Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : suisse

Démocratie : Mais pourquoi se limiter à deux référendums ?

Depuis les nazis, les allemands savent que tout référendum n’est pas forcément un signe de démocratie
C’est bien connu notre démocratie est en crise, notre classe politique déconnectée des réalités. Il est temps de redonner la parole au peuple, au vrai peuple. Il est temps d’étendre le domaine du référendum, qui est le summum, le nec plus ultra de la démocratie. Et puis ce qui est bien avec le référendum, c’est que la réponse est toujours oui ou non. C’est très web, très digital, très Facebook, Veux-tu être mon ami ? Oui, Non, 0-1. C’est dingue au XXI ème notre société est devenue binaire, ce qui en matière de pensée, de réflexion est un peu primaire, non ?
Une première consultation donc, sur les fichés S. Faut-il tous les enfermer ? Oui ou non ? On pourrait même consulter les guyanais, pour la construction d’un nouveau bagne, et si c’est non, on les met au Kerguelen, il n’y a que des manchots, ils ne pourront pas voter non.
Et on continue. Expulser tous les salafistes, oui ou non ? Et pourquoi s’arrêter en chemin ? Pourquoi ne pas poser la vraie question qui taraude les vraies gens ? L’Islam est-elle soluble dans notre République ? On sait que Zemmour répond non, d’où la question référendum: Faut-il expulser tous les musulmans intégristes ? Puis par glissements progressifs: Tous musulmans pratiquants, puis tous les arabes ? Et puis ensuite: Les noirs. Enfin, pas tous, on garderait ceux de la Compagnie créole, ou Babette de Rozières, la cuisinière, eux ils sont sympathiques et ils nous font zouker.
Allez la parole au peuple qui avait dit non à la Constitution européenne, et dont on a bafoué la volonté exprimée démocratiquement en lui imposant le Traité européen. Donc organisons un référendum: Etes-vous favorable au Frexit, à la sortie de la France de l’Europe, oui ou non ?
Allez, on continue: Ecoutez un peu ce que dit le vrai peuple et pas seulement les bobos parisiens. Faut-il rétablir la peine de mort pour les terroristes, oui ou non ? Est-ce que cela va faire peur à ceux qui se font exploser ? C’est pas grave on les reguillotinera. Et puis pour les crimes d’enfants: Si on tuait et violait votre fille/fils, est-ce que vous ne voudriez pas qu’on tue ces monstres ? Oui ou non ? Allez, oui. Et hop, on guillotine et on rejoint des pays où la peine de mort fait ses preuves: Comme la Chine, l’Iran, l’Arabie Saoudite ou … les Etats-Unis.
Oui bien sûr il y a les suisses, et leurs votations. Une démocratie directe aussi vieille que l’Union des 4 cantons, de Guillaume Tell, du développement de la Confédération qui suppose un système permanent d’équilibre et de concertation. Et-ce le summum de la démocratie ? Le recours au référendum explique que la Suisse est un des derniers pays d’Europe à avoir accordé le droit de vote aux femmes en 1971. Et que dans la canton d’Appenzell où l’on pratique une démocratie on ne peut plus directe, on réunit les habitants dans un champ du village et on les fait voter à main levée, les hommes ont refusé ce droit jusqu’à ce que le Tribunal Fédéral ne leur impose en 1991 ! C’est presqu’aussi bien qu’au Qatar ! Quant à la participation, nous qui nous plaignons avec nos 30 à 40 % d’abstentionnistes, en Suisse on frise souvent les 60 ou même 70 % d’abstentions : trop de votes tuent souvent le vote.
Quant aux allemands, les années 1933 les ont un peu vaccinés quant au caractère intrinsèquement démocratique du référendum. C’est tout à fait « démocratiquement » par référendum qu’Hitler a fait valider sa dictature, le rattachement de la Sarre, l’Anschluss avec l’Autriche, l’annexion des Sudètes.
Et puis si l’on réfléchit bien, la démocratie n’est-elle pas une délégation d’autorité ? Nous remettons notre autorité à des représentants qui sont chargés, pour une période limitée de prendre des décisions pour nous. On appelle cela des élections, et les délégués, des députés ou des Présidents. S’ils ne veulent plus prendre de décisions pour nous, alors qu’ils nous le disent vite, on en choisira d’autres.
Nous vison une e-poque formidable.

Tunnel du Saint-Gothard: Et pendant ce temps-là, en France, les vallées des Alpes s’asphyxient.

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Et pendant ce temps-là, en France, on s’interroge toujours sur l’opportunité de construire des tunnels
Oui, la taille ça compte. Mais pas seulement. Il y a aussi la manière de s’en servir.
Oui, il est question de transports. Mais pas de ceux qui conduisent au 7 ème ciel (quoique …). Il s’agit de transports routier, ferroviaire, de marchandises, de voyageurs, de ceux qui relient la Suisse à l’Italie, le nord de l’Europe au Sud de l’Europe.
Pendant qu’en France on débat encore de l’opportunité de mener à bien le Lyon – Turin (ah ! s’il s’agissait de relier Paris à… à n’importe où, ce serait déjà fait) à coup de manif d’écolos – il faut préserver la reinette du Val Duschmol, solidarité avec le Val d’Aoste transformée en autoroute transalpine – à coup de rapport de la Cour des Comptes (ça coûte trop cher) – et à coups d’intérêts particuliers – ah ! Si les voitures ne passent plus dans ma commune -, en Suisse on travaille, on construit et on inaugure.
Le Tunnel du Saint-Gothard inauguré le 1er juin est non seulement le plus long du monde. Il est surtout au cœur d’un système de transport de plusieurs centaines de kilomètres qui va avaler les voitures et les camions au nord du côté de Zurich pour les relâcher au sud du côté de Milan. La Suisse ne se transformera pas en autoroute pour camions transeuropéens et elle fera payer – cher – le transport par ferroutage à travers son territoire. Et ce sera tout bénef : car aux royalties payés aux Suisses s’ajouteront les économies: réseau routier moins dégradé par un trafic incessant de camions, environnement épargné par la pollution des gaz d’échappement.
Sur ce coup-là, les suisses ont vraiment tout bon. Non seulement, ils n’ont pas été lents, contrairement au cliché que nous colportons sur nos voisins, la construction a pris 17 ans, ce qui n’est pas énorme pour un tel ouvrage, le plus long du monde: 57 kilomètres, le plus profond du monde, mais ils nous mettent la honte : Le fameux Lyon-Turin est dans les tuyaux depuis 30 ou 40 ans et si tout va bien il sera achevé en 2030.
De plus la procédure a été un exemple de démocratie, avec référendum à la clef et budget transparent, contrôlé, respecté !  
 Ailleurs dans les Alpes, on s’active aussi : En Autriche, où des ensembles tunnel – ferroutage sont également en voie d’achèvement. Avec le Brenner (55 km) ou le Koralm (32 km), notamment. Partout le ferroutage est en marche. Chez nous, il est en panne.
Mais que font les zadistes et autres défenseurs de l’environnement ?  Ils devraient défendre les bronches des enfants de la vallée de Chamonix, une des zones les plus polluées de France à cause du trafic routier, ou celle du Fréjus, ou la route du Lautaret, qui est aujourd’hui d’ailleurs tellement dégradée qu’elle tombe dans le lac du Chambon. Et que fait, que font les gouvernements, plus que les sempiternelles déclarations d’intention des sommets franco-italiens ? D’ailleurs pour toute la vallée du Rhône , il aurait fallu être visionnaire et au lieu de laisser le Tunnel sous Fourvière en plein Lyon et l’autoroute du soleil se transformer en couloir à camion, imposer le ferroutage de Beaune au Nord, jusqu’a Avignon au Sud .
Délirant ? Oui, autant que les Suisses ou les Autrichiens.
Nous vivons une e-poque formidable.

Sprechen Sie deutsch ? Don’t make me laugh.

C’est un peu le bordel à l’Education nationale. On ne sait plus très  bien si on va pouvoir apprendre une, deux, trois, beaucoup, à la folie , pas du tout de langues « étrangères » à l’école.
C’est dingue en 2016… d’en être là. Ne parlons pas de l’anglais. N’en déplaise à ceux qui confondent défense et amour de la langue française avec un éventuel retour à l’époque de Louis XIV – Oh ! On se réveille, la langue française n’est plusla langue universelle du Siècle des Lumières, Coca, Disney, Mc Do et Apple sont passés par là ( LOL !) – l’apprentissage de l’anglais n’est même pas une option. Ce devrait être une obligation, de la même manière que l’on apprend à lire et à compter. Parce que même aux fins fonds du Vietnam, de l’Amazonie, ou du Nigeria, le seul moyen de se faire comprendre quand on ne parle pas les langues vernaculaires, c’est l’anglais. Attention, pas l’anglais de Shakespeare – ça, c’est maîtriser une culture, dont l’apprentissage prend du temps – non l’anglais international, celui qui vous permet de dire partout : « You’re my friend »  et « Are you talking to me ? », en passant par « burger », « milkshake », «  tweet » ou « reboot ».
Cet anglais de base, nous devrions tous le maîtriser pour pouvoir justement mieux défendre nos couleurs. Il est assez consternant de s’extasier parce qu’Emmanuel Macron parle anglais – pas mal, moins bien quand même que Christine Lagarde. Cela n’est que normal. Ce qui est incompréhensible est que le reste de nos élites parlent si mal l’anglais alors qu’elles sont supposées avoir fait de « hautes » études comme l’on dit.
L’apprentissage des langues étrangères commence donc après la question de l’anglais, mais c’est un vrai enjeu. Car nous apprenons de moins en moins les langues de nos voisins, sans parler celles des plus grands pays de la planète. Aujourd’hui beaucoup sont obligés de passer par l’anglais pour échanger avec des amis espagnols ou italiens.
Quant à la langue allemande, c’est la chute libre, victime d’un double désamour. D’abord parce réputée difficile, elle a été longtemps liée à la sélection pour l’entrée dans les meilleures classes. Et puis encore et toujours, quand on évoque les beautés de la culture et de la langue allemandes, on vous renvoie tout de suite : « Schnell, raus, Gestapo », en se tapant sur les cuisses et mimant un bavarois à la fête de la bière. Rauque, gutturale, pas belle, la langue allemande ?  Et comment expliquez vous Mozart et Schubert, les poésies de Goethe, les nouvelles de Stefan Zweig ou de Kafka, les pièces de Dürrenmatt ?
Quel paradoxe : Alors que nos destins n’ont jamais été autant liés, les allemands nous sont de plus en plus étrangers. Tiens une devinette: Quel est l’un des plus grands écrivains vivant de langue allemande, Prix Nobel de littérature en 2004 ? Elfriede Jelinek, et elle est autrichienne. Parce que l’allemand n’est pas seulement la langue de l’Allemagne, c’est aussi la langue maternelle la plus parlée d’Europe. L’anglais ? Non, même en ajoutant l’Irlande, et le Royaume Uni, on est loin derrière des quelques 100 millions de germanophones.
Mais il ne s’agirait pas de s’arrêter à la seule langue allemande. Plus on apprend de langues, plus le cerveau en apprend facilement de nouvelles. Ce sont non seulement des outils de communication, mais aussi des instruments de gymnastique intellectuelle (ah ! la construction des phrases allemandes ou du vocabulaire !). Elles permettent une ouverture sur d’autres visions du monde, d’autres mythes, d’autres histoires. Elles donnent enfin un atout formidable dans la compétition internationale. Quelle dommage que nous ayions raté le développement de l’apprentissage de l’arabe ou du chinois, non pas réservé aux communautés originaires de pays arabophone, mais comme parcours d’excellence. Cela nous permettrait peut-être de remporter plus de marchés à l’international !
L’enjeu de l’apprentissage des langues étrangères dans notre système scolaire, va donc bien plus loin que le seul fait de pouvoir commander ses burgers dans un fast-food. C’est un symptôme des blocages de notre pays pour entrer vraiment dans son siècle.
Nous vivons une e-poque formidable.

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