Le blog de Pierre M. Thivolet, journaliste

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Pogba, chantage et maraboutage: Quelle affaire à 3 balles !

L’affaire Paul Pogba… du nom de l’excellent milieu de terrain de l’équipe de France de foot ?  

Elle fait la une … alors que c’est une histoire à 3 balles. 

Mais pas des balles de foot, non, des balles au sens de flouze, pèze, blé, thune, euros, et des euros par centaines de milliers. À la rigueur aussi peut-être de balles de kalashs.

Le pitch ? Je vais essayer, mais n’étant pas un actif follower des comptes Insta, Tiktok, Twitch ou Twitter des people du foot, et de leur famille, j’ai eu quelques difficultés à tout comprendre. 

Je résume : 

Paul (Pogba) a 2 frères aînés, jumeaux.

Les frères sont comme Paul, des footballeurs professionnels, avec des carrières qui contenteraient la plupart d’entre nous, mais qui sont moins glorieuses que celle du petit frère Paul. (1mètre 91 sous la toise, quand même !)

Jusque-là, tout semblait baigner dans cette famille de grands gaillards sportifs, entraînée vers la réussite par le succès assez exceptionnel de Paul. 

Jusqu’à ce qui ressemble fort à un pitoyable règlement de comptes familial. 

Avec des « révélations » dignes d’une cour de récréation primaire (très primaire) de Mathias, un des deux frères aînés : « Mon frère, il n’est pas si bien que ça », « attention, j’ai des révélations à faire. » 

« Il me piquait mes fraises tagada et mes choco BN… Il a refusé de me filer 2 euros pour que je puisse m’acheter une chocolatine à la récré. (ça c’est moi qui ajoute).

« Et puis surtout, c’est le chouchou de maman ». 

Paul aurait payé 100 000 euros à des maîtres chanteurs qui lui en réclameraient 13 millions pour sa protection.

Et puis ( là c’est Mathias qui ajoute) « Paul a payé un marabout pour ensorceler Kylian Mbappé »…

On a envie de rire… 

Les superstitions et jeteurs de sorts, c’est vieux comme l’humanité.  Dans le sport , on connaît le maillot fétiche de Pelé, le slip fétiche de Basile Boli, le sel jeté derrière les cages par Luis Fernandez, les manies de Rafael Nadal etc…Après tout, si c’est bon pour le mental.

Mais on ne rit plus, ou plutôt on rit jaune, quand on apprend le montant des sommes avancées par les uns et les autres. Et je te file 30 000 euros ici, 100 000 euros là, 13 millions là encore.

Les sportifs exceptionnels doivent être super bien rémunérés. Certes. Mais jusqu’à de tels montants ?  

Paul Pogba, le joueur le mieux payé en Angleterre ces 10 dernières années, gagne plus d’1 million par mois. Hors primes et contrats publicitaires.

Des sommes folles, gagnées si jeune et si vite qu’elles peuvent faire perdre le sens des réalités à certains sportifs et surtout à leurs entourages. 

Choquant, quand en ces temps de frugalité demandée, d’inflation constatée, de précarité aggravée, beaucoup sont à 5 euros près. 

Pourtant, les mêmes qui se scandalisent des jets privés des hommes d’affaires, qui réclament de super taxes sur les profits exceptionnels de Total ou de la CGM, qui s’indignent des dividendes versés aux actionnaires, les mêmes se montrent particulièrement coulants à l’égard de ces stars sportifs, artistes et autres. 

L’argent gagné dans le sport, la musique, l’art serait-il moins sale que celui réalisé par un entrepreneur ?

Avec l’affaire Pogba, on est dans le lavage de linge sale qui devrait rester en famille. On est dans le minable, qui ne devrait pas nous intéresser. 

À moins que ce ne soit qu’un coup de pub pour booster le documentaire sur Paul Pogba, sa vie, son œuvre ( à 29 ans !). Baptisé Pogmentary, il vient de sortir sur Prime. 

Pour l’instant, en dehors du penalty récemment raté, Mbappé n’a pas l’air de souffrir d’un maraboutage.

Mais, mine de rien, ça risque de foutre une mauvaise ambiance dans les vestiaires de l’équipe de France de foot… Or ce n’est pas le moment à trois mois du mondial… 

Ça sent mauvais pour une troisième étoile sur le maillot des bleus, Je ne suis pas superstitieux, mais touchons du bois ! 

Berlin-Est 1989 : Gorbi, Hilf uns! Gorbatchev aide-nous…

C’était en octobre 1989 à Berlin-Est, le 7 octobre. 

Ça craquait un peu partout dans le bloc de l’Est. 

Depuis qu’au printemps précédent, la Hongrie avait décidé de démanteler les barbelés qui la séparaient de l’Autriche, le rideau de fer commençait à avoir des trous.

Mais la RDA, la République Démocratique Allemande, avait prévu de fêter son 40 ème anniversaire.

Et l’État « des ouvriers et des paysans », dirigé d’une main de fer par Erich Honecker, un communiste tendance Staline, en tout cas pas du tout dans la ligne glasnost et pérestroïka, avait tout organisé « à l’ancienne » : défilé militaire, spectacles des FDJ, les jeunesses communistes, et la présence de tous les dirigeants des États « frères », et donc forcément celui du « grand frère » soviétique, en l’occurrence Gorbatchev. 

La presse et les médias de l’Ouest étaient les bienvenus pour diffuser des images du bonheur socialiste est-allemand, de cette Allemagne aux avant-postes de la lutte anticapitaliste, protégée par le mur, baptisé par le régime : « antifaschistischer Schutzwall » « Mur de protection antifasciste ». 

Envoyés spéciaux de TF1, nous nous préparions à n’être autorisés à filmer que les défilés, les discours officiels, les micro-trottoirs « spontanés » avec des spectateurs auxquels on avait bien appris la leçon. 

Tout avait été bien préparé. 

Tout, sauf l’attitude de Gorbatchev.

Par sa seule présence, le dirigeant soviétique faisait naître l’espoir d’un changement. 

Dans la foule pourtant triée sur le volet, parmi les slogans officiels, quelques pancartes insolites en russe : « J’aime Gorbatchev ». Quelques cris aussi : « Gorbi ! Gorbi ! Hilf uns ! Gorbi, aide-nous ». Et ces cris devinrent de plus en plus forts quand Gorbatchev décide, à la stupeur des organisateurs de prendre un bain de foule. 

Que faire ? on ne va pas empêcher le patron, le chef du Kremlin de faire ce qu’il veut. 

Gorbatchev discute alors avec la foule, qui lui crie « aide-nous ». 

Et un peu plus tard, Gorbatchev déclare aux dirigeants est-allemands tétanisés : « Celui qui est en retard sur l’histoire est puni par la vie ».

En fin d’après-midi, alors que la réception officielle bat son plein dans le Palais de la République, aujourd’hui détruit, et qui avait été construit sur les ruines de l’ancien palais royal de Berlin, des petits groupes de manifestants commencent à se masser sur la vaste place située sur l’arrière du bâtiment de l’autre côté de la rivière Spree. 

Ils appellent Gorbatchev, ils reprennent les slogans sur la liberté de voyager, sur « ouvrez le mur ». Certains officiels sortent sur les balcons pour voir ce spectacle totalement stupéfiant, la police intervient brutalement, la Stasi, la police politique, habillée en civil, mêlée aux manifestants est particulièrement brutale. 

Ce qui devait être la fête du bon élève du bloc de l’Est se termine dans les cris, les gaz lacrymogènes, les explosions, la confusion. 

15 jours plus tard, Erich Honecker était limogé. 

Un mois plus tard, le mur ouvrait. 

Un an plus tard, les deux Allemagnes s’unifiaient. 

Climat, sécheresse, catastrophes: Nous avons tous des mémoires de poisson.

« Historique ! du jamais vu ! »

« Cela fait 50 ans que j’habite ici, et je n’avais jamais vu ça. » 

Incroyable notre capacité à oublier les choses qui fâchent ! 

Pas par mensonge, juste par absence de mémoire. 

Il y a très, très longtemps – quelques milliers d’années quand même : c’est beaucoup pour un être humain, mais peu pour la planète – quand nos ancêtres ont colonisé l’Amazonie ou les Alpes par exemple, ils ont dû s’adapter à des environnements dont la puissance les dépassait totalement. 

Comment inscrire dans les mémoires collectives, transmettre de générations en générations le souvenir qu’ici les eaux en période de pluies peuvent monter 10 mètres au-dessus du niveau habituel ou que là sur cette pente, ce couloir bien exposé et à priori accueillant peut devenir une zone mortelle de coulées de neige et d’avalanches.

Qui se souvient, qui a – ou n’a pas – transmis le souvenir de 1970 ? L’hiver le plus meurtrier depuis des siècles dans les Alpes françaises. 

10 février 1970, une avalanche dévaste le centre UCPA de Val d’Isère en Savoie : 39 morts, essentiellement des enfants et des ado piégés. Deux mois plus tard, le 5 avril, la catastrophe du Plateau d’Assy, 71 personnes tuées dans une coulée de boue et de terre.

Il a fallu ces catastrophes pour provoquer une prise conscience, avec notamment une loi instaurant les plans d’exposition aux risques. 

Pourtant, ce n’était pas le réchauffement climatique qui était en cause mais bien les constructions et les aménagements anarchiques dans des milieux fragiles. 

Nous voulons tous vivre les pieds dans l’eau ou la tête avec vue. Cela nous a poussé à construire, à bétonner, à densifier partout et n’importe comment ; Sans intégrer l’expérience parfois millénaire de ceux qui nous ont précédé.

Avant d’accuser le changement climatique, une réalité pourtant, balayons aussi devant nos portes. Essayons d’avoir un peu plus de mémoire que les poissons, un tour de bocal et j’ai oublié le tour précédent. 

Et en matière de poissons, ce rappel photographique sorti des archives municipales de Lyon (merci Le Progrès !) : le Rhône à sec à Lyon à l’été 1894…

Pour paraphraser Aimé Césaire : « un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ».

Incendies, tornades, épidémies, guerre-s: L’impression que c’est la merde ! (Un peu, beaucoup ?)

Heureusement que l’ambiance est encore estivale, c’est-à-dire que nous sommes plutôt enclins à écouter le chant des cigales, le tintement des glaçons dans les verres, les rires et les voix des discussions qui se prolongent tard dans la nuit, tout cela enveloppé dans une odeur de fruits murs (xi,xi,xi , les cigales, gling, gling, les glaçons, hi, hi, hi pour les rires, houpf, houpf, pour les fruits). 

Mais attention au choc du retour quand vous allez vous prendre en pleine tronche le mille-feuilles indigeste des mauvaises nouvelles. 

Une petite liste à la Prévert (c’est le point culture ok boomer) de toutes les catastrophes : 

Les méga feux, les dômes de chaleur, les tornades, les inondations, les rodéos – mais pas ceux du Texas – les attentats, la/les guerre/s, l’Ukraine, allons-nous tous être vitrifiés par une explosion nucléaire ? Y-aura-t-il de la neige pour Noël (c’est un autre point culture ok boomer) ? Y-aura-t-il du gaz pour Noël ? l’extrême-droite va-t-elle gagner en Italie ? Et où va le Mali ? Trump va-t-il continuer à pourrir la démocratie américaine ? Lula ou Bolsonaro ? Notre endettement va-t-il nous péter à la gueule ? La Chine va-t-elle envahir Taïwan ? Et puis bien sûr, covid, le retour. 

Comme une info chasse l’autre à un rythme accéléré, il faut essayer de capter notre attention. Donc, chaque nouvelle « info » se doit d’être historique, et les questions posées sont forcément anxiogènes : c’est une des lois de la circulation de l’information : un chien qui mord un évêque ce n’est pas une info, mais un évêque qui mord un chien, c’est une info. 

Ce qui est nouveau, pourtant, ce qui est historique, vraiment, c’est qu’il y a encore 30-40 ans, il fallait des jours, parfois des mois, et parfois jamais, pour être mis au courant d’une catastrophe, d’un événement, d’un fait divers se passant dans des zones les plus reculées de notre pays ou de la planète. Aujourd’hui, le web est partout, je suis partout (autre point culture ok boomer) et instantanément. 

Une énorme bête qui attaque des enfants dans le Gévaudan (Lozère, Haute-Loire) ? sous Louis XV il fallait plusieurs années pour que ça remonte à Paris, aujourd’hui c’est tout de suite en direct sur les chaines infos ou sur Twitter, et Lille commence à avoir peur. 

Une agression au couteau à Nantes ? quelques minutes plus tard, c’est Strasbourg qui a peur. 

Le battement d’une aile de papillon à Hong Kong est connu immédiatement depuis Palavas-les-Flots jusqu’à Verkhoïansk,

C’est ce que Gérald Bronner appelle : « L’Apocalypse cognitive ».

Le déferlement d’informations a entraîné une concurrence généralisée de toutes les idées, une dérégulation du « marché cognitif » qui a une fâcheuse conséquence : capter, souvent pour le pire, le précieux trésor de notre attention.

Oui, le monde change, oui, il y a des catastrophes, des agressions, des meurtres, des dangers, mais tout va-t-il si mal ? Était-ce vraiment mieux avant ?

Avons-nous raison d’avoir l’impression que tout va mal et que nous vivons un jour de merde sans fin ?

Mais qui avait déjà lu les « versets sataniques » ?

Mais qui avait déjà lu les « versets sataniques » ?

Les mots manquent face à l’agression de l’écrivain Salman Rushdie, apparemment par un débile ? un fou ? un fanatique ? un fou de Dieu ?

En tout cas, un mec qui a (sans doute) voulu suivre la fatwa de l’ayatollah Khomeiny appelant à assassiner l’auteur des « versets sataniques ».

On hallucine quand on pense que l’agresseur n’a même pas l’âge de cet ordre assassin, qui remonte à plus de 30 ans.

L’objet du soi-disant scandale : Les « versets sataniques » : un livre que la plupart n’ont pas lu, dont beaucoup parlent sans même l’avoir ouvert. Et d’ailleurs personne n’a jamais été obligé de le lire.

Moi je l’ai lu, il y a déjà une vingtaine d’années. 

Était-ce un tissu d’injures, de grossièretés, de blasphèmes ?
Pas du tout. 

Les Versets sont un roman foisonnant, picaresque, plein des fantaisies. 

On y retrouve la plume, la langue, l’écriture, l’imagination, l’humour de Rushdie, dont j’avais notamment beaucoup aimé un autre roman « Les enfants de minuit » qui nous plongeait dans un Bombay-Mumbai, grouillant de vie, de mélanges mais aussi d’affrontements entre musulmans et hindouistes. 

Que des croyants puissent être choqués par des caricatures de leur religion, c’est leur droit.

Les chrétiens, les catholiques par exemple, ne sont pas épargnés par les caricatures. Qui souvent ne font pas dans la finesse. 

Ils protestent, manifestent éventuellement, saisissent la justice. En 1988, il y a même eu un attentat contre un cinéma projetant « La dernière tentation du Christ ». 

Mais la plupart du temps, tout cela en reste là, fort heureusement. Et aucun, à ma connaissance, n’a pris un couteau ou une kalash pour massacrer le premier mécréant venu, en tout cas chez nous. Mais quand on voit ce qui se passe sous d’autres cieux, où haine et intolérance font des milliers de victimes chaque année, on peut mesurer notre chance. 

En fait il ne s’agit pas de chance. 

Cette liberté, cette liberté d’expression qui est l’ADN de nos démocraties n’est pas tombée du ciel. Elle a été acquise de haute lutte. 

Pendant des siècles dans l’occident chrétien, on pouvait être excommunié, torturé, brulé pour moins que ça. Les chrétiens ont eu leur lot d’inquisition, de livres brulés, de guerres et de massacres commis au nom du « vrai Dieu ». Dans quelques jours, ce sera le 450 ème « anniversaire » des massacres de la Saint-Barthélemy. N’oublions pas.

Justement n’oublions pas. Et revenons aux Versets lus pendant mes trajets en train. Un livre touffu de près de 800 pages écrites tout petit. Honte sur moi : Je ne suis pas arrivé au bout. 

À l’époque, je sortais le livre de mon sac sans crainte. 

Aujourd’hui, je me pose la question. Quelqu’un pourrait-il me faire une remarque, voire m’agresser si je sortais ce livre ? 

Le fait même d’en arriver à me poser cette question, me consterne. 

Concert de Marisa Monte, Chico Buarque et moi, moi, moi…L’angoisse du spectateur qui n’assume pas le fait de faire un selfie pendant un concert.

Marisa Monte à Paris mal filmée par mes soins
Le concert de Marisa Monte à Paris mal filmé par mes soins

Ma dernière tentative de selfie et de story m’a foutu la rchouma

C’était vendredi dernier pendant le concert, le seul à Paris, d’une des plus grandes chanteuses brésiliennes : Marisa Monte. 

Normalement, je me conduis en garçon bien élevé : Je respecte ce qui est demandé par l’artiste : ni photo, ni téléphone. 

Mais je devais bien être le seul, car autour de moi, tout le monde a passé le concert à faire des selfies, des lives etc…

D’un coup, j’ai mesuré à quel point un fossé me séparait de cette nouvelle génération – comment faut-il l’appeler après les générations X, Y, Z, Millenium ? Appelons-la « génération nombril ». 

Car, si j’ai bien compris, l’important n’est pas d’assister à un concert, mais de se filmer en train d’assister à un concert. 

L’important n’est pas d’admirer la Joconde au Louvre, mais de faire un selfie : moi et la Joconde. 

L’important n’est pas ce que j’ai dans mon assiette au restaurant, mais d’instagramer mon assiette, ensuite un petit coup de filtres, et ça devient : Tous photographes. Et on tague, et on hashtague, et on partage.

Notre vie aujourd’hui est épuisante, car nous devons nous mettre en spectacle en permanence et plus c’est personnel, plus c’est nombriliste, mieux c’est. 

Question de génération ? pas sûr, parce que je vois bien que même les vieux s’y mettent, à instagramer voire même à tiktoker. 

C’est peut-être plus une question d’éducation ou de valeurs. 

Prenez les journalistes aujourd’hui, les reporters. Je fais partie d’une école qui pensait que ce qui était important c’était le sujet, c’étaient les personnes que l’on rencontrait, que l’on interviewait. « Quelque part » il fallait rester en retrait derrière son reportage. 

Aujourd’hui – et bien sûr, je ne parle pas des formidables consoeurs/frères qui font preuve d’un courage qui force l’admiration pour essayer de continuer à couvrir l’actualité en Ukraine ou dans toutes les zones de conflits – non je parle du journaliste qui se fait filmer en train d’enquêter. Ce n’est plus le reportage qui est le sujet du reportage, mais le reporter en train de faire le reportage. 

Aujourd’hui c’est génération « Tintin reporter ». 

Pour revenir au concert de vendredi, je l’avoue j’ai un peu le seum. 

Car même si j’ai fini par rebrancher mon smartphone et que j’ai essayé de filmer quelques secondes du concert, j’avais tellement mauvaise conscience que le résultat est nul. 

Le comble est que le hasard m‘avait assis à côté de Chico Buarque… Vous vous rendez compte ?  Sans doute pas. 

Chico Buarque de Hollanda, un des plus grands chanteurs, compositeurs, auteurs brésiliens. Un des pères de la MPB (la nouvelle musique populaire brésilienne), l’auteur de “Pedro Pedreiro”, de “construção”, emprisonné par la dictature militaire en 1968, exilé en Europe d’où cette chanson nostalgique, le « Samba de Orly » … 

C’était comme si j’avais été assis à côté de Ray Charles, Celia Cruz, Jacques Brel, tout ça réunis. Je me suis comporté comme le pire des groupies, incapable de lui dire 2 mots intelligibles, incapable de faire un seul selfie « moi avec Chico Buarque », juste une photo volée…

Ça m’en a gâché le plaisir de ce concert qui était absolument topissime.  Quand la musique brésilienne atteint ces sommets-là, ça vous booste et ça vous rend optimiste. 

A l’image de Marisa Monte qui dans une interview au Monde répondait : « Le Brésil, on s’en fait souvent l’idée d’un pays très joyeux mais il a vécu énormément de drames. La période que nous traversons actuellement est difficile. Nous allons récupérer cette joie. J’espère que nous arriverons bientôt à la fin d’un cycle, à une période lumineuse et d’humanisme. Nous devons y parvenir même si ce n’est pas encore gagné. ». 

Au Brésil les prochaines élections se dérouleront en octobre prochain…

Jubilé Elisabeth : Ah! ça ira, ça ira… Et merde pour le roi d’Angleterre qui nous a déclaré la guerre.

Nous devons tout.e.s être schizophrènes. Nous françaises, français.

D’un côté nous passons notre temps chez nous à vouloir couper toutes les têtes qui dépassent, à tenter de déchouker tout ce qui rappelle l’autorité, à râler contre notre système présidentiel, à critiquer les présidents « monarques républicains », à nous dire insoumis, indignés, à mettre nos pas dans ceux de nos nombreuses révolutions, liberté égalité fraternité, et de l’autre, qu’est-ce qu’on apprend ? 

Que des millions d’entre nous se pâment devant le jubilé d’Elisabeth. 

Que nos télés diffusent en direct et en boucle les émissions spéciales Elisabeth-II-une-vie-un-règne.

Certes ça nous change de la guerre, de la pandémie, de notre vie politique qui ne fait rêver personne, mais sur le fond…

D’abord, la reine n’est pas Élisabeth 2 pour tout le monde. 

Notamment pour une partie des écossais nationalistes, qui rappellent qu’elle ne peut être qu’Elisabeth 1. Car à l’époque vers 1550, c’était Marie (de France) qui était reine d’Ecosse. La pauvre fût emprisonnée puis décapitée par sa cousine Elisabeth d’Angleterre. 

Le pire ce sont les commentaires, à longueur d’émissions avec force spécialistes, tous dégoulinants de niaiseries et componctions. « Je l’admire » « Quelle classe » « Quel courage ».

Elisabeth II en mère Courage ? 

Non mais on se pince. Courage de quoi ? d’être née avec une cuillère en argent et des rivières de diamants dans la bouche ? de ne pas pouvoir faire un pas sans qu’une ribambelle de domestiques, majordomes, cuisiniers n’anticipent ses moindres désirs. D’avoir tout au long de sa vie, vécue aux frais de la princesse, et en l’occurrence, aux frais de ses « sujets » ?

De n’avoir accepté que récemment de payer des impôts ? 

D’être à la tête d’une des plus grandes fortunes de Grande-Bretagne ? 

D’être la plus grande propriétaire foncière du royaume? 

De posséder une grande partie de Londres ? 

Ouh ! ça doit être dur …

En plus, politiquement, elle n’a rien à dire, rien à faire, elle n’est responsable de rien.

Franchement pour tout ça, je suis prêt à endurer 70 ans de réveil à la cornemuse. 

On nous vend également Elisabeth comme étant la descendante de 1000 ans de souverains. Oui, enfin, pas tout à fait en ligne directe, parce qu’elle n’est ni Plantagenêt, ni Tudor, ni Stuart. Les Windsor sont autant Windsor que vous ou moi. En fait, ils sont d’origine allemande : Saxe-Cobourg. 

Allemands comme le grand-père, Albert, comme le mari, le Prince Philip, plus danois, allemand ou grec qu’anglais. La royauté anglaise, c’est comme pour le foot : à la fin ce sont les allemands qui gagnent. 

 Et puis ne venez pas pleurnicher en regrettant que « nous » ayons coupé la tête de nos rois. Les anglais l’avaient bien fait, et à la hache, 150 ans avant notre révolution.

Ceci dit, chapeau bas quand même. Et en matière de chapeau, c’est vrai que le ringardisme d’Elisabeth a fini par devenir un dress-code. Chapeau bas, parce que les fêtes liées à la royauté en Grande-Bretagne, c’est mieux que Disney, les JO, et le bicentenaire de 1789, réunis : Une stratégie de communication mondiale inégalée, une pompe à fric touristique formidable. Avec tellement de produits dérivés, de mugs, de T-Shirts, que même notre (superbe) 14 juillet ne peut égaler. 

Ceci était un article sans-culotte. Cependant…J’admets quand même que Macron devant la pyramide du Louvre ou au Champ de Mars, ça fait moins rêver que « trooping the colour », bonnets à poils compris.

Kendrick Lamar, deep fake, et démocratie.

Le nouveau clip de Kendrick Lamar, “The Heart Part 5“, fait le buzz. Comme d’ailleurs tout l’album, véritable événement 5 ans après « Dawn ». 

Vous ne vous sentez pas concernés ? Vous avez tort. Lamar est un artiste complet qui crève l’écran non seulement du hip-hop, du rap, de la musique, de l’industrie musicale américaine, mais aussi un poète, un artiste de la langue anglo-américaine, Prix Pulitzer en 2018.

Un auteur engagé dont les textes tranchent par rapport au flow de beaucoup de rappeurs, notamment français, qui le plus souvent ne dépassent pas les  « suce ma bite » et « toutes des taspé sauf ma rome ». 

Pour ce dernier clip, le chanteur a utilisé ces nouvelles technologies de traitement de l’image dites de « deep fake » pour transformer son visage en ceux de Kanye West, Will Smith, Kobe Bryant…

C’est très bien fait. Pour autant ce n’est pas une première. Gardons-nous de l’impression qu’avant nous il n’y avait rien, qu’avant nous personne n’y aurait pensé. 

Bien sûr, il est compréhensible que pour se vendre, il faut arriver avec un discours du style : « Coco, je te propose un concept totalement new, qui va révolutionner la télé. Il y aura un avant et un après ».

Mais remontons d’une vingtaine d’années, 25 ans, et re-visionnons par exemple « The hunter », «Le chasseur », le clip de Björk, la chanteuse islandaise totalement azimutée. 

Filmée comme Kendrick Lamar aujourd’hui, en plan serré, Björk, crâne rasé, tête blafarde sur fond blanc, chante en grimaçant, et en secouant la tête qui se transforme en ours polaire, qui à son tour redevient Björk, et ainsi de suite. Bluffant. Surtout, comme on dit, avec les techniques de l’époque. 

Ne pas avoir conscience que nous ne sommes que la dernière couche d’une succession de couches apportées par celles et ceux qui nous ont précédé est une erreur qui certes est commune de siècles en siècles à toutes les nouvelles générations, mais qui est particulièrement forte à notre époque. Et c’est un peu le talon d’Achille de notre société du tout image, de l’information instantanée, être partout tout le temps et en continu. Une immédiateté chasse l’autre, un événement remplace un autre événement, tout est important, tout est « breaking news ». Nous ne sédimentons pas. Nous ne prenons pas de recul. Nous surfons sur l’actualité sans jamais nous arrêter. 

Avec son très beau clip, Kendrick Lamar veut une nouvelle fois parler de la condition des noirs aux Etats-Unis. Mais il veut aussi attirer notre attention sur les dangers que nous font courir ces nouvelles techniques de traitement des images. Le « deep fake » est largement utilisé en politique pour discréditer des opposants. Comme lorsque les Russes diffusent une vidéo du Président ukrainien Zélinski en lui faisant dire le contraire de ce qu’il dit. 

L’on voit bien ici le revers de la médaille de la formidable révolution que connaît notre monde où la circulation de l’information est devenue centrale. Nous sommes submergés par le flot d’informations. Nous sommes menacés par « L’apocalyspe cognitive » comme l’explique l’excellent ouvrage de Gérard Bronner : « Jamais, dans l’histoire de l’humanité, nous n’avons disposé d’autant d’informations et jamais nous n’avons eu autant de temps libre pour y puiser loisir et connaissance du monde. Mais ce rêve risque désormais de tourner au cauchemar. Le déferlement d’informations a entraîné une concurrence généralisée de toutes les idées, une dérégulation du « marché cognitif » qui a une fâcheuse conséquence : capter, souvent pour le pire, le précieux trésor de notre attention. Nos esprits subissent l’envoûtement des écrans et s’abandonnent aux mille visages de la déraison». 

Pour vérifier, sourcer, remettre en perspective, prendre du recul, il nous faut plus que jamais des professionnels de la communication : des journalistes.

Plus que jamais indispensables pour le bon fonctionnement de nos démocraties.

Que va-t-il rester du port du masque et des gestes barrières ?

Ça y est ! À la poubelle les masques ! 

Même pour un ministre (belge), le port du masque n’est pas si facile que ça le masque.

Il était temps. Parce que le port du masque, c’était devenu n’importe quoi. Car il y a port du masque et port du masque. En fait, il faudrait écrire : porc du masque. Sale, crade. (Désolé, les cochons à la queue en tire-bouchon, je sais que quand vous gambadez sous les chênes à vous nourrir de glands, vous êtes tout sauf sales). 

Dans les transports, tout le monde ou presque portent/aient le masque, mais plus par peur de l’amende que par peur du covid. Et franchement, à quoi servaient encore tous ces masques fatigués, pliés, dépliés, sortis et remis dans la poche des dizaines de fois, portés comme des caches barbes, comme des bandanas ou en durags ? Si ce n’est d’être autant de nids à microbes ou à virus ; ou à cacher ses vrais sentiments, ceux qui au-delà des mots sont révélés par les expressions du visage.

Tant mieux donc si les masques trouvent le chemin des poubelles. 

On a dit poubelle, pas par terre, pas jetés n’importe où. Les masques : une pollution plus invasive encore que les – bientôt- feu sacs plastiques. Et puis si le masque ça marche, ou en tout cas, ça aide contre la transmission de virus, c’est à condition d’en respecter le mode d’emploi : ne pas toucher le masque avec les doigts, bien le positionner, le jeter au bout de 4 heures et le mieux, porter des masques FFP2, vous savez ces masques en bec de canard qui coutent un bras. Le port du masque fonctionne bien dans les hôpitaux, par les professionnels de santé, mais dans notre vie de tous les jours… 

Mais si les masques tombent, il est dommage que nous jetions le bébé avec l’eau du bain, que nous abandonnions ces autres gestes : aérer nos appartements ou nos bureaux et se laver les mains. On appelle ça …l’hygiène. 

Or l’hygiène continue à ne pas être notre point fort à nous français. Et le covid n’y aura rien changé. Comme le disent nos amis allemands, pas étonnant que les Français aient choisi le coq comme symbole national, c’est le seul animal qui chante tout en ayant les pieds dans la merde. 

Zemmour à Saint-Tropez. Cruchot est sauvé!

Soirée blanche ? non, Zemmour en nouveau chevalier blanc face au danger qui vient du sud.

Eric Zemmour a donc décidé que sa croisade – pardon sa reconquête – passerait par Saint-Tropez.

Un choix qui pourrait surprendre de la part de celui qui se présente comme le porte-voix des sans voix, le défenseur de la France périphérique, le pourfendeur du relâchement des mœurs conséquence de la libération des femmes.

Il aurait pu sauter sur Saint-Affrique, Saint-Denis, ou le Ch’nord. 

Que nenni ! Zemmour n’est ni chti ni Tuche. Il est méditerranéen (?!), comme Mélenchon, comme Rachida Dati, comme Djamel Debbouze. Il est seulement moins drôle. 

Saint-Tropez, ça fait donc sens.

Et puis Saint-Tropez, ça évoque tout de suite… la France périphérique, les fins de mois difficiles. Saint-Tropez, ça permet de se rendre compte qu’on n’est pas riche. Mais ce qui est extraordinaire c’est qu’à Saint-Tropez les pauvres n’en veulent même pas aux riches. Les gilets jaunes laissent leurs gilets aux ronds-points extérieurs. Quand on déambule devant Sénéquier pour admirer des yachts dont un seul paierait nos retraites pour plusieurs vies, on brandit le smartphone pour s’instagramer, pas des panneaux avec : «Mon ennemi, c’est la Finance ».

Saint-Tropez, ça évoque aussi BB, Brigitte Bardot, la Madrague, coquillages et crustacées. C’est la libération des mœurs, les seins nus, « Bonjour tristesse », les soirées Blanche, les nuits au VIP-room. Bref, des écuries d’Augias, stupre et décadence. 

Zemmour arrivera-t-il à faire un grand ménage ?

Peut-être, car – hélas, comme on le sait – Brigitte Bardot ne se contente pas de défendre les animaux, elle se laisse parfois aller à des dérapages idéologiques que même Zemmour n’ose pas, en public. Nul doute que le candidat arrivera donc à trouver quelques oreilles compréhensives et quelques votes. Mais peut-être moins que les autres candidats, notamment ceux du RN.

Saint-Tropez, ça évoque aussi bien sûr… les gendarmes. Et Truchot, le maréchal des logis-chef, immortalisé par Louis de Funès. 

Truchot qui aurait bien eu besoin à l’époque du renfort d’un Zemmour pour lutter contre les seins nus et le relâchement des mœurs. Et d’ailleurs quel symbole ! La gendarmerie de Saint-Tropez n’a pas eu le temps d’être classée au patrimoine national de l’UNESCO, elle a été fermée, son bâtiment transformé en musée. Belle démonstration du recul de l’État dans les territoires. Il faut sauver le maréchal des Logis Truchot. Un beau combat pour notre chevalier blanc.

Et puis on l’oublie trop souvent, Saint-Tropez est située en plein sur le front, sur les rives de cette mer Méditerranée qui n’est plus la nôtre depuis au moins 1962, et de l’autre côté de laquelle se tapit l’envahisseur prêt à nous sauter dessus : les arabes qui après nous avoir chassé d’Algérie veulent nous envahir. Depuis Saint-Tropez, Zemmour sera en première ligne pour guetter l’invasion.

Enfin, Saint-Tropez, Antibes, Juan-Les-Pins, en 1944, c’est là que débarquèrent les Forces Françaises Libres, c’est de là que partirent la reconquête et la libération de notre beau pays occupé par les nazis. Merci à ces valeureux soldats (dont mon oncle Jo) qui nous libérèrent, à la tête d’unités dont la plupart des soldats étaient des arabes et des noirs, leurs frères d’armes pourtant. 

À l’époque on ne leur avait pas trop demandé leurs papiers, et en dehors des nazis, personne ne songeait à les renvoyer chez eux. 

Mais il est vrai qu’à l’époque beaucoup de français s’en étaient remis à Pétain, plutôt qu’à De Gaulle. 

Oui, Saint-Tropez, ça fait sens. 

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