En regardant la carte de France des résultats des élections européennes, une seule couleur ressort partout, le marron ou le gris, selon les publications,… bref celle de la liste du RN. 

Y compris en Outre-Mer… 

Marron la Guadeloupe, terre pourtant de militants indépendantistes d’extrême gauche, luttant contre la « profitasyon », marron la Martinique, pays natal de l’immense Aimé Césaire, jusqu’à Saint-Pierre et Miquelon.

Et là on se dit qu’on a dû rater quelque chose : On ne se doutait pas que cet archipel au large du Canada, plutôt assailli par la neige et le brouillard, était aussi submergé par l’immigration et l’insécurité. Peut-être la vie chère ?

En Amérique du Sud, la Guyane ne fait pas exception. Même à Sinnamary, la commune de Christiane Taubira, où la liste de Jordan Bardella arrive en tête. 

Toute la Guyane ? non. 

En regardant bien, il y a une tache bleue, là tout en bas dans le sud-est, le long de l’Oyapock, frontière – de l’Europe – avec le Brésil. Camopi.

François-Xavier Bellamy doit y réaliser son meilleur de score national, avec plus de 27 % des voix, suivi par Manon Aubry, 25 % ; Jordan Bardella est loin derrière avec à peine 12 %. 

Que se passe-t-il donc à Camopi ? 

Précisons que si la commune est immense – presque la taille d’un département, mais en Guyane tout est immense, la nature, les fleuves – il n’y a que 2140 habitants et 158 votants, le taux de participation n’a été que de 14,15 %.

On est ici dans un village indien, Wayampis et Tekos, qui fait partie du Parc amazonien de Guyane, le plus grand parc naturel français. 

Pourtant l’immigration, et l’immigration illégale, à Camopi on connaît. La commune est submergée par les « garimperos », les orpailleurs clandestins venus du Brésil. Ils profitent de la difficulté de garder plus de 500 kilomètres de frontières – mais que veut dire frontière au milieu de la forêt ? –  pour venir en Guyane exploiter l’or. Avec des méthodes terriblement écocides, déforestation, pollution de tous les cours d’eau au mercure, ce qui affecte toute la chaîne alimentaire. Et ils importent une violence extrême, celle de l’Amapa, l’état le plus pauvre du Brésil. 

Gendarmerie nationale, et Légion étrangère y ont été déployées. Mais malgré les opérations « Anaconda » ou « Harpie », les affrontements sont presque quotidiens, avec des morts, même parmi les gendarmes. 

Pour en savoir un peu plus sur les Wayampis et Camopi et sa région, lire les travaux de Françoise et Pierre Grenand, deux scientifiques qui y ont vécu près de 20 ans avec leurs enfants. 

Le vote de Camopi s’explique peut-être l’effet « flamme olympique ». Notre actualité politique nationale a en effet éclipsé la remontée de la flamme sur les fleuves de Guyane. A Camopi, c’est en pirogue et portée par un indien en kalembé rouge – c’est un pléonasme kalembé rouge – que la flamme a parcouru la forêt. Le comité #Paris2024 avait fait une exception en n’imposant pas au porteur amérindien la combinaison unisexe et de couleur blanche, qui reconnaissons-le, est peut-être plus adaptée aux quais de la Seine qu’à la forêt amazonienne. 

En tout cas, les images de cette flamme navigant sur l’Oyapock étaient superbes, rappelant peut-être pour les cinéphiles, les films de Werner Herzog : Fitzcarraldo ou Aguirre. 

Et c’est peut-être un peu de l’esprit olympique, « symbolisant la paix, l’unité et la fraternité entre les peuples” qui a inspiré les électeurs de Camopi.