« Fermez les yeux c’est affreux c’est Lyon », c’était le cri d’Alphonse Daudet à ses enfants quand sur la route de la Provence, ils arrivaient à Lyon en chemin de fer. 

C’était un peu injuste. 

Mais aujourd’hui, rien n’a changé. Et c’est même pire. 

Arriver en gare de Lyon Part-Dieu est une expérience sans équivalent en France. 

Des passagers qui débarquent par TGV entiers, obligés de se croiser sur des quais non protégés ouverts à tous les vents ou toutes les chaleurs (oui, c’est vrai que dans la vallée du Rhône, il n’y a pas de vents -LOL-), pour s’engouffrer dans des boyaux d’escaliers ou d’escalators trop étroits, tentant ensuite de trouver leur voie ou la sortie dans des sous-sols oppressants. Mais qui a pu con-cevoir un tel instrument de torture ? 

Il ne s’agit que de la gare de la seconde ville – pardon : de la seconde métropole – de France, du point de rencontre et de croisement nord-sud et est-ouest le plus important d’Europe. 

Tout y a été pensé trop petit, trop étriqué. Ah ! c’est sûr, on se rend tout de suite compte qu’on n’est pas à Paris, qu’on est en province : on a fait à l’économie. Mais une économie qui coûte et coûtera chère, in fine. 

Car il faut sans cesse essayer d’agrandir, de moderniser. Ce sont les chantiers actuels. On détruit ce qui a été construit il y a 30 ans, on reconstruit mais tout en rajoutant une tour de 100 mètres collée à la gare, une tour qui ne ressemble à… à rien. 

Et ce n’est pas en rajoutant 2 quais de plus que le problème sera résolu, puisque le problème est la conception d’origine de la gare, sous-dimensionnée, dépassée. 

C’est d’autant plus écœurant, que la Part-Dieu était une chance unique. Construite à partir de rien, sur un terrain vierge, une caserne désaffectée située à la charnière entre Lyon et Villeurbanne. L’implantation était idéale, l’espace était là. Ensuite ?

Ensuite, désastre, parlez-moi du désastre, parlez-m’en.

Les édiles lyonnais et régionaux, les administrations, les équipes de la SNCF, sont entrés en jeu. Et non seulement ils ont décidé d’un projet sous-dimensionné, mais en plus, d’un bâtiment affreux, moche, sans aucun geste architectural.

Construire une belle gare, ou un bel édifice public, ne relève pas du caprice ou du luxe. On construit pour 100 ans, voire plus. Une grande gare doit non seulement être pratique avec des espaces généreux, mais parce qu’elle est la porte d’entrée, la première impression de tous les visiteurs, elle doit être « belle ». Elle doit concilier ingénierie, urbanisme et architecture. 

À la Part-Dieu rien de tout ça. La gare donne surtout envie… de repartir vite.

D’aller à Turin par exemple, où l’extension de la gare ancienne est une réussite, ou bien à Strasbourg qui a fait la même opération. Ou à Nantes où le nouvel espace de la gare signé Rudy Ricciotti offre transparence et vues spectaculaires sur la ville. 

Et puis cherchez l’erreur : à 20 kilomètres de la Part-Dieu, la gare TGV de l’aéroport de Lyon, est l’œuvre de l’architecte Santiago Calatrava, qui a signé là un de ses plus beaux bâtiments. Posé comme un papillon avec un toit en forme d’ailes, le bâtiment annonce la Ciutat de les arts de Valence ou l’Oculus, la spectaculaire gare du World Trade Center de New York. 

On nous promet que dans quelques années, abracadabra, les travaux actuels vont tout changer. Avec des espaces qui vont réinventer les traboules lyonnaises (?) et puis surtout collée à la gare, la tour To-Lyon, 170 mètres, la plus haute de la ville et qui ressemble à … un monolithe noir. 

Ça va être d’une gaieté folle et tout à fait raccord avec la tradition architecturale lyonnaise, qui empreinte le rose, l’ocre, le terre de Sienne, à l’Italie voisine.

Le pire c’est que finalement à Lyon, personne ne s’insurge. Comme si c’était une fatalité. Parce qu’on est en province ( ?)

Et l’on a envie de s’écrier avec Alphonse Daudet : Fermez les yeux, c’est affreux, c’est, non pas Lyon qui est une fort belle ville, mais Lyon Part-Dieu.