Rosalia – Aya Nakamura.

Voilà deux chanteuses qui explosent sur la scène mondiale. 

Même génération, même mises en scènes vidéo, même goût pour piocher dans les rythmes dansants, salsa, reggaeton pour l’une, zouk, afro trap pour l’autre, et rap pour les 2. 

Et puis même actualité. 

Rosalia vient de terminer une tournée mondiale triomphale où les plus grandes stars américaines se sont bousculées pour des duos avec elle. Et elle vient de mettre le feu au dernier défilé Louis Vuitton à Paris. 

Aya Nakamura vient tout juste de sortir son dernier album DNK, qui s’annonce comme un énorme succès. La presse française applaudit déjà les centaines de millions d’écoute à venir. Et s’extasie quand, il y a quelques mois, en tournée à Paris, l’excellente Alicia Keyes invite Aya sur scène pour interpréter ensemble son tube Djadja.  

Mais la comparaison s’arrête là. 

D’abord parce que Rosalia danse, chante. Et elle a une vraie voix. 

C’est sans doute la même chose chez Aya, sauf que dans son dernier album DNK, il est difficile de s’en rendre compte

En effet, elle y use et abuse du vocoder et de l’autotune, qui sont un peu à la vraie voix, ce qu’un godemichet est à un vrai sexe. Il masque le manque de souffle, pallie les défauts, mais manque totalement de sensibilité.

Petit point culture technique :

Le vocodeur est un instrument inventé il y a un demi-siècle, pour réduire le « poids » des transmissions téléphoniques. C’est lui qui donne ces voix de robots que nous entendons partout. 

L’autotune est un logiciel informatique censé corriger les fausses notes. Mais détourné de son usage, il permet, j’exagère à peine, d’avoir la voix de Pavarotti ou de Whitney Houston (enfin presque).

De Booba à PNL, de nombreux artistes ne peuvent plus s’en passer. Ça donne ces voix métalliques, aseptisées, se ressemblant toutes.

Pas de ça ou presque chez Rosalia (prononcez Ro-sa-li-a). 

26 ans, un talent fou, elle est à la fois très espagnole et totalement latine. 

Après des études de musique en Catalogne, où elle est née, elle est allée apprendre le flamenco à Séville, puis a absorbé tous les rythmes venus de l’Amérique hispanophone, Cuba, Colombie, Porto-Rico. Elle passe d’un univers à l’autre avec une incroyable facilité, mais sans jamais abandonner son hispanité. Ses clips vidéo ne la mettent pas en scène, gros nichons et gros bonda gonflés par des prothèses, twerkant pour des machos bodybuildés, chaînes en or et bagouzes aux doigts qui lui susurrent « you’re my bitch ». 

Non, Rosalia se met en scène dans une station essence d’une banlieue espagnole, ou sur une plage avec des vacanciers Monsieur tout le monde.

Bien sûr elle peut-être aussi femme fatale (comme dans La fama) ou totalement déjantée comme dans le show Louis Vuitton avec Saoko ou quand elle interprète des bulerias(typiquement flamencas) tout en cuir, minijupe et bottes montantes.

Elle a percé dans toute l’Amérique Latine. Mais aussi, aux États-Unis. 

Et c’est ce qui fait la différence entre les artistes hispanophones et francophones. Ils sont chez eux aux États-Unis où l’espagnol est devenu la seconde langue. L’île de Porto-Rico leur sert souvent de porte d’entrée, et d’accès aux majors américaines. 

Cela se vérifie dans de nombreux domaines. Ainsi Penelope Cruz ou Antonio Banderas font des carrières américaines qu’aucune actrice française, même Marion Cotillard, ou français, même le formidable Omar Sy, ne font. 

Revenons à Aya Nakamura « l’artiste française la plus écoutée » dans le monde. La plupart de ses chansons sont en fait des histoires d’amour qui finissent mal en général ; On est loin des Rita Mitsouko. Tout est très fleur bleue, très mièvre. 

Ce qui est rassurant finalement : Les générations passent mais les ados d’aujourd’hui sont comme ceux d’hier, ils rêvent d’amour.

Côté rimes, avec des refrains comme dans « J’ai mal » : « Mon cœur crie à l’aide, c’est pour ça que je t’appelle / Offre-moi ta main, elle me servira d’attelle », on est loin de MC Solaar. 

Côté fond, on est loin de Rosalia qui dans « La Fama » chante : « La célébrité est un mauvais amant et elle ne t’aimera pas vraiment.

C’est trop traître et comme elle vient, elle s’en va ».

Avec Aya, pas de prise de tête.

Et au moment où, entre autres horreurs, l’on tire sur une synagogue en plein shabbat, et où aux États-Unis, un noir se fait battre à mort par des policiers alors qu’il appelle sa mère à l’aide et hurle « mother, mother », ce n’est peut-être pas plus mal.