Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

Catégorie : tunisie

Coupe d’Afrique des nations : Pas sur TF1 mais dans les rues !

Evidemment, il a fallu que des excités gâchent la fête !
Passons sur les « incidents », ou plutôt non, arrêtons-nous sur les violences qui ont terni les manifestations de joie des supporters après la qualification des équipes d’Algérie (et de Tunisie …) pour les demi-finales de la CAN, qui se déroule actuellement en Égypte. 
A Montpellier, une femme tuée par une voiture conduite par un connard qui croyait que manifester sa joie passait par rouler à toute berzingue au volant de sa voiture ; à Paris, pillages sur les Champs-Élysées ; comme d’habitude a-t-on envie de dire. 
Évidemment, cela ne fera que renforcer les préjugés – pas toujours exprimés à voix haute – sur « ces arabes qui envahissent nos rues, vandalisent des magasins ». Ce qui est très injuste, car les années et mois derniers ont démontré qu’en ce domaine, c’est un mal bien français. Plus aucune manifestation populaire ne se déroule sans violence. Comment fait-on pour pacifier les relations entre habitants de ce pays ? Rétablir un semblant de respect pour le bien d’autrui, le bien collectif ? Ne pas saccager les vélos, les trottinettes, casser les radars sur les routes, etc, etc… 
Passons également sur ces manifestations peut-être exagérées de fierté nationale pour des supporters qui très souvent n’ont que des liens très distendus avec le pays de leurs ancêtres. 
Sinon, tout cela était sympathique comme l’est la passion de français d’origine portugaise pour Ronaldo, ou d’origine espagnole pour le Real (ou le Barça). 
Et l’on ne peut que regretter que la CAN n’ait pas été retransmise sur des chaînes très grand public comme TF1. Quelques jours après les succès d’audience du mondial féminin, gageons que ces rencontres qui opposent des joueurs dont beaucoup évoluent dans nos clubs auraient également passionné les foules. 
Et pas uniquement dans les cafés et bars de Barbès.

Tunis, nid de terroristes ?

Sous les plages désertées, les terroristes ?
Mais qu’est-ce que nous avons raté avec la Tunisie ? Souvenez-vous: C’était il n’y a pas si longtemps. La Tunisie était LE pays sympa de la Méditerranée, LE pays modèle du Maghreb, du monde arabe.
Bien sûr il y avait la dictature: Ben Ali, « premier flic » de Tunisie, devenu Président à vie. Bien sûr, il y avait bien eu cet attentat contre la synagogue de la Ghribha à Djerba en 2002.
Bien sûr… Mais malgré tout, tout le monde vantait les qualités de la société tunisienne, sa tolérance, son ouverture, comme une exception vertueuse.
Et on l’avançait des tas d’explications: L’hospitalité ? Une tradition depuis 2000 ans, depuis Carthage, Kairouan, la situation géographique du pays, comme une passerelle jetée en direction de la Sicile, Tunis cosmopolite ouverte aux communautés italiennes ou juives, les vertus de la Constitution voulue par Bourguiba, le père de l’indépendance tunisienne, avec un statut des femmes proche de celui existant dans les pays occidentaux, l’accent mis sur scolarisation. Et cela faisait plaisir de voir ces ribambelles d’enfants, sur les routes même dans les campagnes les plus pauvres, se rendre à l’école tôt le matin, en uniforme. On vantait les résultats d’une scolarisation de qualité en deux langues, qui donnaient l’impression que beaucoup de tunisiens étaient à l’aise entre deux cultures, maîtrisant aussi bien l’arabe classique que le français.
Aujourd’hui la Tunisie est pointée du doigt comme LE pays pourvoyeur d’islamistes fanatiques. Il y aurait plus de 7000 tunisiens partis se battre avec Daesh, le plus fort contingent. Sans compter, le suspect de l’attentat de Berlin. Et de la même  manière qu’il y a quelques années on expliquait la tolérance de la société tunisienne, aujourd’hui on en souligne les fragilités. En vrac: Les inégalités, les frustrations d’une jeunesse au chômage, l’accouchement difficile de la démocratie qui a commencé par libérer tous les islamistes, parce qu’ils étaient présentés au début comme des victimes de la dictature, 500 kilomètres de frontières incontrolables avec la Libye.
Certes, mais ne restent-ils vraiment rien de la Tunisie d’avant ? Où sont passés ces millions de tunisiens des classes moyennes, ces femmes qui se veulent libres et égales et non pas enfermées sous une burkha ? Si l’on tend bien l’oreille, ils et elles se battent tous les jours pour éviter que leur nouvelle Constitution ne bascule du côté de l’intégrisme, ils et elles se battent tous les jours pour défendre une presse libre, pour essayer de relancer les hôtels, les commerces, les usines. Il y aurait une légère reprise du tourisme, même si l’on est loin des 7 millions de touristes d’avant 2011. Aider la Tunisie à s’en sortir, ne serait-ce pas là que se gagnerait la lutte contre le terrorisme ?
Nous vivons une e-poque formidable.

La Gay Pride ne passera pas ni par Dakar, ni par Marrakech.

#LoveWins ? Au Maroc, l’homophobie marche toujours.
Au moment où à Washington, la Maison Blanche se pare du drapeau gay pour célébrer la légalisation du mariage pour tous, au Sénégal, un journaliste déjà poursuivi pour homosexualité, pardon pour « actes contre nature », vient d’être emprisonné pour « pédophilie ».
Au moment où à Paris se déroule la Gay Pride, au Maroc, l’homosexualité est toujours punie de 3 ans de prison, c’est article 489 du code pénal.
3 homosexuels ont d’ailleurs été condamnés à de la prison en mai dernier. Certains aimeraient une évolution, un rapport du Ministère de la Santé recommanderait même la dépénalisation, pour raisons “sanitaires”, pour mieux lutter contre le SIDA. Mais c’est une position très minoritaire. Un hebdomadaire vient même de faire sa couverture avec ce titre : « Faut-il brûler les homos ? ». Et un sondage indique que 80 % des marocains ne sont pas favorables à la tolérance envers l’homosexualité.
Aucun pays musulman n’autorise le mariage homosexuel. Au contraire, les sanctions peuvent être très lourdes, parfois même passible de la peine de mort. Prenez le Sénégal, un pays qui nous paraît sympathique, démocratique, tranquille, la montée de l’homophobie ouverte va de pair avec la montée de l’intégrisme religieux. Ainsi, et c’est un comble, Tariq Ramadan a même provoqué un tollé général, de toutes les autorités, religieuses comme civiles, après avoir déclaré, que si effectivement l’Islam comme les deux autres grandes religions monothéistes n’autorisait pas l’homosexualité, il fallait être tolérant, accepter qu’on puisse être musulman et homosexuel, et ne pas fermer la porte des mosquées aux homosexuels. Avant lui, c’est Barack Obama qui avait provoqué des réactions outrées en osant aborder ouvertement la question du droit des homosexuels au cours de sa visite officielle à Dakar.
Ce n’est d’ailleurs pas l’Islam seul qui est cause, mais bien l’utilisation par beaucoup de gouvernements de l’intolérance à l’égard de l’homosexualité pour distraire la population des vrais problèmes. En Afrique, un seul pays autorise le mariage homosexuel: L’Afrique du Sud. Ce qui ne veut pas dire que la vie des gays sud-africains soit un long fleuve tranquille. Jusqu’aux plus hautes autorités de l’Etat, on y considère souvent que l’homosexualité est une maladie de blancs, une pratique apportée par les occidentaux. C’est d’ailleurs souvent cet argument – L’homosexualité est une maladie de blancs – qui est utilisée par les dictatures en Ouganda, au Cameroun.
La dépénalisation de l’homosexualité, les droits des gays et des lesbiennes, sont-ils un marqueur de l’état des libertés dans un pays ? Sans doute, alors, dans ce cas, on mesure le fossé qui sépare le monde occidental, l’Europe, l’Amérique, une quarantaine de pays au maximum, du reste du monde, et notamment de l’Afrique et du Maghreb. Un fossé qui va en s’élargissant. 
Dans sa revendication de l’attentat en Tunisie, les djihadistes se félicitent d’attaques contre « les antres […] de fornication, de vice et d’apostasie » visant ainsi le développement du tourisme, avec son corollaire, le tourisme sexuel. 
Le #LoveWins twitté par Obama pour saluer la légalisation du mariage pour tous n’est pas encore prêt de faire des petits en Afrique ou en Asie.
Nous vivons une e-poque formidable.

#Tunisie : Aider, oui, mais comment ?

Evidemment aujourd’hui, #noussommestunisiens.
Voilà un pays, un peuple, si proche de nous, historiquement, culturellement, géographiquement : Un habitant de Marseille n’est-il pas  plus « cousin » d’un tunisien que d’un finlandais ou d’un letton ?
Voilà un pays qui n’a jamais emmerdé personne, jamais agressé ou envahi aucun de ses voisins, en tout cas depuis Hannibal !, un peuple de commerçants, qui a souvent accueilli des communautés venues de toutes les régions de la Méditerranée, un pays qui a fait de la tolérance une de ses traditions, qui a su concilier tradition et modernité, religion et laïcité, qui a su passer de la dictature à la démocratie en moins de 4 ans, et avec relativement peu de violences ;  un pays qui croit dans le développement, en l’éducation, et c’est plaisir quand même de voir partout dans les campagnes tous ces enfants partir le matin à l’école ;
Voilà un pays dont la saison touristique si essentielle pour son économie était en train de redémarrer, comme d’ailleurs les investissements dans des secteurs comme le textile, les télécommunications, les nouvelles technologies, et hier, ce bain de sang…
Alors, oui, on peut trouver toutes les explications: Plusieurs années de flottements qui n’ont pas favorisé la surveillance des réseaux terroristes, la difficulté de rester hors des menaces alors qu’en Libye notamment c’est le chaos total – Merci l’intervention occidentale qui comme pour les américains en Irak après Saddam, n’avait pas prévu le scénario d’après Kadhafi – , le nombre de jeunes tunisiens qui partent faire le Djihad – mais il y en a aussi beaucoup en Belgique ou en Grande-Bretagne, et puis chez nous il va bien s’en trouver quelques uns qui sur les réseaux sociaux ou dans un spectacle «humoristique», préfèrerons se sentir Coulibaly
Mais encore une fois, nous sommes tous, #jesuistunisien.
Et maintenant on fait quoi ? La diplomatie française ou européenne va condamner fermement, nous avons droit à quelques déclarations graves avec cravates assorties. Et puis ?  Et puis, rien.
Alors, en attendant une vraie politique de solidarité et d’aide à la Tunisie, qui ne viendra sans doute pas, essayons de voter avec nos pieds, en prenant malgré tout, malgré notre peur, le chemin de la Tunisie, de ses commerces, de ses entreprises et de ses hôtels. Cela au moins aidera les tunisiens, et serait la meilleure réponse à ce chaos que veulent créer les terroristes.
Nous vivons un e-poque formidable.

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