Ce lundi 5 décembre, vingt hommes et femmes sont partis pour une expédition de 40 jours dans la forêt équatoriale guyanaise. Baptisée, « Deep climate », son objectif est de mesurer l’adaptation du corps humain à des conditions climatiques extrêmes. Sic…

Voilà c’est dit et vu d’ici, vu de la France « métropolitaine », on a tout de suite des images : La Guyane avec son immense forêt impénétrable, hostile, la forêt vierge, on imagine qu’à chaque pas nous sommes les premiers êtres humains (civilisés) à se frayer un chemin entre les lianes, avec les mygales, les serpents et les fourmis rouges prêtes à nous bondir dessus. 

Cette vision de l’enfer vert a été confortée par 500 ans de malentendus. 

Pourtant, tout avait bien commencé : 

Colomb et ses envahisseurs espagnols ont d’abord été séduits par la douceur du climat « aussi doux qu’un printemps en Andalousie » écrit Christophe Colomb dans son journal. 

Il faut dire qu’en Guyane par exemple, la température n’est jamais extrême, entre 21 et 31 °C toute l’année, nuit et jour…Il n’y a jamais de canicule, jamais de vague de froid.

Ensuite, ça s’est vite gâté. 

Car tenter d’explorer la Guyane en habit de chevalier, avec armure et chaussures qui pourrissent, ce n’était pas forcément une bonne idée. 

Vouloir y pratiquer une agriculture comme en Castille ou en Normandie, c’était forcément une mauvaise idée. 

Chaque siècle a apporté sa couche de tentatives catastrophiques de « colonisation » par les européens. Le désastre de Kourou, le bagne, à chaque fois des projets conçus en Europe sans tenir compte de ce qu’est la Guyane, de son environnement, puissant.

Et puis le pompon, ce sont ces expéditions survie, aventure, un peu comme si on allait faire l’Himalaya. Il y a eu la tragique expédition en solitaire de Raymond Maufrais, disparu en forêt et dont on ne retrouva que le journal. Publiées dans les années 1950, « les  Aventures en Guyane » ont excité l’imagination de nombreux baroudeurs de tous bords.

Justement la comparaison est intéressante. Il ne viendrait à personne l’idée (sauf malheureusement chaque année à quelques touristes inconscients), de se lancer à l’assaut du Mont-Blanc (ou de l’Himalaya) en tongs, bermuda et sans guide.

Pour la forêt équatoriale, c’est la même chose. Au lieu d’y aller comme si on était les premiers, peut-être faudrait-il demander aux personnes qui y habitent depuis des milliers d’années.

Car on découvre aujourd’hui que l’Amazonie et les Guyanes ont été beaucoup plus peuplées qu’on ne le croyait, avec des civilisations brillantes, des villes, une agriculture efficace, capable d’abonder des sols qui sous la canopée sont en fait pauvres, des sociétés qui n’ont pas été développées contre leur environnement, comme cela a été le cas avec la colonisation européenne, mais avec. 

C’est ce que prouvent aujourd’hui les travaux et les fouilles menées depuis une vingtaine d’années, par Stephen Rostain, directeur de recherches au CNRS, un des premiers archéologues français à s’être spécialisé sur l’Amazonie.

On redécouvre aussi que les tribus qui n’auraient jamais vu de blancs sont en fait des tribus qui ont fuit les blancs. 

Parce que ce n’est pas le climat, la forêt, les bêtes qui ont fait disparaître les amérindiens, c’est nous, nous avec nos maladies, nos virus. 

En quelques années, la grippe, la variole ont décimé les populations d’Amazonie, comme d’ailleurs celles des Andes ou d’Amérique centrale. Aujourd’hui, on estime qu’en Amazonie, elles sont passées de 10 millions d’habitants à quelques dizaines de milliers. 

Et lorsque les Français, Hollandais, Anglais colonisent les Guyanes, – Cayenne fondée en 1643 – un siècle après les Portugais et les Espagnols, ils découvrent des forêts presque vides, après l’une plus grandes catastrophes sanitaires que le monde ait connue.

Ce n’est pas en Guyane qu’il faudrait faire des expériences survie, mais plutôt dans ces immenses mégalopoles où se concentrent de plus en plus le gros de la population mondiale.

40 jours d’immersion dans les bidonvilles de Lagos, Kinshasa ou Manille, comment y survivre ?  Ça, ça serait un vrai défi pour nos aventuriers européens.

Et ce n’est pas d’expériences survie dont ont besoin les Guyanais d’aujourd’hui, mais de véritables perspectives de développement : C’est quoi le projet pour la Guyane dans les 30 ans qui viennent ? Ça c’est le vrai défi qui intéresse les Guyanais.