Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

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COCHON-NERIES ! Nous allons tous mourir…

1 – “Nous allons tous mourir” me dit gravement une amie alors que j’allais faire un sort à mon adouillette AAAAA, qui ne ne demandait que ça, dans mon assiette entre la portion de frites et la frisée. Du coup, mon couteau est resté en l’air.
Le “Nous allons tous mourir” concernait-il mon régime alimentaire, trop gras indubitablement pour mon interlocutrice qui , elle, avait commandé une salade “saveurs” ? Ou bien la qualité, plutôt l’absence de qualité de mon andouillette?
Mais non: Le “Nous allons tous mourir” faisait référence aux titres du journal posé sur la table voisine, où le virus avait détrôné la crise.
Il est vrai que nous allons tous mourir.
Mais certains plus et plus vite que d’autres! Sans doute, pour beaucoup d’entre nous, du cholestérol et non de la grippe mexicano-porco etc… Par “nous”, il faut entendre, nous, ici, dans les pays “riches”. Car pour des dizaines, des centaines de millions d’autres entassés dans ces immenses mégalopoles ingérables, invivables, véritables bouillons de cultures virales que ce sont Mexico, Saõ Paolo, Port-au-Prince, Le Caire, Lagos, Calcutta, Djakarta, Saigon etc… la mort et les maladies continueront à faucher, et ce nouveau virus ne sera qu’un parmi d’autres. On appelle ça comment ? La misère ?

2- En attendant la mort éventuelle, probable, avérée,par pandémie ou épidémie de grippe, relire “LES ANIMAUX DE LA FERME” de George ORWELL. Quand les cochons prennent le pouvoir et se mettent à ressembler aux Hommes (à moins que ce ne soit le contraire!), c’est la cata…et la grippe de type A contre laquelle, Benoît XVI était visionnaire, le préservatif ne pourra rien! Cochonne, cette grippe!

3- Ouf! maintenant que l’on sait que ce sont les hommes qui contaminent les porcs et non l’inverse (cf: Cet élevage de porcs au Canada qui “aurait” été contaminé par son éleveur-propriétaire qui avait été passer des vacances au Mexique ), on va pouvoir se remettre à manger saucisson, cervelas, andouillettes et autres cochon-eries…Du moins jusqu’à l’automne, puisqu’avec le retour du froid, on nous annonce le retour de la grippe: ça, c’est de l’info! Car “on” , ce sont, nous les journalistes qui attelés à la roue infernale de l’info 24h sur 24, devons produire des “scoops” et “exclus”à la chaîne. Il n’y a pas que les volailles ou les porcs qui soient élevés de manière industrielle, en batteries… Les infos aussi!

COCHON-NERIES ! Nous allons tous mourir…

1 – “Nous allons tous mourir” me dit gravement une amie alors que j’allais faire un sort à mon adouillette AAAAA, qui ne ne demandait que ça, dans mon assiette entre la portion de frites et la frisée. Du coup, mon couteau est resté en l’air.
Le “Nous allons tous mourir” concernait-il mon régime alimentaire, trop gras indubitablement pour mon interlocutrice qui , elle, avait commandé une salade “saveurs” ? Ou bien la qualité, plutôt l’absence de qualité de mon andouillette?
Mais non: Le “Nous allons tous mourir” faisait référence aux titres du journal posé sur la table voisine, où le virus avait détrôné la crise.
Il est vrai que nous allons tous mourir.
Mais certains plus et plus vite que d’autres! Sans doute, pour beaucoup d’entre nous, du cholestérol et non de la grippe mexicano-porco etc… Par “nous”, il faut entendre, nous, ici, dans les pays “riches”. Car pour des dizaines, des centaines de millions d’autres entassés dans ces immenses mégalopoles ingérables, invivables, véritables bouillons de cultures virales que ce sont Mexico, Saõ Paolo, Port-au-Prince, Le Caire, Lagos, Calcutta, Djakarta, Saigon etc… la mort et les maladies continueront à faucher, et ce nouveau virus ne sera qu’un parmi d’autres. On appelle ça comment ? La misère ?

2- En attendant la mort éventuelle, probable, avérée,par pandémie ou épidémie de grippe, relire “LES ANIMAUX DE LA FERME” de George ORWELL. Quand les cochons prennent le pouvoir et se mettent à ressembler aux Hommes (à moins que ce ne soit le contraire!), c’est la cata…et la grippe de type A contre laquelle, Benoît XVI était visionnaire, le préservatif ne pourra rien! Cochonne, cette grippe!

3- Ouf! maintenant que l’on sait que ce sont les hommes qui contaminent les porcs et non l’inverse (cf: Cet élevage de porcs au Canada qui “aurait” été contaminé par son éleveur-propriétaire qui avait été passer des vacances au Mexique ), on va pouvoir se remettre à manger saucisson, cervelas, andouillettes et autres cochon-eries…Du moins jusqu’à l’automne, puisqu’avec le retour du froid, on nous annonce le retour de la grippe: ça, c’est de l’info! Car “on” , ce sont, nous les journalistes qui attelés à la roue infernale de l’info 24h sur 24, devons produire des “scoops” et “exclus”à la chaîne. Il n’y a pas que les volailles ou les porcs qui soient élevés de manière industrielle, en batteries… Les infos aussi!

Rendez-nous nos plaques d’immatriculation !

Par Pierre Thivolet (publié dans le Progrès juin 2007)

« Ils » l’ont décidé sans nous consulter et pourtant c’est un peu de notre mémoire, de notre identité qui va disparaître, puisque les nouvelles plaques d’immatriculation abandonnent toute référence aux départements, ou presque.
Ainsi exit le 69, département érotique comme aurait pu chanter Gainsbourg, le 43, qui reliait la Haute-Loire à la Loire-Atlantique, 44.
Fini le 01, qui permettait à l’Ain d’être le premier de tous. Adieu les 9 – 3 et autre 9-4, revendiqués jusque dans leurs chansons par les jeunes de la région parisienne.
Au moment où l’on se plaint du manque d’esprit national, de l’ignorance croissante de notre géographie, de notre histoire, de nos institutions, de notre perte de repères dans un monde voué à la mondialisation,« ils » viennent d’un trait de plume de sacrifier un instrument pédagogique formidable.
Car nos plaques d’immatriculation avec leurs numéros de département, ce sont les grandes réformes administratives de la Révolution sur quatre roues, ce sont des leçons de géographie au milieu des embouteillages, ce sont deux siècles d’Histoire de France. Avec le 90 curieusement attribué au Territoire de Belfort, séparé de l’Alsace ( 67 et 68) après la défaite de 1870. Avec les 91 jusqu’à 95, numéros des anciens départements d’Algérie, réaffectés aux nouveaux départements créés autour de Paris ( 75, pour Seine bien sûr) au début des années 60.
« Ils » nous disent que ce sera plus « sûr », plus « moderne », plus « européen, l’Europe ayant bon dos , surtout ces derniers temps. Que nenni : En Autriche par exemple, en 1990, sous la pression notamment des intellectuels et des artistes, les nouvelles plaques minéralogiques ont au contraire introduit la référence à la province (W pour Wien, Vienne) sous forme de lettres et d’un blason.
Dommage. Dommage qu’ “ils » – c’est-à-dire nos dirigeants, nos députés, nos élites – n’aient pas songé à nous poser cette question dans un référendum. Et là, le texte n’aurait pas fait 300 pages, comme dans le dernier cas -malheureux- du dernier référendum sur l’Europe !

Rendez-nous nos plaques d’immatriculation !

Par Pierre Thivolet (publié dans le Progrès juin 2007)

« Ils » l’ont décidé sans nous consulter et pourtant c’est un peu de notre mémoire, de notre identité qui va disparaître, puisque les nouvelles plaques d’immatriculation abandonnent toute référence aux départements, ou presque.
Ainsi exit le 69, département érotique comme aurait pu chanter Gainsbourg, le 43, qui reliait la Haute-Loire à la Loire-Atlantique, 44.
Fini le 01, qui permettait à l’Ain d’être le premier de tous. Adieu les 9 – 3 et autre 9-4, revendiqués jusque dans leurs chansons par les jeunes de la région parisienne.
Au moment où l’on se plaint du manque d’esprit national, de l’ignorance croissante de notre géographie, de notre histoire, de nos institutions, de notre perte de repères dans un monde voué à la mondialisation,« ils » viennent d’un trait de plume de sacrifier un instrument pédagogique formidable.
Car nos plaques d’immatriculation avec leurs numéros de département, ce sont les grandes réformes administratives de la Révolution sur quatre roues, ce sont des leçons de géographie au milieu des embouteillages, ce sont deux siècles d’Histoire de France. Avec le 90 curieusement attribué au Territoire de Belfort, séparé de l’Alsace ( 67 et 68) après la défaite de 1870. Avec les 91 jusqu’à 95, numéros des anciens départements d’Algérie, réaffectés aux nouveaux départements créés autour de Paris ( 75, pour Seine bien sûr) au début des années 60.
« Ils » nous disent que ce sera plus « sûr », plus « moderne », plus « européen, l’Europe ayant bon dos , surtout ces derniers temps. Que nenni : En Autriche par exemple, en 1990, sous la pression notamment des intellectuels et des artistes, les nouvelles plaques minéralogiques ont au contraire introduit la référence à la province (W pour Wien, Vienne) sous forme de lettres et d’un blason.
Dommage. Dommage qu’ “ils » – c’est-à-dire nos dirigeants, nos députés, nos élites – n’aient pas songé à nous poser cette question dans un référendum. Et là, le texte n’aurait pas fait 300 pages, comme dans le dernier cas -malheureux- du dernier référendum sur l’Europe !

Tout changer pour que rien ne change ?

La nécessaire plus grande « visibilité » des minorités est-elle un moyen de promotion suffisant ?

Il y a presque trois ans, le microcosme s’agitait autour de l’arrivée d’Harry Roselmack, journaliste de qualité par ailleurs, pour présenter le premier journal télévisé de France, pendant les vacances du titulaire de l’époque, Patrick Poivre d’Arvor.
Pour les uns, cette nomination allait servir la promotion des minorités « visibles ». D’autres n’hésitaient pas à y voir une brèche d’un « jeune » dans la « surreprésentation des quinquas, sexas, voire septuagénaires» (**) ; Les prémisses d’une révolution en quelque sorte !
« On ne change pas une société par décret » remarquait déjà le sociologue Michel Crozier. Le peut-on par la seule « visibilité » ? On peut même craindre que dans cette sorte de théâtre que sont les médias, le changement de « marionnettes » n’entraîne pas le renouvellement de ceux qui tirent les ficelles.
En 1998, Rachid Ahrab accédait à la présentation du 13 heures de France2. Cet « évènement » a-t-il fait progresser la promotion des français d’origine maghrébine, victimes dans notre société, de préjugés encore plus violents que ceux à l’égard des français « de couleur » ?
L’exemple des femmes a également de quoi rendre prudent. Non pas une minorité, mais une majorité, et pour lesquelles ont été votées des lois sur l’égalité des chances, avec les résultats encore limités que l’on sait en politique. Si les femmes sont incontestablement plus nombreuses aujourd’hui dans les médias, combien ont accédé aux vrais postes de pouvoir, plus de 25 ans après que Christine Ockrent ne devienne la première femme à présenter un journal télévisé, le 20 heures d’Antenne2 ? Les Christine Ockrent (France24) ou Arlette Chabot (France 2) ne sont pas plus nombreuses qu’autrefois, dans des années considérées à juste titre comme machistes, mais où dirigeaient des Françoise Giroud ou Jacqueline Baudrier. Et les médias sont à l’image du reste de notre société, dans les conseils d’administration des entreprises, dans la très haute fonction publique, dans les postes de direction de l’enseignement. En médecine par exemple où dans certaines disciplines les femmes représentent la majorité des effectifs, elles restent pratiquement exclues des postes de chefs de service ou de directeurs de recherche.
Les « jeunes » bloqués par les « seniors »?
Certes, nous sommes un des pays d’Europe où le chômage des jeunes est le plus élevé. Mais s’agit-il d’un simple jeu de chaises musicales où les places ne seraient pas libérées par les « quinquas, sexas, septuagénaires »? Car notre pays est aussi le pays d’Europe où le chômage des plus de 50 ans est le plus élevé, et alors, combien de compétences, d’expériences non transmises !
La télévision n’a-t-elle pas perdu beaucoup en mettant à la retraite d’Antenne2 en 1984, avec une loi de circonstance, Pierre Desgraupes âgé alors de 65 ans ? Et qu’ont gagné l’Institut Pasteur et la recherche française en remerciant Luc Montagnier, le «co-découvreur »du virus du SIDA, qui fût « récupéré », quel symbole, par les centres de recherche américains?
Dans le domaine des médias, nous citons souvent les pays anglo-saxons en exemple. Il y serait accordé une place plus importante que chez nous aux minorités « visibles ». Qu’en est-il alors du rapport jeunes/ seniors ?
Aux Etats-Unis, ou en Grande-Bretagne, la quasi-totalité des présentateurs de télévision sont quinquas, sexas, voire plus.
L’antillais Trevor Mc Donald, sur ITN : 66 ans. Larry King sur CNN : 72 ans. Rien d’étonnant : Tous, avant de devenir « présentateurs », avaient travaillé comme reporters de terrain pendant des dizaines d’années. La présentation d’un journal télévisé s’appuie non seulement sur une présence physique mais aussi sur une connaissance du métier que seul les années peuvent donner.
L’effet « StarAcadémie » voudrait nous faire croire que nous avons tous, quelque soient nos origines, notre chance, et que les « djeunes » sont tous des Mozart qu’on assassine. Le « jeunisme » promu justement par des dirigeants de médias qui ont largement dépassé l’âge de la retraite veut nous faire oublier ce qu’apportent dans toutes les activités, y compris le journalisme, le travail et l’expérience. Pour nous faire recoudre une main ou un visage arrachés, préfèrerions-nous un chirurgien talentueux mais débutant à celui ayant pratiqué des centaines d’interventions ?
La question n’est donc peut-être pas seulement « Faut-il rendre plus visibles les jeunes, les noirs, les arabes, les femmes », mais peut-être plus, comme le remarquait Rama Yade, quelques jours avant d’être elle-même nommée secrétaire d’Etat, « Pourquoi notre pays ne permet plus aujourd’hui l’ascension des meilleurs de ses enfants quelques soient leur origine, leur couleur, leur religion? »
Il y a 120 ans,déjà, alors que l’esclavage était toujours en vigueur au Brésil ou à Cuba, un noir de Guadeloupe, Camille Mortenol, était reçu à l’Ecole Polytechnique, bien avant d’ailleurs que les femmes n’y soient admises (1972). Il y a plus de 50 ans, alors qu’aux Etats-Unis sévissait encore la ségrégation dans les universités ou les transports en commun, un « homme de couleur », originaire de Guyane, Gaston Monnerville était élu sénateur d’une circonscription de la « France profonde », le Lot, et accédait à la Présidence du Sénat qu’il conserva pendant vingt ans,. Sans oublier les Aimé Césaire, normalien, Blaise Diagne, ministre, Félix Eboué, gouverneur général, premier noir à être inhumé au Panthéon en 1950.
De multiples exemples d’un système de parcours au mérite qui faisait la fierté de la III° République: L’instituteur du village repérait l’élève doué, les bourses et les concours permettaient y compris aux plus modestes d’accéder à l’excellence, ce qui, même s’ils restaient des cas exceptionnels, marquait les esprits, servait de modèle aux familles jusqu’aux fins fonds des campagnes.
Ce système adapté à une France rurale et beaucoup moins parisienne qu’aujourd’hui, a disparu. L’éventail des voies d’accès au pouvoir, au vrai pouvoir s’est considérablement refermé pour se résumer à cette caricature : Un grand lycée, si possible parisien, puis Science-Po, suivi en touche finale par l’ENA.
En focalisant le débat autour de la seule représentation des « minorités » visibles ou des jeunes, la télévision occulte les vraies questions: L’ascenseur social en panne, notamment dans notre système d’éducation, la formation « endogamique » de nos élites, l’accès, bloqué, au pouvoir, aux pouvoirs.
Au lieu d’opposer les noirs aux blonds, les jeunes aux seniors, les femmes aux hommes, c’est bien la combinaison de l’ensemble des talents de notre société qui nous permettra d’avancer, et non pas un système qui accumule les exclus, au profit d’un tout petit, tout petit cercle qui comme le héros du roman sicilien« Le Guépard » pense : « Tout changer pour que rien ne change » !

Pierre Thivolet

** « Harry Roselmack n’est pas noir, il est jeune » de Hakim El-Karoui et Jean-Pascal Picy, maîtres de conférence à Sciences-Po, Le Figaro du 24 juillet 2006

Tout changer pour que rien ne change ?

La nécessaire plus grande « visibilité » des minorités est-elle un moyen de promotion suffisant ?

Il y a presque trois ans, le microcosme s’agitait autour de l’arrivée d’Harry Roselmack, journaliste de qualité par ailleurs, pour présenter le premier journal télévisé de France, pendant les vacances du titulaire de l’époque, Patrick Poivre d’Arvor.
Pour les uns, cette nomination allait servir la promotion des minorités « visibles ». D’autres n’hésitaient pas à y voir une brèche d’un « jeune » dans la « surreprésentation des quinquas, sexas, voire septuagénaires» (**) ; Les prémisses d’une révolution en quelque sorte !
« On ne change pas une société par décret » remarquait déjà le sociologue Michel Crozier. Le peut-on par la seule « visibilité » ? On peut même craindre que dans cette sorte de théâtre que sont les médias, le changement de « marionnettes » n’entraîne pas le renouvellement de ceux qui tirent les ficelles.
En 1998, Rachid Ahrab accédait à la présentation du 13 heures de France2. Cet « évènement » a-t-il fait progresser la promotion des français d’origine maghrébine, victimes dans notre société, de préjugés encore plus violents que ceux à l’égard des français « de couleur » ?
L’exemple des femmes a également de quoi rendre prudent. Non pas une minorité, mais une majorité, et pour lesquelles ont été votées des lois sur l’égalité des chances, avec les résultats encore limités que l’on sait en politique. Si les femmes sont incontestablement plus nombreuses aujourd’hui dans les médias, combien ont accédé aux vrais postes de pouvoir, plus de 25 ans après que Christine Ockrent ne devienne la première femme à présenter un journal télévisé, le 20 heures d’Antenne2 ? Les Christine Ockrent (France24) ou Arlette Chabot (France 2) ne sont pas plus nombreuses qu’autrefois, dans des années considérées à juste titre comme machistes, mais où dirigeaient des Françoise Giroud ou Jacqueline Baudrier. Et les médias sont à l’image du reste de notre société, dans les conseils d’administration des entreprises, dans la très haute fonction publique, dans les postes de direction de l’enseignement. En médecine par exemple où dans certaines disciplines les femmes représentent la majorité des effectifs, elles restent pratiquement exclues des postes de chefs de service ou de directeurs de recherche.
Les « jeunes » bloqués par les « seniors »?
Certes, nous sommes un des pays d’Europe où le chômage des jeunes est le plus élevé. Mais s’agit-il d’un simple jeu de chaises musicales où les places ne seraient pas libérées par les « quinquas, sexas, septuagénaires »? Car notre pays est aussi le pays d’Europe où le chômage des plus de 50 ans est le plus élevé, et alors, combien de compétences, d’expériences non transmises !
La télévision n’a-t-elle pas perdu beaucoup en mettant à la retraite d’Antenne2 en 1984, avec une loi de circonstance, Pierre Desgraupes âgé alors de 65 ans ? Et qu’ont gagné l’Institut Pasteur et la recherche française en remerciant Luc Montagnier, le «co-découvreur »du virus du SIDA, qui fût « récupéré », quel symbole, par les centres de recherche américains?
Dans le domaine des médias, nous citons souvent les pays anglo-saxons en exemple. Il y serait accordé une place plus importante que chez nous aux minorités « visibles ». Qu’en est-il alors du rapport jeunes/ seniors ?
Aux Etats-Unis, ou en Grande-Bretagne, la quasi-totalité des présentateurs de télévision sont quinquas, sexas, voire plus.
L’antillais Trevor Mc Donald, sur ITN : 66 ans. Larry King sur CNN : 72 ans. Rien d’étonnant : Tous, avant de devenir « présentateurs », avaient travaillé comme reporters de terrain pendant des dizaines d’années. La présentation d’un journal télévisé s’appuie non seulement sur une présence physique mais aussi sur une connaissance du métier que seul les années peuvent donner.
L’effet « StarAcadémie » voudrait nous faire croire que nous avons tous, quelque soient nos origines, notre chance, et que les « djeunes » sont tous des Mozart qu’on assassine. Le « jeunisme » promu justement par des dirigeants de médias qui ont largement dépassé l’âge de la retraite veut nous faire oublier ce qu’apportent dans toutes les activités, y compris le journalisme, le travail et l’expérience. Pour nous faire recoudre une main ou un visage arrachés, préfèrerions-nous un chirurgien talentueux mais débutant à celui ayant pratiqué des centaines d’interventions ?
La question n’est donc peut-être pas seulement « Faut-il rendre plus visibles les jeunes, les noirs, les arabes, les femmes », mais peut-être plus, comme le remarquait Rama Yade, quelques jours avant d’être elle-même nommée secrétaire d’Etat, « Pourquoi notre pays ne permet plus aujourd’hui l’ascension des meilleurs de ses enfants quelques soient leur origine, leur couleur, leur religion? »
Il y a 120 ans,déjà, alors que l’esclavage était toujours en vigueur au Brésil ou à Cuba, un noir de Guadeloupe, Camille Mortenol, était reçu à l’Ecole Polytechnique, bien avant d’ailleurs que les femmes n’y soient admises (1972). Il y a plus de 50 ans, alors qu’aux Etats-Unis sévissait encore la ségrégation dans les universités ou les transports en commun, un « homme de couleur », originaire de Guyane, Gaston Monnerville était élu sénateur d’une circonscription de la « France profonde », le Lot, et accédait à la Présidence du Sénat qu’il conserva pendant vingt ans,. Sans oublier les Aimé Césaire, normalien, Blaise Diagne, ministre, Félix Eboué, gouverneur général, premier noir à être inhumé au Panthéon en 1950.
De multiples exemples d’un système de parcours au mérite qui faisait la fierté de la III° République: L’instituteur du village repérait l’élève doué, les bourses et les concours permettaient y compris aux plus modestes d’accéder à l’excellence, ce qui, même s’ils restaient des cas exceptionnels, marquait les esprits, servait de modèle aux familles jusqu’aux fins fonds des campagnes.
Ce système adapté à une France rurale et beaucoup moins parisienne qu’aujourd’hui, a disparu. L’éventail des voies d’accès au pouvoir, au vrai pouvoir s’est considérablement refermé pour se résumer à cette caricature : Un grand lycée, si possible parisien, puis Science-Po, suivi en touche finale par l’ENA.
En focalisant le débat autour de la seule représentation des « minorités » visibles ou des jeunes, la télévision occulte les vraies questions: L’ascenseur social en panne, notamment dans notre système d’éducation, la formation « endogamique » de nos élites, l’accès, bloqué, au pouvoir, aux pouvoirs.
Au lieu d’opposer les noirs aux blonds, les jeunes aux seniors, les femmes aux hommes, c’est bien la combinaison de l’ensemble des talents de notre société qui nous permettra d’avancer, et non pas un système qui accumule les exclus, au profit d’un tout petit, tout petit cercle qui comme le héros du roman sicilien« Le Guépard » pense : « Tout changer pour que rien ne change » !

Pierre Thivolet

** « Harry Roselmack n’est pas noir, il est jeune » de Hakim El-Karoui et Jean-Pascal Picy, maîtres de conférence à Sciences-Po, Le Figaro du 24 juillet 2006

L’Académie française doit accueillir Aimé Césaire !

Article paru dans l’édition du 25.10.06 du journal Le Monde
Le moment est venu pour cet écrivain et poète de rejoindre les Immortels
Elles et ils iront tous le voir : Aimé Césaire. Le pèlerinage (avec photo) à Fort-de-France en Martinique auprès du « vieux sage », du « grand poète martiniquais » est en effet la consécration de toute pêche aux voix auprès de nos « compatriotes de l’outre-mer ». Ces visites ont la sincérité des opportunismes électoraux et sont très en dessous de ce qu’est Aimé Césaire.
C’est un esprit brillantissime : en 1931, boursier venu de la Martinique, il étudie au lycée Louis-le-Grand, puis est reçu à l’Ecole normale supérieure. C’est un homme politique engagé dans sa société. En 1946, député communiste, il présente devant l’Assemblée nationale la loi créant pour les « quatre vieilles colonies » les départements d’outre-mer. « Entre désintégration et intégration, il y a de la place pour l’invention. Nous sommes condamnés à inventer ensemble ou à sombrer, et pas forcément pavillon haut ! » C’est un homme de principes : en 1956, il est un des rares intellectuels à dénoncer l’invasion de Budapest par les chars soviétiques et à rompre avec le Parti communiste français. Enfin et surtout, Aimé Césaire est un des plus grands poètes vivants, un amoureux de notre langue pour la beauté de laquelle il a tant fait.
Et pourtant Aimé Césaire n’est pas à l’Académie française. Oh ! bien sûr, l’auteur de Cahier d’un retour au pays natal, des Armes miraculeuses, ou de la Tragédie du roi Christophe, inscrite au répertoire de la Comédie-Française, est déjà immortel par sa seule oeuvre. Il n’est pas non plus, au soir de sa vie, comme d’ailleurs pendant toute son existence, demandeur d’hommages officiels. Mais pas plus que ne l’était Marguerite Yourcenar. Or, en 1980, il s’était bien trouvé un Jean d’Ormesson pour remuer les académiciens, pour se rendre dans la retraite de l’écrivain exilée volontaire en Amérique du Nord et la convaincre d’être la première femme à entrer à l’Académie française. Comme pour Marguerite Yourcenar, ce n’est pas Aimé Césaire qui serait honoré par une telle élection, ce seraient l’Académie, la langue française, la France !
Au moment où l’on cherche à mettre en exergue des modèles de réussite issus des « minorités visibles », cela montrerait que des Noirs peuvent non seulement être de bons footballeurs ou de bons sprinteurs, mais également des esprits brillants. Des efforts sont pourtant faits et au plus haut sommet de l’Etat. Il y a quatre ans, par exemple, la « patrie reconnaissante » accueillait au Panthéon un de ses « grands hommes » : Alexandre Dumas.
Nous reconnaissions ainsi non seulement un grand écrivain populaire, l’auteur français le plus lu dans le monde, mais également un « sang-mêlé », le fils du général Dumas, radié de l’armée française par Napoléon en 1802 en raison de sa couleur de peau, le petit-fils d’une esclave des Antilles. C’est ce qu’avait expliqué le président de la République, Jacques Chirac, dans son discours devant le Panthéon : « La République aujourd’hui ne se contente pas de rendre les honneurs au génie d’Alexandre Dumas. Elle répare une injustice. Cette injustice qui a marqué Dumas dès l’enfance, comme elle marquait déjà au fer la peau de ses ancêtres esclaves ».
Même si le racisme est évidemment présent dans notre société, la France a peut-être cela de particulier par rapport à d’autres pays européens, d’avoir accueilli dans sa culture et dans sa société des enfants venus de toutes les cultures. Même s’ils sont encore sous-représentés dans les médias, la haute administration, les directions d’entreprise, la République leur a permis dans le passé un certain nombre de parcours remarquables !
Au Panthéon, Alexandre Dumas a ainsi rejoint un autre descendant d’esclaves africains, Félix Eboué. Qui se souvient d’ailleurs de ce Guyanais, noir, devenu gouverneur de l’Afrique-Equatoriale française, et qui fut le premier à rejoindre le général de Gaulle en 1940, permettant ainsi à la plus grande partie de notre ancien empire colonial de basculer dans le camp de la France libre ?
Mais revenons à la littérature. Parmi les injustices faites à Alexandre Dumas et en partie réparées par l’entrée au Panthéon, il y a le fait qu’il ne fut jamais reçu à l’Académie française. Les immortels d’aujourd’hui vont-ils encore longtemps s’obstiner dans une injustice comparable à l’égard d’Aimé Césaire ? Car honorer les morts, c’est bien. Mais reconnaître le mérite des vivants serait encore mieux !
Bien sûr, en 1983, en élisant Léopold Sédar Senghor, l’Académie avait déjà voulu honorer l’oeuvre d’un grand poète mais aussi faire accéder pour la première fois un Noir à l’immortalité. Or, avec l’ancien président sénégalais et avec le poète guyanais Léon-Gontran Damas, lui aussi scandaleusement oublié, Aimé Césaire a été le père d’un mouvement non seulement politique mais surtout poétique de première importance : la négritude.
Remettre le nègre « debout », plonger dans ses racines pour atteindre l’universalité, tout cela en utilisant l’arme de la langue française ! Apportant l’Afrique au surréalisme, Aimé Césaire est sans nul doute un des grands artisans de notre langue : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir. » C’est avec des Césaire que notre langue peut prétendre être un peu plus que la langue de l’Hexagone et que notre culture peut continuer à s’affirmer comme universelle.
Proposer à Aimé Césaire d’entrer à l’Académie française, ce serait montrer que notre République n’attend pas leur mort pour reconnaître les mérites de tous ses enfants, sans distinction de sexe, de couleur ou d’origine ! Alors immortelles et immortels, vite !
Pierre Thivolet
Le Monde du 25 Octobre 2006

L’Académie française doit accueillir Aimé Césaire !

Article paru dans l’édition du 25.10.06 du journal Le Monde
Le moment est venu pour cet écrivain et poète de rejoindre les Immortels
Elles et ils iront tous le voir : Aimé Césaire. Le pèlerinage (avec photo) à Fort-de-France en Martinique auprès du « vieux sage », du « grand poète martiniquais » est en effet la consécration de toute pêche aux voix auprès de nos « compatriotes de l’outre-mer ». Ces visites ont la sincérité des opportunismes électoraux et sont très en dessous de ce qu’est Aimé Césaire.
C’est un esprit brillantissime : en 1931, boursier venu de la Martinique, il étudie au lycée Louis-le-Grand, puis est reçu à l’Ecole normale supérieure. C’est un homme politique engagé dans sa société. En 1946, député communiste, il présente devant l’Assemblée nationale la loi créant pour les « quatre vieilles colonies » les départements d’outre-mer. « Entre désintégration et intégration, il y a de la place pour l’invention. Nous sommes condamnés à inventer ensemble ou à sombrer, et pas forcément pavillon haut ! » C’est un homme de principes : en 1956, il est un des rares intellectuels à dénoncer l’invasion de Budapest par les chars soviétiques et à rompre avec le Parti communiste français. Enfin et surtout, Aimé Césaire est un des plus grands poètes vivants, un amoureux de notre langue pour la beauté de laquelle il a tant fait.
Et pourtant Aimé Césaire n’est pas à l’Académie française. Oh ! bien sûr, l’auteur de Cahier d’un retour au pays natal, des Armes miraculeuses, ou de la Tragédie du roi Christophe, inscrite au répertoire de la Comédie-Française, est déjà immortel par sa seule oeuvre. Il n’est pas non plus, au soir de sa vie, comme d’ailleurs pendant toute son existence, demandeur d’hommages officiels. Mais pas plus que ne l’était Marguerite Yourcenar. Or, en 1980, il s’était bien trouvé un Jean d’Ormesson pour remuer les académiciens, pour se rendre dans la retraite de l’écrivain exilée volontaire en Amérique du Nord et la convaincre d’être la première femme à entrer à l’Académie française. Comme pour Marguerite Yourcenar, ce n’est pas Aimé Césaire qui serait honoré par une telle élection, ce seraient l’Académie, la langue française, la France !
Au moment où l’on cherche à mettre en exergue des modèles de réussite issus des « minorités visibles », cela montrerait que des Noirs peuvent non seulement être de bons footballeurs ou de bons sprinteurs, mais également des esprits brillants. Des efforts sont pourtant faits et au plus haut sommet de l’Etat. Il y a quatre ans, par exemple, la « patrie reconnaissante » accueillait au Panthéon un de ses « grands hommes » : Alexandre Dumas.
Nous reconnaissions ainsi non seulement un grand écrivain populaire, l’auteur français le plus lu dans le monde, mais également un « sang-mêlé », le fils du général Dumas, radié de l’armée française par Napoléon en 1802 en raison de sa couleur de peau, le petit-fils d’une esclave des Antilles. C’est ce qu’avait expliqué le président de la République, Jacques Chirac, dans son discours devant le Panthéon : « La République aujourd’hui ne se contente pas de rendre les honneurs au génie d’Alexandre Dumas. Elle répare une injustice. Cette injustice qui a marqué Dumas dès l’enfance, comme elle marquait déjà au fer la peau de ses ancêtres esclaves ».
Même si le racisme est évidemment présent dans notre société, la France a peut-être cela de particulier par rapport à d’autres pays européens, d’avoir accueilli dans sa culture et dans sa société des enfants venus de toutes les cultures. Même s’ils sont encore sous-représentés dans les médias, la haute administration, les directions d’entreprise, la République leur a permis dans le passé un certain nombre de parcours remarquables !
Au Panthéon, Alexandre Dumas a ainsi rejoint un autre descendant d’esclaves africains, Félix Eboué. Qui se souvient d’ailleurs de ce Guyanais, noir, devenu gouverneur de l’Afrique-Equatoriale française, et qui fut le premier à rejoindre le général de Gaulle en 1940, permettant ainsi à la plus grande partie de notre ancien empire colonial de basculer dans le camp de la France libre ?
Mais revenons à la littérature. Parmi les injustices faites à Alexandre Dumas et en partie réparées par l’entrée au Panthéon, il y a le fait qu’il ne fut jamais reçu à l’Académie française. Les immortels d’aujourd’hui vont-ils encore longtemps s’obstiner dans une injustice comparable à l’égard d’Aimé Césaire ? Car honorer les morts, c’est bien. Mais reconnaître le mérite des vivants serait encore mieux !
Bien sûr, en 1983, en élisant Léopold Sédar Senghor, l’Académie avait déjà voulu honorer l’oeuvre d’un grand poète mais aussi faire accéder pour la première fois un Noir à l’immortalité. Or, avec l’ancien président sénégalais et avec le poète guyanais Léon-Gontran Damas, lui aussi scandaleusement oublié, Aimé Césaire a été le père d’un mouvement non seulement politique mais surtout poétique de première importance : la négritude.
Remettre le nègre « debout », plonger dans ses racines pour atteindre l’universalité, tout cela en utilisant l’arme de la langue française ! Apportant l’Afrique au surréalisme, Aimé Césaire est sans nul doute un des grands artisans de notre langue : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir. » C’est avec des Césaire que notre langue peut prétendre être un peu plus que la langue de l’Hexagone et que notre culture peut continuer à s’affirmer comme universelle.
Proposer à Aimé Césaire d’entrer à l’Académie française, ce serait montrer que notre République n’attend pas leur mort pour reconnaître les mérites de tous ses enfants, sans distinction de sexe, de couleur ou d’origine ! Alors immortelles et immortels, vite !
Pierre Thivolet
Le Monde du 25 Octobre 2006

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