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Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

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BERLIN, le mur : 30 ans déjà : Une fois le mur tombé tout est allé très vite.

Direct depuis la porte de Brandebourg… quelle Histoire !

Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
Tout est allé très vite. 
Une fois le mur ouvert, tout s’est enchaîné, prenant de court les dirigeants politiques de l’Est comme de l’Ouest jusqu’à la chute du régime communiste, et la réunification.
Début décembre 89, certains pensaient encore qu’il y aurait deux Etats allemands qui se rapprocheraient progressivement. Les militants des droits de l’Homme, plutôt de gauche, qui s’étaient battu contre le régime, notamment autour de pasteurs protestants à Dresde, à Berlin, croyaient que leur pays, la RDA, créerait une troisième voie entre communisme et capitalisme. 
Mais fin décembre, tout était réglé. 
En fait notre société de consommation ne fit qu’une bouchée de la société est-allemande. En caricaturant, c’est le pouvoir d’attraction des bananes – ce fruit symbolisait pour les allemands de l’Est où il était très rare, le luxe et l’opulence – qui a fait tomber le communisme. A tel point que les allemands de l’Ouest se mirent à baptiser l’Allemagne de l’Est « Bananenrepublik » un jeu de mots pas très sympa entre République bananière et République des Bananes. 
Le 19 décembre 89, quand le chancelier Helmut Kohl s’est rendu pour la première fois en RDA, à Dresde, la foule ne scandait plus Wir sind das Volk, mais Wir sind ein VolkNous sommes un seul peuple, et : Nous voulons le Deutschmark !
C’est là devant une foule immense au milieu des ruines de l’Eglise Notre-Dame qu’Helmut Kohl et ses conseillers ont réalisé qu’il n’y avait plus qu’un scénario possible : La réunification. 
Berlin-Ouest était jusque là enfermée par ce mur qui non seulement la séparait de Berlin-Est mais également du reste de son arrière pays, le Brandebourg. Le mur passait au milieu des lacs, des rivières, des forêts. Très vite au printemps nous avons pu circuler de plus en plus librement, aller passer le dimanche au bord d’un des innombrables lacs du Mecklembourg, assister à un concert un soir dans les jardins des châteaux de Postdam. Rendre visite à des amis est-allemands dans leur « datcha », un petit chalet sans eau ni électricité, au milieu des pins, qui était un des rares petits luxes de beaucoup d’allemands de l’est, leur jardin secret où ils se retrouvaient en famille ou entre amis très proches .
Au début les garde-frontières nous contrôlaient encore. A partir de l’été, c’est à peine s’ils regardaient nos passeports. 
Et puis ce sont les Audi et Mercédès qui ont remplacé les Trabant.
Et puis les magasins à l’est qui ont commencé à fermer puis à rouvrir sous les couleurs d’enseignes ouest-allemandes,
Et puis ce sont les produits est-allemands qui ont disparu d’un coup , et puis nous nous sommes aperçus que c’est un pays entier qui avait disparu. 
La Pologne, la Hongrie, même la Tchécoslovaquie qui s’est divisée, sont restés des pays. La RDA doit être le seul cas dans l’histoire récente d’un pays qui disparaît totalement. 
30 ans plus tard, je suis bluffé par la manière dont l’Allemagne de l’Est a été transformée. Partout les routes ont été reconstruites, la fibre optique, les éoliennes et le solaire, tous les bâtiments ont été restaurés ou reconstruits superbement. 
Dresde, qui était encore un champ de ruines il y a 30 ans, Weimar, Schwerin, les stations balnéaires de la côte Baltique sont devenues des villes superbes.
Et c’est chaque fois une émotion intense de revenir à Berlin. Se balader Place de Paris devant la porte de Brandebourg qui a retrouvé sa fonction de Porte alors que je l’avais connu isolée au milieu du no man’s land. Se promener le long de la Spree entre la nouvelle chancellerie et le vieil hôpital de la Charité jusqu’à l’île aux musées. A chaque fois, on se pince : Le mur passait là, et ici , et là encore. 
Se promener jusqu’à la grande synagogue de la rue Oranienburg, incendiée par les SA pendant la nuit de cristal de 1938. Un 9 novembre, quelle ironie de l’Histoire. Vergesst es nie. N’oublie jamais est-il inscrit sur la façade. Un peu plus loin toujours dans le vieux Berlin qui se situait côté est, la rue Sophie et cet immeuble laissé détruit et à la place des appartements , des plaques qui rappellent qu’ici habitait telle famille- juive- déportée en 1940, là telle autre, disparue en 1941, avec leurs noms, le nom des enfants.
Partout à Berlin on se heurte à l’Histoire, heureuse comme la chute du mur, tragique comme le nazisme, l’holocauste, la guerre. 
Quand on a partagé ces moments d’Histoire avec les berlinois, avec les allemands, il est difficile de ne pas conserver « einen Koffer in Berlin », une valise à Berlin. Comme le chantait Marlene Dietrich
« J’ai encore une valise à Berlin,
c’est pour ça que j’y retournerai bientôt.
Dans ma petite valise, il y a
toutes les nostalgies des temps passés ».
Et l’on écoute Marlene Dietrich…

BERLIN, le mur : 30 ans déjà : Le 9 novembre, nul besoin d’être allemand pour être emporté par la joie de la liberté.

Un moment unique de joie partagée
Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
On le sait maintenant : le 9 novembre, rien ne bougeait à Berlin-Est. Jusqu’à cette fameuse boulette de communication du porte-parole du Parti Communiste, bafouillant que « ce soir, maintenant, les allemands de l’est pourraient voyager librement ». C’était vers 18 h. Sur le coup, rien ne bougea non plus. Les allemands de l’Est attendèrent les JT des chaînes de l’Ouest, que tout le monde à l’Est regardait clandestinement, pour y croire et pour vers 21h, 21h 30 se rendre aux checks-point du mur, munis de leurs papiers. Et là…
Et là, 30 ans plus tard, j’en ai encore la chair de poule, les larmes aux yeux. On a rarement dans une vie de journaliste, dans une vie tout simplement, la chance de vivre de tels moments. 
Un événement historique bien sûr, mais surtout la joie / qu’il était impossible de ne pas partager/ le bonheur d’être libre, un bonheur tout simple et immense à la fois.
C’était beau. 
Il n’y avait pas l’once de nationalisme ou de revanchisme allemand, et dans cette joie, tous pouvaient se sentir inclus, d’où que l’on vienne. 
Rien d’étonnant donc à que le musicien russe exilé Rostropowitsch ait pris le premier avion avec son violoncelle, pour venir jouer du Bach au pied du mur. 
Ni à ce que tant d’anonymes , des étudiants , et même des hommes politiques aient foncé vers Berlin pour venir vivre ces moments-là. 
C’était très beau, ces rires, ces pleurs, ces chants dans la nuit, et les cloches de toutes les églises de Berlin-Ouest qui se mirent à sonner. La liberté n’était plus un mot, un concept, elle devenait devenait concrète . 
Dans les nuits et les jours qui ont suivi, nous n’avons pas touché terre. 
Berlin avait été submergé par des millions de personnes qui voulaient visiter Berlin-Ouest, se balader sur le Ku-Damm, et acheter des « bananes ». Les bananes, ce fruit dont les allemands de l’Est étaient pratiquement privés, leur apparaissaient comme le comble du luxe.  Il fallut d’urgence en importer pour ravitailler les magasins de l’Ouest. 
Un immense bouchon paralysa la ville, il fallut très vite élargir les postes frontières, puis ouvrir des brèches dans le mur, chaque nouvelle ouverture était un événement, jusqu’à la Porte de Brandebourg, quelques semaines plus tard. 
Nous avons travaillé non-stop : Tournage , montage, mixage, et hop ! en selle sur une moto que nous avions louée pour nous rendre en roulant sur les trottoirs, à contre-sens du flot de voitures, à 10 kilomètres du centre de Berlin, à Adlershof, le siège de la télévision est-allemande, d’où nous diffusions vers Paris. 
Tous les réseaux téléphoniques ou satellites étant totalement submergés à l’Ouest, c’était d’ailleurs notre seul moyen de communiquer avec la rédaction. TF1 n’ayant pas prévu au départ, contrairement à Antenne 2 de Christine Ockrent, d’envoyer des moyens techniques supplémentaires, pendant 3 jours, seuls nos reportages et nos directs depuis l’Est arrivaient à Paris. 
Pour TF1 une boulette, certes moins historique que celle de Günter Schabovsky,  mais un « ratage » quand même, un mauvais souvenir qui a été ensuite rapidement mis sous le tapis. 
Un matin, sur notre moto à contre sens, nous avons fait une embardée en essayant d’éviter une voiture, un instant j’ai imaginé un accident, et nous gisant à terre, sans possibilité d’être secourus, car tout était bloqué ; et je me suis dit : « C’est couillon, je vais mourir là dans l’indifférence générale alors que autour de moi c’est l’Histoire qui est en marche ». 
Et puis , il y a eu l’après, 
Helmut Kohl effectuant sa première visite à Dresde, 
François Mitterrand à Berlin, et puis les élections libres, et puis, la réunification, et puis, les premières agressions contre des étrangers et puis… Et puis …je vous le raconterai demain .
Et l’on écoute quelques mesures des « Suites pour violoncelle » de Jean-Sebastien Bach , joué par Rostropowitsch , le 11 novembre au pied du mur…
https://www.dailymotion.com/video/x29e4y2

Berlin, le mur, 30 ans. Que se passait-il le 8 novembre 89 ?

Et pendant ce temps-là, le chancelier Helmut Kohl était en Pologne…
Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
Que se passait-il à Berlin-Est le 8 novembre 1989, 24 heures avant l’ouverture du mur ? 
Rien. 
Correspondant de TF1, nous avions obtenu un visa, officiellement pour « couvrir » les réunions du comité central du Parti communiste qui deux semaines auparavant avait remplacé Erich Honecker par Egon Krenz. Nous avions pris nos quartiers à l’Hôtel Metropol, sur Friedrichstrasse, en plein centre de Berlin-Est. A l’époque le centre de Berlin, côté Est était comme une excroissance dans Berlin-Ouest, une vitrine avec des musées, quelques bâtiments historiques reconstruits, l’ambassade soviétique, immense, faisant presque face à la Porte de Brandebourg, que l’on voyait depuis les barrières, mais qui était en zone interdite, le no man’s land du mur, et puis des ministères et le siège du gouvernement. 
Après 17 heures, il n’y avait plus personne, la vie à Berlin-Est, était plutôt plus au nord, à partir de Prenzlauer Berg, qui avait la réputation d’être un quartier un peu bohême, et où l’on rencontrait des artistes, des écrivains, des militants des droits de l’homme, enfin il n’y en avait pas beaucoup. Quand on commençait à être trop critique, au mieux on était expulsé vers l’ouest, au pire, emprisonné. 
Nous étions donc dans un « palace » selon les normes est-allemandes, en fait une sorte de grande barre de béton, sinistre, où toutes les chambres étaient équipées de micros de la Stasi, la police secrète, et qui nous était imposée par les autorités. Comme nous était imposée la conversion de Deutschmarks en Marks est-allemand, une monnaie sans valeur, non reconvertible. Tout visiteur étranger était considéré comme une vache à devises, alors une équipe de télé…
Nous avions installé notre banc de montage dans une chambre et le sujet de notre reportage portait sur les travailleurs immigrés, pardon invités, vietnamiens. 
Parce que l’Allemagne de l’Est manquait de main d’œuvre et elle commençait à en faire venir des pays « frères » communistes. Des accords d’Etat à Etat, la main d’œuvre très encadrée, était parquée dans des tours HLM à la périphérie des villes. 
Pour ces reportages, nous avions un peu circulé en Allemagne de l’Est, jusqu’à Karl-Marx Stadt – qui a retrouvé aujourd’hui son nom d’avant le communisme – Chemnitz. En flash reviennent ces images d’un pays triste, brouillardeux, dès l’automne et les premiers froids ; un épais voile jaunâtre dû à la pollution du chauffage au lignite, recouvrait tout le pays. Des villes encore marquées par les destructions de la guerre, comme Dresde, capitale de la Saxe, l’ancienne Florence de l’Elbe. En dehors du Zwinger, de l’Opéra, et de l’Eglise du Palais, c’était surtout des plaques de béton et des gravats. Et partout des tuyaux de gaz ou de chauffage parcourant les villes et les villages à 2 mètres au-dessus du sol, des installations industrielles rouillées. 
En fait ce pays présenté comme le bon élève, l’exemple de la réussite économique du bloc communiste, était au bord de la faillite. 
Une faillite qui allait être précipitée par ce qui allait se produire le lendemain. 
Mais le 8 novembre, personne n’en savait rien. Et le soir nous sommes allés dîner – là aussi pas le choix – au restaurant « gastronomique » de l’hôtel. Pour le régime et la chaîne nationale d’hôtels pour étrangers Interhotels, « gastronomique » cela signifiait cher, et avec des plats aux noms français, comme le « vol au vent ». Je ne sais pas pourquoi, mais cela semblait être le comble du bon goût, on le retrouvait  partout, mais on était très loin de top chef. Et puis bien sûr, il y avait une autre fierté du régime, le « Rotkäppchen », le petit chaperon rouge, un mousseux écoeurant. Là aussi on était très loin du champagne. 
C’est donc en traînant des pieds que nous nous sommes rendus le lendemain , 9 novembre, vers 17 heures, à la conférence de presse de Günter Schabowsky, le porte-parole du comité central. Nous avions rendez-vous avec l’Histoire, mais personne, même pas lui, n’était au courant… 
Et l’on écoute la déjantée Nina Hagen, une chanteuse berlinoise de l’Est, exilée à l’Ouest, qui chante Berlin ist dufte, Haupstadt des DDR, presqu’intraduisible pour qui n’est pas berlinois. Allez rocke Nina ! 

Berlin, le mur, 30 ans. En attendant, la RDA fête son 40 ème anniversaire.

Et 2 semaines après ce baiser, Honecker était limogé 
 Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
Ce devait être un bel anniversaire, ce 7 octobre 1989.
Sur l’avenue « Unter den Linden » qui descend depuis la Porte de Brandebourg, les drapeaux rouges flottaient au vent. Les façades étaient habillées d’immenses affiches de propagandes, à la gloire des 40 ans de la République démocratique allemande, l’ « Etat des ouvriers et des paysans », selon l’appellation officielle 
Devant la  Neue Wache où les soldats de l’unité d’élite « Friedrich-Engels » montaient la garde, des tribunes avaient été dressées pour les principaux  dirigeants: 
Erich Honecker, l’inamovible secrétaire général du Parti Socialiste unifié d’Allemagne, le Parti communiste: Visage de cire, lèvres pincées y accueillait les dirigeants des pays frères, dont Gorbatchev , bien sûr. 
Ce devait être un bel anniversaire. Et au début tout avait bien commencé : Les troupes de « l’armée du peuple » avaient défilé dans un ordre impeccable, au pas de l’oie. Puis avait suivi le cortège des FDJ (prononcez : f-d-yot), la « Jeunesse libre allemande », qui embrigadaient tous les jeunes est-allemands. L’actuelle chancelière Angela Merkel en fût elle-même. 
Tout cela au son de l’hymne national de la RDA : « Auferstanden aus Ruinen »« Ressuscité des ruines ». Une très belle musique, composée par Hans Eissler, compagnon de route et de travail de l’écrivain Bertold Brecht. Tous les deux communistes qui avaient fui les nazis étaient rentrés à Berlin-Est après la guerre pour édifier une Allemagne socialiste, pensaient-ils..
Tout se passait bien. Jusqu’à ce que Gorbatchev décide à la surprise générale, devant les caméras qui filmaient en direct, d’être « Gorbi », l’homme de la perestroïka. 
Il sort des tribunes, va saluer les spectateurs qui se mettent à crier : « Gorbi, Gorbi : Hilf uns : Aide nous ! » et  il répond : « Celui qui est en retard est puni par l’Histoire, pour la vie.». Cette petite phrase fait l’effet d’une bombe. Tous les allemands de l’est vont se la répéter. Honecker est fou furieux. Le désaveu soviétique équivaut à un limogeage, et , de fait, ce sera le cas dans les semaines qui suivent. 
Le soir, gala officiel au « Palast der Republik ». Mais sous les fenêtres du siège du gouvernement, des petits groupes de manifestants se sont formés. Et ils scandent les slogans repris depuis quelques semaines: « Wir sind das Volk » « Nous sommes le peuple » et :« Die Mauer muss weg » « Le mur doit tomber ». La Stasi et ses gros bras en civil répriment violemment les manifestants, hurlements, gaz lacrymogènes, explosions ; C’est la première fois qu’une telle manifestation se déroule en plein cœur de Berlin. 
Aujourd’hui, le « Palast der Republik » a été détruit. Difficilement : Il était contaminé à l’amiante. 
Et puis l’ancien château des rois de Prusse sur lequel il avait été bâti, a été reconstruit. Après des années d’hésitations, et avec appel aux dons. Ce château redonne au centre de Berlin de la cohérence. Il a été refait à l’identique. Enfin, presque : Les allemands ne voulaient pas que ce soit un château à la Disney, Berlin ne voulait pas que soit gommée l’Histoire. 
Vergangenheitsbewältigung. La confrontation avec l’Histoire : Cela reste quand même le maître mot de l’éducation et de la politique en Allemagne.
Et l’on écoute quelques notes de l’ancien hymne est-allemand. 

Berlin, le mur : 30 ans déjà. En Hongrie, une brèche dans le rideau de fer.

Souvenirs de la fuite vers l’ouest  
En fait quand on y repense c’est en Hongrie que le mur de Berlin a commencé à se fissurer. 
A Hegyeshalom exactement. 
Franchement ce gros village ne vaut pas le détour, si ce n’est que c’est le point de passage entre la Hongrie, et pratiquement se touchant l’Autriche et la Slovaquie. Et que c’est là que le 2 mai 1989, le gouvernement hongrois- pourtant à l’époque toujours communiste – avait décidé de mettre en scène le premier démantèlement du « rideau de fer ». Gros plan sur des militaires découpant les barbelés devant nos caméras avec des pinces monseigneur !
Je me souviens très bien d’une question d’un confrère, Pierre Haski : « Mais que ferez-vous quand des ressortissants d’autres pays de l’Est  voudront passer à l’Ouest ? » Silence gêné des autorités. 
Quelques semaines plus tard, les allemands de l’Est répondaient à cette question : La nouvelle s’était répandue dans toute la RDA : On peut s’enfuir par la Hongrie. Car il était possible aux allemands de l’est de voyager librement dans ce pays-frère. 
D’abord, des dizaines, puis des centaines tentèrent le coup, passant de la Hongrie à l’Autriche, donc à l’Ouest, sans être empêchés par les garde-frontières. 
Jusqu’au 19 août 1989, où un « pique-nique », organisé à la frontière par le parti autrichien paneuropéen d’Otto von Habsbourg s’est transformé en fuite à l’Ouest de milliers de « vacanciers » est-allemands. 
Dans la ruée vers la liberté, ils abandonnaient tout derrière eux. Dans la bousculade, un jeune père, sa femme, sa fille, avec comme seuls bagages, un sac à dos, s’étaient retournés vers nous, une fois à l’Ouest, et dans un grand éclat de rire, nous avaient donné la plaque d’immatriculation « DDR » « République Démocratique Allemande » qu’ils avaient dévissée sur leur Trabant, leur voiture abandonnée. Une plaque que j’ai conservée jusqu’à aujourd’hui.
A Berlin-Est, le gouvernement ne savait plus quoi faire. 
Aujourd’hui, en Hongrie, on réinstalle des barbelés, au sud à la frontière avec la Hongrie, par peur d’une invasion de migrants. 
Et l’on écoute Udo Lindenberg, le chanteur ouest-allemand qui s’était rendu très populaire à l’époque, avec cette chanson plutôt humoristique : « Sonderzug nach Pankow »… « Train spécial pour Pankow »,  la résidence du dirigeant communiste Erich Honecker, au nord de Berlin.

Berlin, le mur : 30 ans déjà. Tous les Lundi soir c’est manif à Leipzig.

Leipzig , Lundi 9 octobre 1989, devant le Gewandthaus
C’est à Leipzig que le mur de Berlin a commencé à tomber. Avec les «Montagsdemo», les manifs du Lundi soir.
Leipzig. 
En dehors de Berlin, c’est la grande ville d’Allemagne de l’Est. Une capitale économique, commerciale, avec ses foires organisées depuis le Moyen-âge. 
Au coeur de la Saxe, ville de culture aussi avec l’Eglise Saint-Thomas où composa un certain Jean-Sébastien Bach, l’Auerbachs Keller où Goethe situe une scène de son premier Faust et puis à quelques pas de là… la Nikolaiskirche, l’Eglise Saint-Nicolas. Dès avril 1989, nous avions pu y assister à de bien curieux offices. 
Les Lundi à partir de 18 heures, les lectures pastorales laissaient la place à des appels à la Paix, à la non-violence, à la liberté. Pas d’attaques directes contre le régime, mais dans cette église portes ouvertes, il se passait quelque chose. Il fallait être prudent, la Stasi, la police politique, était là en civil, à qui faire confiance ? 
Alors tous les Lundi, en septembre, nous sommes revenus clandestinement
Depuis Berlin-Est, 2 heures d’autoroutes, nous fonçions sur la chaussée avec ses plaques en béton, et il fallait repartir dans la soirée, pour repasser avant minuit le « check point Charlie » entre Berlin-Est et Berlin-Ouest …
Et de Lundi en Lundi, ces « Montagsgebete », ces « prières du Lundi », se sont transformées en « Montagsdemo », en « manifs du Lundi », de plus en plus importantes. 
Le Lundi 9 octobre, nous sommes montés au sommet d’un immeuble, et là nous avons pu voir des dizaines de milliers manifestants reprenant les slogans « Keine Gewalt » « pas de violences » « Liberté de voyager » « Ouvrez le mur ».  
Soudain devant la salle de concert du GewandtHaus apparut un colosse barbu « C’est Kurt Masur », dit la foule; le chef d’orchestre mondialement connu, aujourd’hui décédé. Il marchait calmement au-devant des banderoles. Pas de déclarations, sa seule présence était en soi une surprise, lui qui jusque là n’était pas connu pour être critique du régime.  
A Leipzig , de Lundis soir en Lundis soir, le mur s’effritait chaque semaine un peu plus. 
30 ans plus tard, Leipzig a été entièrement rénovée. Elle qui était grise et enfumée attire des foules de touristes. Elle a retrouvé son dynamisme d’antan, c’est même sans doute un des exemples de réussite de la réunification. 
Il y a de nouveau des « Montagsdemo ». Mais elles ne réclament plus l’ouverture des murs, comme en octobre 1989. 
Au contraire, organisées par l’extrême-droite, elles demandent fermeture des frontières et expulsion des étrangers. 
Et l’on écoute un extrait de « Fürchte dich nicht » « Ne crains rien » de Jean-Sébastien Bach, interprété par le chœur de Saint-Thomas de Leipzig… https://youtu.be/kLxJxLh261c
A suivre : Et si tout avait commencé en …Hongrie ?

Berlin, le mur : 30 ans déjà…Putain, comme le temps passe ! par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne

30 ans déjà par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
30 ans déjà : 
J’ai toujours refusé de céder à la tentation de l’ancien combattant : « Tonton, raconte-nous Haïti, le Chili, le mur de Berlin ! ». Mais depuis quelques jours on nous rabâche les oreilles sur le thème : « Il y a 30 ans, dans la nuit du 9 novembre, le mur de Berlin s’est effondré »
Ah ! bon ? Vous y étiez ? 
Ce soir-là, le mur ne s’est pas effondré. Dans les rétros que diffusent les télés ou que publient les journaux, l’on mélange allègrement les images: Le démontage du mur, une grue qui enlève une dalle en béton : Tout cela n’a commencé que plusieurs jours voire plusieurs semaines après.
Si ce soir-là, le béton du mur n’est pas tombé, c’est son symbole, celui de la division de l’Europe, de la guerre froide, qui s’est écroulé. Ce qui reste impressionnant, ce sont ces milliers de personnes connues ou inconnues, et pas seulement des allemands, loin de là, qui ont eu le « réflexe Rostropovitch ». Comme le célèbre violoncelliste, tout lâcher, et prendre le premier avion, le premier train, la première voiture pour foncer vers Berlin. 
Certains en ont un peu trop fait, en prétendant avoir été là, le soir où… Ce qui était matériellement impossible : Même le Chancelier Kohl, en voyage officielle en Pologne, n’est arrivé que dans la nuit .
Pourtant, nous n’étions pas nombreux ce soir-là, cet après-midi là, au centre de presse international à Berlin Est. Là où une bévue du porte-parole du comité central du Parti communiste, Günter Schabowski a provoqué ce qui allait suivre. Nous n’étions pas nombreux vers 9 heures du soir dans les rues quasi désertes de Berlin-Est ou devant les check-points d’Invalidenstrasse ou Bernauer strasse. Il y avait Philippe ( Rochot) de France 2, Luc ( de Barochez ) à l’époque pour l’AFP et puis ?… 
Donc, je m’en vais vous narrer ce dont je me souviens, et qui commence quelques mois plus tôt en Hongrie, quelques semaines avant à Leipzig, les Lundis soir autour de l’église Nicolas. 

On écoute Patricia Kaas : D’Allemagne : « De quel côté du mur la frontière vous rassure ? »


A suivre : Rendez-vous à Leipzig pour les montags demo manifs du Lundi.

Brexit, Catalogne: Respecter la volonté des peuples.

Respecter la volonté du peuple: Mais que veut le peuple ? Et c’est qui le peuple ? 
Les peuples sont de retour. Il faut respecter la volonté populaire.
C’est ce que l’on entend partout.
Il y a 3 ans, les britanniques ont voté. Un Oui au Brexit à 52 % des suffrages exprimés. Ce n’est pas une majorité des électeurs, mais c’est la majorité. Donc on respecte. Mais jusqu’à quand ? Qui a décidé que le peuple n’avait pas le droit de changer d’avis ? Faut-il organiser un référendum pour décider pendant combien de temps il n’est pas possible de changer d’avis ? Et puis ensuite à qui le tour ? L’Ecosse ? L’Irlande du Nord ? Des siècles de Royaume-Uni que l’on désunit en quelques mois.
C’est comme en Catalogne. Les nationalistes catalans décrivent leur situation comme pire qu’au moment de la dictature de Franco, et leur culture comme écrasée par Madrid. Mais à Barcelone aujourd’hui, on peine à trouver des inscriptions officielles en espagnol. Tout est en catalan, unilingue. Les enfants sont scolarisés uniquement en catalan. Les sondages semblent montrer qu’il n’y a pas une majorité pour l’indépendance. Mais il est devenu pratiquement impossible d’exprimer des opinions anti-indépendantistes. Partout ces injonctions :« Parla catalá !». 
Il y a 500 ans l’Espagne moderne était née de l’alliance entre la Castille et l’Aragon, et elle n’a jamais existé sans Catalogne. Mais qui va pouvoir empêcher que l’Espagne ne se délite si le désir de vivre ensemble disparaît.
Aujourd’hui, partout en Europe, ce qui nous différencie nous semble plus important que ce qui nous unit. Nous ne voulons plus payer pour nos voisins : la Catalogne pour l’Andalousie, la Lombardie pour la Campanie, bientôt pourquoi pas l’île de France pour le Limousin ou la Corse. 
Retour 1000 ans en arrière où l’on vivait entre soi, entre villages d’une même vallée et où l’étranger commençait derrière la montagne. 
Et pendant ce temps-là, les milliards de chinois, indiens, américains et russes se frottent les mains de nous voir si désunis. 

Élections : le grand reflux des populistes !

 

Erdogan rencontre Orban : Le crépuscule des populistes ?

Pendant des mois, on nous a rabâché le même refrain : L’heure serait au populisme, les peuples reprendraient le pouvoir face aux élites boboisées et internationalistes. Cette « pensée », exprimée notamment par Éric Zemmour et consorts, est devenue la vraie « pensée unique ».
Tout faux ! 
On a beaucoup voté ces derniers temps, et ce n’est pas l’extrême-droite ou le repli sur soi qui l’emporte. 
Le Portugal ? La gauche garde le pouvoir. 
L’Italie ? L’ancien ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, le leader de l’extrême-droite, n’est plus ministre. Il reste grande gueule, mais semble avoir perdu son pari : provoquer des élections anticipées où il aurait raflé la mise. 
L’Autriche ? L’extrême-droite n’est plus au gouvernement, et a perdu près de la moitié de ses votes aux dernières législatives. 
La Hongrie ? Depuis 10 ans, c’était une sorte de vitrine de l’extrême-droite notamment en France : Mais le premier ministre Viktor Orban vient de prendre sa première veste électorale : L’opposition emporte les mairies de Budapest et des principales grandes villes du pays. 
En Pologne le très conservateur PIS garde le pouvoir, mais avec moins de succès qu’il l’aurait voulu. 
Et si l’on regarde worldwide, en Turquie, Erdogan a lui aussi perdu les principales villes du pays, ce qui explique sans doute qu’il se lance aujourd’hui dans une surenchère nationaliste contre les kurdes. Et aux États-Unis, n’oublions pas que Trump avait gagné avec 3 millions de voix de moins que la démocrate Hillary Clinton. Pas sûr que même en flattant son électorat, il puisse être réélu.
Confrontés à des mutations qui vont très vite, peut-être trop vite, les peuples peuvent éventuellement être tentés par les sirènes de l’extrême-droite. Mais cela ne dure jamais longtemps. Car finalement après un mouvement d’humeur, nous sommes raisonnables, non ?

Dupont de Ligonnès et médias: Tourner sa langue 7 fois dans sa bouche.

Priorité au direct: Priorité aux boulettes !
Ce n’est pas une « boulette » de la police, ni un « incroyable cafouillage » de la justice, mais bien la conséquence logique de la course au scoop des médias d’aujourd’hui. « On a arrêté Dupont de Ligonnès ». 
L’info en continu, les infos qui coulent sur les réseaux à la vitesse d’un tweet, d’un snap, d’un insta, nous affolent. Internet va plus vite que nos neurones, ce qui est normal, nous ne sommes pas des robots ; mais nous ne prenons plus le temps de vérifier, d’aller chercher à la source, de remettre en perspective. Ce qui est la définition même du journalisme. Aujourd’hui, les médias sautent sur tout ce qui bouge. Or à l’heure d’internet, tout bouge en permanence : « Priorité au direct » ! Il faut meubler l’antenne, et c’est un défilé permanent de chroniqueurs, d’experts, auxquels l’on demande « à chaud » d’analyser, d’extrapoler. C’est la porte ouverte au grand n’importe quoi. 
Ceci dit, dans l’emballement au sujet de Dupont de Ligonnès, les médias ont une excuse : L’AFP. Même si son « fil » n’est pas parole d’évangile, l’Agence France Presse reste une source d’infos plutôt fiable, qui pratique le « fact-checking », la vérification des faits. Ses centaines de journalistes travaillent dans l’ombre, à l’abri des lumières des plateaux de télé. 
Mais jeudi ils ont fait une boulette. Leurs dépêches sur twitter ont donné du crédit aux infos tirées de « sources policières »(?). Très vite la Justice demandait de rester prudent. Mais trop tard, les chaîne infos étaient déjà parties en roue libre ! 
La morale de ce cafouillage ? 
D’abord espérons que les mêmes qui se sont abattus comme des rapaces voraces sur le quartier de ce retraité interpellé par erreur, iront présenter leurs excuses. 
Ensuite, nous devrions méditer cette maxime qu’on nous inculquait autrefois : Il faut apprendre à tourner sa langue 7 fois dans sa bouche. Surtout avant de se répandre sur internet !
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