Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : violence

Pourquoi tant de haine : Politesse et incivilités : un combat perdu ?

Manque de respect: Était-ce mieux avant …? 
C’est du vécu. Un trois fois rien qui m’est arrivé l’autre matin, très tôt, dans un TGV pour le sud-est. 
Nous rentrons dans le compartiment. J’essaie de réserver à chaque fois une place fenêtre pour pouvoir brancher mes chargeurs de téléphones ou d’ordinateurs. Deux ou trois heures de TGV sont toujours une bonne occasion de travailler, parfois même de manière plus concentrée qu’au bureau ou chez soi. Merci sncf wifi.
Le train n’est pas plein, il est très tôt. Et un jeune homme vient s’asseoir à ma gauche de nos 4 places. 
Ce jeune homme, appelons-le un pti mec, et vous allez comprendre pourquoi. Il est habillé genre PNL, Tshirt fashion et bas de survêt un peu voyant, pas utilisé pour faire du sport mais pour faire mode avec bande latérale surpiquée dorée avec logo de marque. Il est fasciné par son téléphone et sur son écran, il zoome sur des montres, Rolex ou plus gros encore, bien mastuvu . 
Bon, à chacun ses trips, après tout pour certains « Si à 40 ans t’as pas une Rolex, t’as pas réussi ».
De mon côté, je fais un tour du net sur mon ordi, je regarde les derniers clips vidéos à la mode, oui parce que mon boulot c’est de me tenir au courant de tout ce qui se fait, se produit, a du succès « visuellement ». 
Puis je me remets à un dossier sur lequel je sèche depuis plusieurs jours. 
Soudain, le pti mec m’interpelle : « Et moi ? je veux brancher mon tel ». Ni Bonjour, ni s’il vous plaît. Cash. 
Désolé mais j’en ai besoin je travaille. 
Ah ! bon, regarder des clips c’est travailler ? Moi aussi j’ai besoin de travailler.
Ecoutez, il y a une prise, sur le siège en face qui est libre à 20 cm, vous pouvez vous brancher. 
Non je veux cette prise, pourquoi ne serait-elle que pour vous ? Vous vous étalez comme un roi avec votre ordi, votre tél. 
Je sens de la haine…Et cela me bouleverse.
Bon , puisque vous ne voulez pas aller en face, j’y vais
Et je déménage sur le siège d’en face. En passant, je lui dis : 
Vous pourriez me dire merci. 
Ah ! non, vu comme vous m’avez répondu répondit-il
Bon, on en reste là. Je travaille deux heures, et lui s’écroule et dort les deux heures. 
Qu’est-ce qui m’a choqué dans cette histoire ? 
C’est d’abord son agressivité que je n’ai pas fantasmée. Une haine à l’égard d’un vieux, d’un vieux blanc, d’un vieux céfran. Et puis le manque de respect, l’absence de politesse. 
Ce qui m’a choqué, c’est ma réaction. Finalement, j’ai cédé face à cette agressivité.
Ce qui m’a choqué, c’est l’absence de réactions des personnes dans le compartiment. Des passagers gênés qui détournent le regard.
Ce qui m’a choqué, c’est que ce pti mec va continuer à se croire tout permis, tant que personne ne lui aura mis un stop. 
Et d’ailleurs, n’est-il pas trop tard pour lui ? A coup sûr son entourage ne doit pas oser lui dire non. 
Cela me fait penser à une de mes amies – appelons la Fatima – qui n’hésite pas à remonter les bretelles en arabe, en dialectal, à des ptits mecs qui se conduisent mal dans le métro ou le RER. « Tu ferais ça devant ta mère ou ta grand-mère » leur dit-elle. La plupart du temps, cela les calme. Mais ses proches s’inquiètent : « Un de ces jours, tu vas te prendre un mauvais coup ». 
En attendant, c’est elle qui a raison, et il faudrait beaucoup plus d’adultes, d’aînés pour mettre des stops. On appelle ça l’éducation. Et j’ai honte de ne pas avoir eu ce courage-là.

Présidentielles 2017 : Pourquoi tant de haine ?

Pourquoi tant de haine et de violences dans notre société ? 
Haine. Pour François Ruffin publié dans le Monde, Emmanuel Macron est un futur président déjà haï. Parce qu’il serait sourd à la colère du peuple.
Colère. C’est ainsi que Marine Le Pen explique sa prestation télévisée où elle aurait été « la voix du peuple ».
Mais c’est quoi, c’est qui le peuple ?
Nuit debout, insoumis, zadistes, sont-ils le peuple ?
Faut-il être ouvrier ou paysan pour être le peuple ? Mais la grande majorité d’entre nous, sommes caissiers en supermarché, infirmières, assistants de vie, chargés de clientèles, opérateurs en call-centers, auto-entrepreneurs ou chômeurs. Sommes-nous moins peuple ?
En quoi, les « jeunes » ( et moins jeunes ) qui squattent la Place de la République ou Notre-Dame des Landes sont-ils le peuple ? Est-ce notre ras-le-bol, celui des banlieusards auxquels on annonce que pour la xième fois que le RER B est en panne qu’expriment ces individus, casqués, armés, prêts à transformer les policiers en « poulets grillés »?
Ils justifient leur violence comme une contre-violence, contre la première des violences celle de l’Etat. Minoritaires, ils refusent la loi de la majorité, base de nos démocraties.
Ce n’est pas nouveau.
C’est vieux comme Marx, Proudhon et Bakounine. C’est vieux comme Ravachol, comme Henry et l’attentat du Café Terminus. Comme Auguste Vaillant qui lança une bombe en pleine Assemblée Nationale en 1893, ou l’anarchiste italien Caserio qui assassina le Président Sadi Carnot à Lyon en 1894.
Dans les Justes, Albert Camus qui met en scène les débats et les doutes entre anarchistes qui commettent un attentat, fait dire à l’un d’entre eux Kaliayev : «J’ai lancé la bombe sur votre tyrannie, non sur un homme
A cette justification de la violence, à ce refus de l’autorité de l’Etat, à cette instrumentalisation de la colère du peuple, Emmanuel Macron veut opposer la raison, la négociation.

Cela risque d’être compliqué.

Les grecs anciens pour nous aider à combattre la violence dans notre société!

« La violence constitue à la fois un des pires maux de notre époque et un de ceux contre lesquels la Grèce antique s’est élevée avec le plus de force. (…)
En ces jours où l’on parle beaucoup de la Grèce, il n’est pas inintéressant de relire les textes de celles et ceux qui sont des vrais connaisseurs et des « passeurs » de la Grèce antique. Comme Jacqueline de Romilly, qui passa sa vie à essayer de nous faire comprendre la modernité des textes, des réflexions, des athéniens 500 ans avant Jésus-Christ.
Attention, Jacqueline de Romilly ne faisait pas de copié-collé entre la Grèce antique et la Grèce moderne.
Et les raccourcis du style :« La Grèce a inventé la démocratie » sont totalement faux:  L’on s’imagine un régime parlementaire avec des habitants tous égaux, libres de choisir. Alors, que la Grèce antique, ce sont les femmes et les esclaves exclus de la société.
Quant à la Grèce moderne, elle ne connaît la démocratie moderne que depuis à peine 40 ans. Un peu comme l’Espagne et le Portugal. La mère de nos démocraties, c’est plus l’Angleterre que la Grèce.
En revanche, oui, il s’est passé quelque chose qui influence notre civilisation, dans ce petit bout de territoire de rien du tout, pas toute la Grèce, mais Athènes, 450 ans avant Jésus-Christ:« Le V° siècle athénien a inventé la démocratie et la réflexion politique. Il a créé la tragédie et, en moins de cent ans, a vu se succéder les trois seuls auteurs qu’ait connus la postérité –Eschyle, Sophocle, Euripide. Il a donné forme à la comédie avec Aristophane. Il a vu l’invention de l’histoire, avec Hérodote (…) puis Thucydide. Il a vu les constructions de l’Acropole et les statues de Phidias. Il a été le siècle de Socrate. Socrate, dans les dernières années du siècle, s’entretenait avec le jeune Platon ou le jeune Xénophon, et avec les disciples de ces sophistes, qui venaient d’inventer la rhétorique. On apprenait alors les progrès d’une nouvelle médecine, scientifique et fondée sur l’observation – celle d’un certain Hippocrate. (…) Il s’est donc passé quelque chose, en ce V° siècle avant J.C, qui allait au-devant de l’intelligence et de la sensibilité humaines (…) Il faut se demander ce qu’il pouvait y avoir en Grèce, dés l’origine et jusqu’à la fin, qui mette ainsi à part la civilisation grecque et lui assure ce rayonnement sans pareil… » (1)
La Grèce antique a connu la violence, bien entendu. Elle l’a connue sous toutes ces formes. Elle a connu une interminable série de guerres ; et au cours de chacune d’elles, on rencontre des mesures de répression, qui nous paraissent effroyablement cruelles. (…)
La Grèce a connu la violence (…) mais elle a condamné la violence : toute la littérature du temps l’atteste. Et peut-être est-ce précisément parce qu’elle en a fait l’expérience qu’elle a pu exprimer avec tant de force son refus et son désir de l’abolir (…)
Les Grecs ne nous ont pas offert un modèle qu’il s’agirait d’imiter : ils ont décrit une expérience et défendu certaines valeurs qu’ils étaient les premiers à découvrir et qu’ils ont exprimées avec une telle netteté et un tel sens de l’universel que celles-ci s’imposent encore à nous, comme si celles étaient actuelles.(…) Dans les classes, pour les jeunes, quand il s’agit de leur inculquer, le plus possible, tout ce qui pourra faire reculer la sombre violence dont nous souffrons, il faudra plutôt former leurs jeunes années avec les auteurs antiques ou classiques. Les auteurs les plus modernes leurs seront toujours connus par le contexte du présent (…) Mais on peut espérer que la lecture d’autres textes aidera à fortifier en eux le dégoût de la violence, et à laisser croître dans leur sensibilité des forces de résistance. Il faut à tout prix leur communiquer un peu de cette sève et de cet élan que nous avons perdu. (…)
Je n’imagine certes pas que la littérature soit le premier remède contre la violence, ni le plus efficace. (…)Mais l’aide de la littérature, l’aide de l’enseignement, l’aide des textes, l’aide de la Grèce, pourquoi s’en priver ? Elle est là, réconfortante et lumineuse, capable de nous aider, et à portée de notre main… »(2)
Les grecs anciens pour nous aider à lutter contre la violence dans nos sociétés modernes ? Dommage que la réforme de l’enseignement les fasse passer à la trappe !
Nous vivons une e-poque formidable !
(1)  Pourquoi la Grèce ?
(2)  La Grèce contre la violence

Mort de Moussa: Quand les réseaux sociaux donnent envie de gerber.

Le tweet d’Omar Sy
Ainsi, Moussa, un ado de 14 ans est mort il y a deux jours à Trappes. Une balle. Sans doute perdue. Qui l’a tué sur le coup. Un de ses copains 16-17 ans a été blessé. Un balle dans la jambe.
14 ans-16 ans. Cette violence donne envie de pleurer.
Moussa était avec des amis au pied de son immeuble dans le square Albert-Camus.
Vous vous rendez compte Albert Camus ? Moi, je pense, à La Peste, à L’Etranger, au Mythe de Sisyphe, à Caligula, aux Juste, à l’Homme révolté, l’écrivain, le philosophe de l’absurde
Pas à cette mort absurde de Moussa dans le square Albert-Camus de Trappes.
Moussa est mort là. On ne sait trop pourquoi. Victime de règlements de comptes entre bandes? Quelles bandes ? En faisait-il partie ? Pourquoi lui ? Etait-il au mauvais endroit au mauvais moment ? Pourquoi y-a-t-il de mauvais moments dans le Square Albert-Camus à Trappes ?
Comment ne pas être atterré par cette vie en-devenir, fauchée par on ne sait quoi, on ne sait qui ?
On entend des témoignages: C’était un bon garçon. Un collégien sympa. Pas sage comme une image, mais un ado normal, plein de rêves, sans doute. Il aimait le foot, il s’engageait dans des assoc… Il n’était « pas connu des services de police » ; un ado comme des milliers d’autres ; sa famille ; ses proches ; ses copains ; ses enseignants ; personne à Trappes ne comprend.
A Trappes… Moussa aurait pu devenir un Omar Sy. Peut-être en rêvait-il ? Peut-être que la réussite de cet autre enfant de Trappes l’avait-il inspiré, l’avait fait rêvé… On ne le saura pas. On ne le saura plus.
Tout le monde y va de son commentaire. Notamment sur les réseaux sociaux, sur les forums. Et là on tombe comme souvent dans le dégueulasse, avec des commentaires qui donnent envie de gerber.
C’est génial internet, l’interactivité, les réseaux sociaux, ces forums, ces chats, Facebook, Twitter and co, où nous sommes instantanément connectés avec tout le monde, le monde entier, avec le meilleur mais aussi le pire. Et le pire, ce sont, malheureusement, ces minables, ces corbeaux, qui s’abritant derrière l’anonymat de pseudos genre : musclor94, boloss78, ou Charlesmartel2015, crachent leur(s) haine(s), derrière leur anonymat digital.
A propos de Moussa. « Et qu’est-ce qu’il faisait là : Guetteur ? dealer ? » . « Quand on a rien à se reprocher, on ne traîne pas dans la rue » ou encore « Mais qu’est-ce que faisaient ses parents ? ».
A gerber.
Le web produit le meilleur mais aussi le pire.
Heureusement, sur ces mêmes réseaux sociaux, il y a eu ces réactions de deux enfants de Trappes qui ont réussi : le rappeur Laouni Mouhid alias La Fouine, et Omar Sy,peut-être depuis Los Angeles. Tous les deux atterrés, exprimant leur tristesse. Et ça, ça donne de l’espoir dans ce monde de merde.
Parce qu’on n’a pas le droit de mourir à 14 ans d’une rafale d’automatique dans le Square Albert-Camus à Trappes, Yvelines, France.
Tiens, on vient d’apprendre qu’il ya quelques jours, la plaque à la mémoire de Ilan Halimy avait été profanée, à Bagneux, là où il avait été enlevé, torturé, assassiné…
A gerber.
Nous vivons une e-poque formidable.

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