint-Thomas de Leipzig… https://youtu.be/kLxJxLh261c
A suivre : Et si tout avait commencé en …Hongrie ?

Berlin, le mur : 30 ans déjà…Putain, comme le temps passe ! par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne

30 ans déjà par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
30 ans déjà : 
J’ai toujours refusé de céder à la tentation de l’ancien combattant : « Tonton, raconte-nous Haïti, le Chili, le mur de Berlin ! ». Mais depuis quelques jours on nous rabâche les oreilles sur le thème : « Il y a 30 ans, dans la nuit du 9 novembre, le mur de Berlin s’est effondré »
Ah ! bon ? Vous y étiez ? 
Ce soir-là, le mur ne s’est pas effondré. Dans les rétros que diffusent les télés ou que publient les journaux, l’on mélange allègrement les images: Le démontage du mur, une grue qui enlève une dalle en béton : Tout cela n’a commencé que plusieurs jours voire plusieurs semaines après.
Si ce soir-là, le béton du mur n’est pas tombé, c’est son symbole, celui de la division de l’Europe, de la guerre froide, qui s’est écroulé. Ce qui reste impressionnant, ce sont ces milliers de personnes connues ou inconnues, et pas seulement des allemands, loin de là, qui ont eu le « réflexe Rostropovitch ». Comme le célèbre violoncelliste, tout lâcher, et prendre le premier avion, le premier train, la première voiture pour foncer vers Berlin. 
Certains en ont un peu trop fait, en prétendant avoir été là, le soir où… Ce qui était matériellement impossible : Même le Chancelier Kohl, en voyage officielle en Pologne, n’est arrivé que dans la nuit .
Pourtant, nous n’étions pas nombreux ce soir-là, cet après-midi là, au centre de presse international à Berlin Est. Là où une bévue du porte-parole du comité central du Parti communiste, Günter Schabowski a provoqué ce qui allait suivre. Nous n’étions pas nombreux vers 9 heures du soir dans les rues quasi désertes de Berlin-Est ou devant les check-points d’Invalidenstrasse ou Bernauer strasse. Il y avait Philippe ( Rochot) de France 2, Luc ( de Barochez ) à l’époque pour l’AFP et puis ?… 
Donc, je m’en vais vous narrer ce dont je me souviens, et qui commence quelques mois plus tôt en Hongrie, quelques semaines avant à Leipzig, les Lundis soir autour de l’église Nicolas. 

On écoute Patricia Kaas : D’Allemagne : « De quel côté du mur la frontière vous rassure ? »


A suivre : Rendez-vous à Leipzig pour les montags demo manifs du Lundi.

Les 30 ans du JT de Jean-Pierre Pernault et le mur de Berlin.

En direct dans le JT de Jean-Pierre Pernault
Toute le semaine TF1 a fêté les 30 ans du journal de 13 heures présenté par Jean-Pierre Pernault. Après avoir été moqué comme un journal un peu plouc, le succès et la longévité de la formule ont fait taire les critiques. Et beaucoup ont reconnu le mérite de parler de la France de partout et non pas uniquement de Paris.
Mais Jean-Pierre Pernault ne s’intéresse pas uniquement à l’actualité franco-française. Et cela a été rappelé dans une rétrospective diffusée jeudi soir dans le journal de Gilles Bouleau. Les moments forts des 30 ans du journal de 13 heures avec notamment l’ouverture du mur de Berlin.
Et c’est vrai, qu’en raison de la chronologie, le mur ouvrant dans la nuit du jeudi 9 novembre 1989, c’est bien le 13 heures du Vendredi 10 novembre qui a diffusé notre premier reportage réalisé à Berlin-Est où je me trouvais avec mon équipe depuis plusieurs jours.
Mais Jean-Pierre Pernault a fait mieux. A l’époque, la rédaction de TF1 avait peut-être un peu sous-estimé l’importance de ce qui était en train de se passer. Même si Patrick Poivre d’Arvor a toujours été intéressé et prompt à réagir à l’actualité internationale, et aux propositions remontées par les correspondants à l’étranger, ce week-end là TF1 était passée à côté de l’Histoire. En raison de l’encombrement des liaisons satellites traditionnelles, aucun sujet envoyé par les équipes dépêchées à Berlin-Ouest n’arrivait à temps à Paris. Les seuls reportages qui parvenaient à être transmis régulièrement étaient les nôtres diffusés depuis la télévision est-allemande à Adlershof.
Le samedi soir, alors que nous nous trouvions dans la régie de la télévision de Berlin-Est, la technique à Paris me fait partager l’ambiance à la rédaction : « Patrick Lelay vient d’arriver. Il hurle. Il veut tous nous virer. Certains pleurent ». « Mais qu’est-ce qui se passe ? » « Le ratage depuis Berlin-Ouest. L’émission spéciale programmée pour le samedi 13 heures annulée ».  J’explique que nous pourrions peut-être tenter un coup depuis Berlin-Est. On me passe Patrick Lelay. Il m’écoute en silence. Je lui explique que nous avons de bonnes relations avec les dirigeants et les équipes de la télévision est-allemande et qu’ils ont les moyens d’organiser un direct depuis le mur, côté Est. Mais que ça va coûter de l’argent et en devises de l’Ouest. Réponse immédiate « Carte blanche ». Dans la nuit nous négocions avec la télévision est-allemande. Et le Lundi 13 novembre dans le journal de Jean-Pierre Pernault, nous réalisons le premier direct debout sur le mur côté Est, donc inaccessible aux journalistes de l’Ouest, devant la Porte de Brandebourg. Il m’avait semblé à l’époque que Jean-Pierre était ravi que ce premier direct se déroule dans son journal. Pour toute notre équipe à Berlin ce fût également un moment inoubliable. Et en ce qui me concerne je me souviens qu’à quelques secondes près, j’ai évité une chute spectaculaire. Pas celle du mur, mais la mienne, du mur. En effet, pendant le direct je me déplaçais en reculant sur le mur qui était très étroit. Juste après avoir rendu l’antenne, en baissant les yeux, j’ai découvert que deux de mes collaborateurs étaient accroupis, près à m’attraper les pieds, je n’étais qu’à quelques millimètres du vide. Une question de plus de Jean-Pierre et je basculais !
Bravo pour ces 30 ans de JT, Jean-Pierre.  

Helmut Kohl est mort: Tant de bons souvenirs de Bonn !

Helmut Kohl “la Poire”: Sacré grand homme !
Helmut Kohl est mort. Ça fait tout drôle. Bien sûr, c’est dans l’ordre des choses. Bien sûr, on savait qu’il était malade. Mais quand on a suivi ce géant, car l’ancien Chancelier était un géant physiquement et par les hasards de l’Histoire, comme correspondant pendant toute cette période extra-ordinaire entre 1987 et 1989, la chute du mur, 1990, la réunification, les premières élections libres de l’Allemagne réunifiée, 1991, le transfert de la capitale à Berlin, la mort d’Helmut Kohl fait remonter tant de moments intenses sur le plan professionnel et personnel, d’images fortes, de beaux souvenirs, de bons souvenirs de Bonn, de l’Allemagne de Bonn, capitale de la RFA.
Et l’on prend conscience que Français, Allemands, Européens d’aujourd’hui ne se rendent pas compte du chemin parcouru, des bouleversements incroyables que nous avons connus, en mieux, depuis 30 ans. Nous avons peut-être raté quelque chose dans la transmission de comment c’était avant…
Mes confrères envoyés spéciaux ou correspondants – comme moi pour TF1 – témoignent avec talent de cette époque. Chacun rapporte ses propres souvenirs passionnants d’une ou de plusieurs rencontres avec le Chancelier. Philippe Rochot de France 2, Jean-Marc Gonin, Michel Martin-Rolland de l’AFP. Des souvenirs chaque fois différents qui dessinent autant de facettes d’un personnage dont nous réalisons aujourd’hui à quel point il fût important, historique… Mes souvenirs sont moins précis, moins politiques, plus anecdotiques.
Il faut imaginer Bonn en 1987. Une petite ville tranquille, très clean, genre petit village suisse, de Suisse alémanique, où jeter un papier de bonbon par terre pouvait créer une émeute, une ville morte à partir de Vendredi, 15 heures, tous les fonctionnaires s’empressant de rejoindre leurs régions d’origine. A l’exception du petit centre historique, avec sa belle université, sa place centrale, son hôtel de ville baroque et la maison de Beethoven, c’était une ville administrative sans âme construite le long d’une ligne de tramway parallèle au Rhin, jusqu’à Bad Godesberg, la banlieue chic, une sorte de mini-Neuilly, le quartier des ambassades, des résidences des expatriés. Ordonnée, propre, tranquille, des bâtiments officiels, des ministères sans âme, sans identité. C’était Deutschland AG, Allemagne Société Anonyme, et d’ailleurs la ville était dominée par une tour coiffée d’une étoile Mercedes, que l’on voyait briller la nuit au-dessus des toits.
La Chancellerie ressemblait au siège d’une compagnie d’assurances; À peine un drapeau sur le côté d’une guérite vert de gris, et sur la pelouse une (affreuse ?) statue du sculpteur Henry Moore.
Heureusement il y avait le Rhin, qui faisait évidemment remonter des souvenirs de poésie allemande mal apprise, ces vers superbes qui commencent le poème La Lorelei de Heinrich Heine: « Die Luft ist kühl und es dunkelt, Und ruhig fließt der Rhein ». « L’air est frais, l’obscurité descend, et le Rhin coule calmement ».
A l’époque Helmut Kohl était plutôt moqué. Devenu chancelier à la faveur d’une trahison du petit parti libéral FDP, qui en 1982, avait poignardé les sociaux-démocrates et fait alliance avec les chrétiens-démocrates, Helmut Kohl était surnommé « Die Birne » « La Poire » et caricaturé en forme de ce fruit, à cause de la forme de son visage. Et l’on racontait les pires blagues sur sa supposée inculture ou son côté « fruste », ce qui était totalement injuste, Kohl étant notamment un passionné d’Histoire. Il y avait même des livres de blagues «  les Kanzleramt Witze », « Les blagues de la chancellerie », qui brocardaient « Kohl ist doof » « Kohl est bête » et qui ironisaient sur sa maîtresse cachée -mais c’était un secret de polichinelle, c’était son assistante -.
Parmi les blagues, celle-ci par exemple :
« C’est l’été, il fait très chaud et toutes les fenêtres des bureaux de la chancellerie sont ouvertes. C’est l’heure du déjeuner. Un conseiller est en train de manger un sandwich à sa fenêtre. Soudain un coup de vent et le papier gras de l’emballage s’envole, tombe d’un étage et entre par la fenêtre dans le bureau du dessous. C’est celui du Chancelier. Le conseiller affolé se précipite, entre dans le bureau de la secrétaire d’Helmut Kohl pour qu’elle récupère le papier. Mais celle-ci lui répond: « Trop tard, il a déjà signé ! ».
Et puis, il y eut cette soirée de novembre 1989. Le 9 novembre. Nous étions à Berlin-Est, où siégeait le comité central du Parti communiste, en crise. Le vieux dirigeant Erich Honecker venait d’être viré sous la pression de Gorbatchev. Les citoyens est-allemands étaient de plus en plus nombreux à tenter de s’enfuir à l’Ouest, mais personne ne se doutait que ce soir-là serait LE soir. Surtout pas Helmut Kohl qui effectuait une visite officielle en Pologne. Après l’annonce maladroite, la bourde, du porte-parole du Comité central, devant nous la presse étrangère vers 18 heures, ce 9 novembre, l’Histoire va se précipiter à partir de 21 heures ? 22 heures ? devant les différents check-points, les poste-frontières de Berlin-Est. Lorsque la foule devient trop importante, les gardes finissent par ouvrir les barrières et c’est la ruée vers l’Ouest. Quand Helmut Kohl est mis au courant qu’il se passe quelque chose à Berlin, que le mur est en train de s’ouvrir, sur le coup personne ne pense qu’il s’agit de la chute du mur. Le Chancelier décide de rentrer en Allemagne et de se rendre directement à Berlin. A Berlin-Est, le gouvernement est divisé. Certains voudraient envoyer les troupes d’élite, fermer les frontières, refouler les candidats au départ à l’Ouest. Ils alertent Moscou. Gorbatchev appelle Helmut Kohl, avec lequel il a noué des relations de confiance, qui le rassure : « Les soviétiques, l’armée soviétique, ne sont absolument pas menacés. Tout est pacifique, aucune agressivité ». Et Gorbatchev fera savoir à Berlin-Est que ses soldats ne bougeront pas.
Fin d’une histoire, début d’une autre, celle de l’Allemagne, de l’Europe réunifiée. Car ensuite tous les murs sont tombés et nous avons retrouvé tous ces européens que nous avions passés par perte et profit de l’autre côté du mur, du rideau de fer. Même si les choses ont parfois tourné au vinaigre, au tragique, avec notamment l’épouvantable guerre civile en Ex-Yougoslavie, où la mésentente entre français et allemands a justement joué un rôle.
Cela paraît incroyable aujourd’hui quand on passe sans faire attention sous la Porte de Brandebourg, à Berlin alors qu’on ne pouvait que l’apercevoir au milieu d’un no man’s land militaire. Et Postdamer Platz, aujourd’hui avec toutes ces tours, ces cinémas, là où il n’y a pas 30 ans, il n’y avait rien, que du sable et des gravats. On cherche le souvenir du mur : « Tiens ! Tu te souviens, il passait ici, il coupait la Spree, et là, le long du mur est du Reichstag. ». Et justement le Reichstag aujourd’hui magnifié par cette superbe coupole transparente sous laquelle siège le Parlement. Et la nouvelle Chancellerie, et les ministères. Quand on pense qu’en 1990, il n’était pas du tout acquis que le siège du gouvernement allemand revienne à Berlin. Beaucoup des conseillers d’Helmut Kohl étaient comme lui rhénans, plus tournés vers l’Ouest que Berlin qui est à 80 kilomètres de la Pologne. Et puis il y avait le poids des habitudes. Jusque dans les cercles diplomatiques. Beaucoup à l’Ambassade de France avaient fait des gorges chaudes lorsque nous avions décidé de transférer les bureaux de TF1 de Bonn à Berlin en janvier 1990. « Mais cela ne se fera jamais » « Ils sont trop jeunes. Ils ne connaissent pas l’Allemagne ».
Mais début décembre 1989, juste un mois après l’ouverture du mur, il y eut ce premier voyage d’Helmut Kohl en Allemagne de l’Est, à Dresde. Bien sûr le chancelier avait présenté fin novembre un plan en 10 points, raisonnable progressif, organisant une éventuelle réunification. Mais ce soir-là, il fût dépassé par la foule comme les dirigeants est-allemands. Il fallait voir Helmut Kohl, porté par une vague qui s’étendait jusqu’aux ruines de la Frauenkirche – quand on pense que cette cathédrale est aujourd’hui reconstruite comme d’ailleurs beaucoup du centre de cette ville merveilleuse alors qu’en 1989, tout était encore très en ruines – . Et les gens lui criaient : « Nous voulons le Deutschmark. ». Ce soir-là, il était clair que la RDA ne tiendrait pas le choc de l’ouverture à une économie beaucoup plus puissante. C’est ce soir-là sans doute – en tout cas il nous l’a confié par la suite – que le Chancelier qui n’était pas un obsédé de la réunification, s’est dit: C’est irréversible et il faut aller vite si l’on éviter que cela ne dérape.
En moins d’un an, tout fut réglé. Jusqu’à l’unification le 3 octobre 1990. Avec cette soirée de fête devant le Reichstag de Berlin où avaient pris place Helmut Kohl et sa femme Hannelore. Le chancelier très ému comme nous tous d’ailleurs et il me semble qu’il a pleuré.
Bien sûr, il y eut aussi toutes ces rencontres officielles à l’occasion des très nombreux sommets franco-allemands. C’était l’époque François Mitterrand. Comme correspondants, nous étions côté allemand, et qu’est-ce que nous avons pu attendre! Toujours en retard, le Président français. Cela mettait Helmut Kohl en fureur, il descendait régulièrement au rez-de-chaussée de la Chancellerie et on l’entendait pester. « Quelle grossièreté ces français, incapables d’être à l’heure ». Mais bon. C’était le Président, c’était la France. Et ce fût bien sûr une relation politique et humaine essentielle. Helmut Kohl ne pensait pas un seul instant que l’Allemagne puisse avoir un avenir sans l’Europe, sans la France, pas de « Alleingang », de chemin solitaire. Et il s’était entouré de conseillers parfaitement francophones qui souvent avaient même étudié à l’ENA.
Un dernier souvenir, presque personnel, puisque réalisé, sans mon équipe, sans caméra, ni micro.
Avec un autre confrère britannique, je fus invité à accompagner Helmut Kohl pendant une journée au cours de la campagne des premières élections de l’Allemagne réunifiée en décembre 1990.
Rendez-vous tôt à la Chancellerie à Bonn. Là on nous explique. Tout va aller très vite. Vous devez rester collés au Chancelier, sinon vous serez expulsés de son cercle de sécurité. Ça arrive parfois même à des ministres, et alors on ne les attend pas, ils rentrent en train. Helmut Kohl arrive, comment dire, physique et poigne de rugbyman ? non, ce serait en dessous de son physique de … sumo ? Et ça démarre, hélicoptère jusqu’à l’aéroport de Cologne, puis avion de la Luftwaffe. Dans son entourage, un secrétaire note tout, y compris nos consommations. Car ce déplacement est un voyage électoral et tout, avion, voiture, y compris nos invitations de journalistes, sera ensuite intégralement remboursé à l’Etat par la CDU, le parti de Kohl – C’était il y a 30 ans quand on pense que chez nous, même aujourd’hui...-.
Toute la journée faite de sauts de puce dans l’est de l’Allemagne jusqu’à Rostock, ce fût un marathon où chaque fois se reproduisaient les mêmes scènes: La porte de l’avion s’ouvre et 5, 4, 3, 2, 1, nous foncions au travers de foules enthousiastes, où tout le monde voulait serrer la main ou même seulement toucher le Chancelier de l’unité.
Dernier discours, dernier bain de foule, nous sommes dans l’avion du retour, épuisés. Kohl est assis à gauche, il occupe deux places. Il me fait asseoir à sa droite. Il se met à l’aise, tombe la veste, se met un petit gilet, retire ses chaussures, on lui apporte des saucisses et un grand verre de bière, son appétit d’ogre n’est pas une légende ! –  Il se tourne vers moi et me dit avec un grand sourire : « C’est le meilleur moment de la journée, non ? ». Et dans l’heure de retour vers Bonn, dans le ciel de l’Allemagne, je ne me souviens plus exactement ses mots, mais il me parla d’Histoire, de son enfance, de la guerre, de l’Europe.
Helmut Kohl est mort. Oui, un sacré bonhomme. Adieu Herr Bundeskanzler.

Le Pen aux Kerguelen ?

–>

Aux Kerguelen, aussi il faut défendre la France !
Après le premier débat télévisé des présidentielles, nous nous sommes retrouvés dans un état second, ( de second tour ? ).
D’abord nous avons été 10 millions pour suivre ce débat. Et 10 millions ce n’est pas rien. C’est même un record. Et qui disait que nous étions des limaces qui ne nous intéressions pas à la politique ? On s’y intéresse mais encore faudrait-il qu’elle en vaille le coup, qu’elle s’écrive Politique, avec un grand P quand notre avenir est jeu. Et là, il l’est. Et ce n’est pas un jeu.
De ces 3 heures et demi de débat ( moins les assoupissements) nous sommes ressortis confortés dans nos choix. En tout cas pour ceux qui – qu’il pleuve, qu’il vente – ont déjà fait leur choix. Pour les autres, eh ! bien chacun(e) a été comme ce qu’on attendait, mais en vrai, en grand sur le petit écran.
Mélenchon ? Quel tribun ! On croirait Jaurès ( j’ai pas connu, mais on m’a dit), Malraux ( j’ai pas connu mais on m’a dit). Il pourrait nous promettre la lune, qu’importe, quel orateur !
Hamon ? : Un ange passe, les ailes chargées d’un certain ennui.
Fillon ? Droit dans ses bottes, mais il est vrai que l’on a aussi beaucoup regardé son costume, la coupe, le tissu…
Macron ? On annonçait qu’il se ferait enfoncer par les autres, parce que sans expérience, et puis non ! Et quand on tente de le mordre aux mollets, il sort les crocs.
Le Pen ? Marine était fidèle à elle-même. Mais pourquoi faire ? Au mieux elle va arriver en tête du premier tour et se fera battre au second. Au pire ( pour elle ) elle pourrait même se faire doubler par les deux en on : Macron, Fillon. Et là ce serait le début de la fin. On annonce une nuit des longs couteaux où son bras très droit, Philippot, serait sacrifié. On annonce une fin à la César où Brutus aurait le visage angéliquement blond de Marion. Mais la nièce pourrait-elle avoir un autre avenir que celui de sa tante ou de son grand-père ? C’est-à-dire représenter éternellement  sans jamais accéder au pouvoir, le quart d’entre nous  qui en ont marre, qui veulent renverser la table, qui crachent à la gueule de Bruxelles, de l’Europe , des autres, du voisin, des journalistes, du microcosme. Tous pourris, sauf ma mère et ma fille. Et encore !
Il faudrait peut-être leur proposer une porte de sortie : Les Kerguelen. C’est chouette les Kerguelen. Un petit bout de France dont il faut défendre l’identité au fin fond de l’Océan Indien sud. Et puis des pingouins et des manchots sur lesquels on peut régner. Et puis Kerguelen, ça rime avec Le Pen , non ?
Nous vivons une e-poque formidable.

Primaires de la droite et du centre: L’univers compte 2000 milliards de galaxies

7 candidats et au-dessus 2000 milliards de galaxies
15 minutes de temps de parole pour 120 minutes d’émission. Le pari semblait un peu fou, mais ils ont tous réussi. Tous sauf un, Nicolas Sarkozy, ce qui n’étonnera personne. Mais ce n’est pas très grave. Il fallait bien une exception pour confirmer la règle. Et puis cela n’a rien changé au résultat conforme disent les sondages à l’ordre de départ, et sans doute à ce que sera le résultat final des primaires.
C’est dingue ce qu’on arrive à faire faire aux hommes et femmes politiques d’aujourd’hui. Alors qu’ils étaient habitués à nous saouler avec des discours fleuves, ils se sont tous mis au tweet, à la petite phrase, à concentrer leur pensée en 140 signes. Et faire court c’est infiniment plus difficile que de se laisser aller à la logorrhée. (Pour les incultes – LOL!- : Logorrhée ? Diarrhée verbale).
Evidemment, à la longue, formater son discours en 140 signes, 15 secondes, exposer son programme sous forme de QCM, être soumis à des questions auxquelles on vous impose de ne répondre que par oui ou non, ou en 3 mots, cela finit par influencer votre pensée. Aussi au final, on n’aura pas appris grand chose. Mais était-ce le but de cette émission plus saucissonnée qu’une Kim Kardashian, par ses agresseurs à Paris ( Là aussi, LOL !
Saucissonnée, l’émission était donc rythmée: Est-ce pour cela qu’elle a attiré plus de 5 millions 600 000 téléspectateurs ?  Ce succès n’a pas empêché de s’assoupir un peu, beaucoup … En fait, dans le fond, on a envie de passer au plus vite aux choses sérieuses, au vrai vote. Pour cette Présidence-là, on sait bien que tout est fini. Ah ! Si on pouvait se réveiller en mai 2017 pour savoir si oui ou non notre pays pourra se remettre en marche (N’y voyez aucune allusion à Macron re-LOL !).
120 minutes un peu vides, 7 candidats, 7 étoiles pas vraiment brillantes, et brusquement une alerte info: L’univers compte 10 fois plus de galaxies que ce que l’on pensait. Et là ça réveille et on est pris de vertige. Non pas devant le vide du débat et des idées et des candidats mais devant ce vide qui entoure notre planète et qui est beaucoup moins vide que ce que l’on croyait. 2000 milliards de galaxies, déjà qu’on a de la peine à imaginer ce qu’est une galaxie, 2000 milliards… cela remet nos problèmes à leurs justes proportions, notre pays à sa juste place et avec tout ce qu’il reste à découvrir dans l’univers, nous pouvons nous dire que décidément :
Nous vivons une e-poque formidable !

BERLIN : Le soir où le mur n’est pas tombé 6/7 : Comment un couac de communication a fait l’Histoire.

Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
Jusque là tout allait bien. En tout cas presque bien pour le régime communiste de Berlin-Est. Bien sûr, les dernières semaines avaient été compliquées: Des dizaines de milliers de « citoyens » avaient fui la D.D.R  – D. D. R : R.D.A , République Démocratique Allemande: Les  officiels du gouvernement communiste avaient une manière bien particulière de prononcer ce nom. D’ailleurs, un peu comme l’allemand des nazis, le régime communiste avait créé une sorte de novalangue, où des expressions convenues étaient répétées jusqu’a être vidées de sens : La Patrie socialiste, L’Etat des ouvriers et des paysans, le mur de protection antifasciste, la police populaire, l’armée du Peuple… Plus personne n’y croyait vraiment, mais tout le monde faisait semblant. Et puis il y avait un carré d’irréductibles. Autour d’Erich Honecker, une vieille garde  composée le plus souvent d’anciens combattants antinazis exilés à Moscou, autour de laquelle avaient grandi des fonctionnaires ayant fait toute leur carrière dans le Parti.
Cruel dilemme pour les communistes est-allemands. D’un côté, ils ne pouvaient imaginer une vie sans Moscou, et de l’autre, Moscou, c’était Gorbatchev, et Gorbatchev s’était prononcé pour la transparence et  l’ouverture. Ouverture à Berlin-Est ? Késako ? Comme Gorbatchev avait publiquement désavoué Honecker, on s’était débarrassé d’Honecker. Sans avoir le scénario de l’après. Un peu par défaut, il avait été  remplacé par Egon Krenz, dont le seul titre de gloire était d’avoir été dirigeant des »Pionniers » et des  Jeunesses socialistes. Personne ne sachant exactement ce qu’il fallait faire ou pas, le comité central était donc en réunion permanente. Et la presse étrangère avait pu obtenir des visas afin de couvrir cette actualité officielle.
Ce matin-là, donc, un jeudi, il n’y avait rien de particulier. Le pays n’était pas plus en crise qu’un mois auparavant. On nous avait annoncé une conférence de presse en fin d’après-midi, à l’IPZ, le centre de Presse internationale. Nous y sommes tous allés, nous n’étions pas très nombreux, en somnolant d’avance. Le nouveau porte-parole du Comité central avait beau avoir été rédacteur en chef de « Neues Deutschland », le journal du Parti, le qualifier de journaliste serait très exagéré. Et d’ailleurs c’est parce qu’il a fait une grosse boulette que ce soir-là, il a involontairement fait l’Histoire.
Günther Schabovsky nous lit donc des communiqués officiels, et sans intérêt.  Nous étions tous sur le point de nous en aller. Quand – et là, l’histoire est maintenant bien connue – un confrère italien lui posa la fameuse question : «  Et qu’en est-il du projet d’autoriser les citoyens est-allemands à voyager librement ? ». Schabovsky bafouille une réponse hésitante : « Autorisation » «  libre circulation »  « peut-être ce soir » « minuit ? »
Je me souviens d’une petite bousculade autour de lui, alors qu’il se dirigeait déjà vers la sortie. Je me souviens de notre perplexité : « Qu’a-t-il voulu dire? ».  Nous nous sommes appelés entre collègues : Philippe Rochot de France 2, Luc de Barochez à l’époque pour l’AFP, Henri de Bresson, du Monde ;  Je crois bien que c’est tout, en ce qui concerne les confrères français. Je n’avais jamais revu, relu ou réécouté ce que nous avons tous dit dans les JT de 20 h, ce soir là, sur nos différents médias. Ce qui est frappant, c’est que nous, sur place, avons tous raconté la même chose. Nous avons été factuels, donnant la nouvelle, mais sans annoncer la chute du mur. Alors que nos rédactions à Paris annonçaient déjà que c’était chose faite. Heureusement que les choses n’ont pas mal tournées.
Or, elles auraient pu se transformer en bain de sang.
A 20 heures, il ne se passait absolument rien à Berlin-Est. A l’Ouest, les chaînes allemandes, s’installaient pour des « directs » depuis les différents points de passage du mur, parce qu’elles pensaient qu’elles pourraient filmer les premiers passages autorisés, sans doute vers minuit.
Les rues de Berlin-Est étaient donc désertes. J’ai quand même averti l’équipe de tournage – il paraît que j’ai laissé un mot pour tous : « tenez-vous prêts ».  Nous sommes allés faire un tour devant le premier point de passage au nord de la Porte de Brandebourg, à « Invalidenstrasse ». L’Ouest n’était qu’à une centaine de mètres derrière le no man’s land et le double mur. On ne le voyait pas. Mais on aperçevait des lumières, celles de spots des télévisions de l’Ouest. Les garde-frontières étaient nerveux et téléphonaient dans leurs guérites. Il n’y avait pas grand monde dans la rue devant le poste-frontière. Ceux qui étaient là, avaient pris leurs passeports. Au cas-où.
Et puis les gens ont commencé à arriver. C’était après les journaux du soir de la télévision ouest-allemande, interdite à l’Est, mais regardée par tous. 21h45 : Heute Journal sur ZDF; Puis 22h30 Tagesthemen sur ARD : « Si l’Ouest le dit, c’est que c’est vrai, on y va ».
En quelques minutes, les dizaines de personnes se sont transformées en raz-de-marée. Les gardes submergés ont ouvert les barrières. Au début, ils ont bien tenté de contrôler. Ainsi, parce que le passage d’»Invaliden Strasse », était réservé aux allemands de l’Est, ils nous ont renvoyés vers « Check-point Charlie » réservé aux occidentaux. En passant devant la Porte de Brandebourg, on voyait déjà des manifestants, qui étaient montés sur le mur. Mais à partir de l’Ouest, car à l’Est, l’armée avait pris position, et la peur était encore trop grande. Dix minutes plus tard lorsque nous sommes arrivés à check-point Charlie, c’était comme un RER aux heures de pointe.
Et puis:
Plus aucun contrôle, les barrières sont levées, les soldats se retirent, c’est comme une digue qui lâche.
Les cloches de Berlin-Ouest se sont mises à carillonner. Tous les bars et les magasins ont rouvert à l’Ouest. Tout le monde s’embrassait, on offrait des roses aux garde-frontières. Mais à aucun moment, le mur n’a été détruit ou démonté ce soir-là. Attaqué à coups de pioche, côté Ouest, oui, mais c’était symbolique. Côté Est, il s’agissait d’ailleurs surtout d’aller faire une virée à l’Ouest, de « test the west », et de retourner chez soi, avant que les enfants ne se réveillent, en leur apportant peut-être quelques bananes…
Tout était joué ? Non ! 
Il a aussi fallu qu’à distance, Gorbatchev fasse savoir que les troupes sociétiques ne bougeraient pas, et qu’il n’était pas question de réprimer ce mouvement par la force. Car ce que l’on sait aujourd’hui et ce que le dernier chef de gouvernement communiste Hans Modrow m’a expliqué plus tard en interview : Ce soir-là, à Berlin-Est, il y avait des durs qui voulaient tirer dans le tas. Le bataillon d’élite « Friedrich Engel» avait été mobilisé, les soldats armés étaient montés dans des camions dont le moteur était allumé prêt à démarrer.  Il s’en est donc fallu de peu que le 9 novembre ne se transforme en bain de sang ;
Tous les medias n’ont pas réagi de la même manière. Ainsi, si tous se sont précipités à Berlin, dans la nuit ou au petit matin, tous n’ont pas pris la mesure de l’événement.
Très vite en effet, toutes les communications ont été saturées entre l’Ouest et l’Est. Et impossible de passer à l’Est quand on venait de l’Ouest sans visa. Si à Antenne 2, Christine Ockrent, comprenant les enjeux, avait décidé d’envoyer des moyens de communication, une station satellite pour assurer les transmissions, à TF1, malheureusement, on s’était plus intéressé au casting des « people » et des stars à envoyer sur place qu’à l’intendance. La maquilleuse plutôt que le satellite. Résultat : Pendant près de 3 jours, les seuls sujets que TF1 pouvait diffuser étaient ceux transmis depuis la régie de la télévision est-allemande à Adlershof à 30 Minutes du centre de Berlin. Pour nous y rendre, comme Berlin-Est n’était plus qu’un gigantesque embouteillage, nous avions loué une moto, et nous remontions les avenues à contre-sens sur les trottoirs pour arriver à l’heure à la diffusion. Quand je dis nous, il faudrait préciser que nous avions loué une moto est-allemande et son propriétaire, un jeune instituteur ravi de l’aubaine, qui fonçait dans le froid en zigzagant entre les « Trabant », moi je préférais fermer les yeux ! Une fois sur place, course vers la diffusion, envoi du sujet, échange avec la régie à Paris, et trajet retour, pour continuer à « tourner » non stop pendant une semaine ! Les seuls contacts possibles avec Paris se faisaient à ces moments-là depuis la régie de la télé est-allemande. Jusqu’à ce samedi 11 novembre, où TF1 avait annoncé une émission spéciale « Mur de Berlin » à 13 h15, qui dû être remplacée, faute de liaison satellite, par une émission de secours: un  documentaire sur les « Noces du sultan de Brunei » ! Au même moment, sur Antenne 2 Christine Ockrent préparait ses premiers directs.
Je me souviens de notre échange depuis la télé est-allemande avec les techniciens de la régie à Paris, le soir du « ratage » :
 « Et comment ça va à Paris ? « 
« Ca barde »
« Qu’est-ce qui se passe ? « 
 « Mougeotte vient d’arriver en salle de rédaction, il est fou furieux »
« Ah ! bon, mais qu’est ce qui se passe ? »
« Ouh là, c’est Lelay qui vient d’arriver. Il hurle. Il veut tous les virer  ». J’explique alors aux techniciens de la régie que l’on peut essayer d’organiser des directs avec les moyens techniques de la télévision est-allemande.
« Quitte pas, on appelle Lelay ».
Patrick Lelay arrive au téléphone. Il m’écoute en silence. Puis me dit : « Vous avez carte blanche ».
Je lui précise que ça risque de couter cher, et en dollars ou en deutschemarks.
« Vous avez carte blanche, quelqu’en soit le prix ».
Dans la nuit, nous avons appelé nos contacts à la télévision est-allemande. Des valises ont dû circuler; 24 heures plus tard, je faisais le premier direct depuis le mur, côté est, dans le journal de 13 heures de Jean-Pierre Pernaut.
Le mur de Berlin a signifié aussi cela: L’entrée des medias dans un nouvel âge, celui des « directs ».
Ce n’est qu’après le 9 novembre, que le mur a commencé à être ouvert, démantelé, que le mur est tombé.  Cela a pris plusieurs mois , presque un an, et ce furent de belles journées, de beaux moments, une sorte de Printemps allemand, qui commença en plein novembre, le jour d’après.
 Demain : 7/7 : Les jours d’après

BERLIN : Le soir où le mur n’est pas tombé (1/7)

25 ans : Un quart de siècle, déjà…
Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
En direct du mur. pour TF1…le 11 novembre 1989 
Oui, j’y étais. Et nous n’étions pas nombreux ce soir-là, à nous trouver à Berlin, à Berlin-Est: Personne n’avait prévu ce qui allait se passer dans cette soirée du 9 novembre 1989.
Ni le gouvernement est-allemand, qui « envisageait éventuellement d’autoriser les citoyens est-allemands en règle et avec passeport à voyager librement ».
Ni le gouvernement ouest-allemand : Le chancelier Helmut Kohl se trouvait même en voyage officiel en Pologne; Son premier voyage auquel tous les médias de l’Ouest accordaient une grand importance. Autant dire que nos principaux confrères ouest-allemands se trouvaient à Varsovie.
Même si rétrospectivement, nous pouvons remettre les événements en perspective, et dire que, de toute façon , l’Allemagne communiste était condamnée, franchement le 9 novembre , personne n’avait rien vu venir. Finalement, tous les allemands et leurs alliés s’étaient installés dans cette situation d’équilibre. Même l’Ouest y trouvait son compte et les déclarations sur l’unité ou la réunification de l’Allemagne n’étaient que de principe, et ne trouvaient que très peu d’écho de Hambourg à Munich. L’Allemagne de Bonn, avec son deutschmark si fort, sa réussite économique, était l’«Allemagne Société-Anonyme », avec des citoyens comblés pensant plus aux vacances aux Canaries ou à Rimini, avec Mercedes et caravane, qu’aux frères de l’Est perdu ! « De quel côté du mur, la frontière nous rassure » chantait très justement Patricia Kaas.
25 ans déjà ! Putain : Un quart de siècle… Je n’ai pas l’esprit « ancien combattant ». J’ai toujours voulu regarder vers l’avant. Ne pas revenir sur les événements que j’ai pu « couvrir » comme reporter. Mais cette année, la pression des émissions commémoratives est forte, peut-être encore plus forte. Et puis les événements de novembre 1989, à Berlin, ont été bouleversants : Professionnement bien sûr, comme correspondant de TF1 en Allemagne, mais également sur le plan personnel, émotionnel, humain : Cette année, aux dernier moment, j’ai donc eu envie de partager un peu de mes souvenirs.
Et le premier souvenir, c’est la joie, la liesse populaire, le bonheur d’être libre, de pouvoir franchir enfin, même pour quelques heures, cet épouvantable mur de la honte avec son no’man’s land, ses patrouilles de soldats en uniforme vert de gris, ses check-points glauques. Un mur baptisé par le gouvernement est-allemand « mur de protection anti-fascistes » : Les fascistes étant à l’Ouest bien sûr. Ce n’était pas de l’humour, mais cela faisait beaucoup rire, sous cape, les berlinois de l’Est. Enfin, du moins, ceux qui appartenaient aux milieux intellectuels, aux mouvements des droits de l’homme.
Ce soir-là, je n’ai rien senti ni vu de « nationaliste ». Même nous, observateurs, étrangers, avons été emportés par ce sentiment de libération.
Il n’était pas question d’Allemagne, d’unité allemande, pas encore. Nous vivions la fin d’une injustice ; La fin de la division de l’Europe. Tout le monde s’embrassait. Je crois que nous nous sommes tous sentis européens , ou même citoyens du monde. Heu-reux ! Et lorsque les cloches des églises et de l’Hôtel de Ville de Berlin-Ouest se sont mises à carillonner dans la nuit, nous nous tous sommes mis à pleurer.
Ce soir-là, sur Berlin flottait l’air de la liberté. Un moment rare dans une vie.
Demain : 2/7 : Ces fissures que personne n’avait vues…

INTEGRATION : LA FRANCE VOTE MOUNIR ET FLORA COQUEREL…

 

A tous les aigri(e)s et les pisse-froids à la Eric Seymour, à tous les monomaniaques de l’invasion comme les Le Pen 3 générations, à tous ceux qui font un tableau cauchemardesque du « Vivre ensemble » en France, et qui voient partout des femmes voilées, des arabes égorgeurs de poule, des musulmans en croisade, des roms en embuscade et des plombiers polonais, la « vraie » France vient de répondre par deux fois. En votant pour Flora Coquerel, Miss France, et pour Mounir, Meilleur pâtissier de France.

Qu’on soit, ou non aficinionado des concours de Miss France, qu’on aime ou pas le baba au rhum ou le Paris-Brest, force est de reconnaître que lorsque la France profonde vote, elle choisit Miss Orléans et Miss Orléans est black. Et elle « pâtisse » avec Mounir, et Mounir est commerçant à Avignon et sa mère porte le voile.
Ces votes ne sortent pas du microcosme et n’émanent pas de bobos parisiens ou d’intellos « germanopratins » et tiers-mondistes. Ils démontrent que l’intégration ne se passe pas si mal. Et que c’est plutôt la très mauvaise situation de notre économie, la paupérisation de nos classes moyennes, le « no future » de notre chômage persistant, les petits jeux politiques entre copains de l’ENA qui se disputent leur petit pouvoir qui nous posent problème. Et qui font de nous l’un des pays les plus pessimistes de la planète. 
Que des enfants d’immigrés deviennent les meilleurs d’entre nous et pas uniquement dans le hip hop ou le sport : voilà qui donne la patate!
Nous vivons une e-poque formidable !

« Older posts

© 2025 BLOGODO

Theme by Anders NorenUp ↑