Heureusement que l’ambiance est encore estivale, c’est-à-dire que nous sommes plutôt enclins à écouter le chant des cigales, le tintement des glaçons dans les verres, les rires et les voix des discussions qui se prolongent tard dans la nuit, tout cela enveloppé dans une odeur de fruits murs (xi,xi,xi , les cigales, gling, gling, les glaçons, hi, hi, hi pour les rires, houpf, houpf, pour les fruits). 

Mais attention au choc du retour quand vous allez vous prendre en pleine tronche le mille-feuilles indigeste des mauvaises nouvelles. 

Une petite liste à la Prévert (c’est le point culture ok boomer) de toutes les catastrophes : 

Les méga feux, les dômes de chaleur, les tornades, les inondations, les rodéos – mais pas ceux du Texas – les attentats, la/les guerre/s, l’Ukraine, allons-nous tous être vitrifiés par une explosion nucléaire ? Y-aura-t-il de la neige pour Noël (c’est un autre point culture ok boomer) ? Y-aura-t-il du gaz pour Noël ? l’extrême-droite va-t-elle gagner en Italie ? Et où va le Mali ? Trump va-t-il continuer à pourrir la démocratie américaine ? Lula ou Bolsonaro ? Notre endettement va-t-il nous péter à la gueule ? La Chine va-t-elle envahir Taïwan ? Et puis bien sûr, covid, le retour. 

Comme une info chasse l’autre à un rythme accéléré, il faut essayer de capter notre attention. Donc, chaque nouvelle « info » se doit d’être historique, et les questions posées sont forcément anxiogènes : c’est une des lois de la circulation de l’information : un chien qui mord un évêque ce n’est pas une info, mais un évêque qui mord un chien, c’est une info. 

Ce qui est nouveau, pourtant, ce qui est historique, vraiment, c’est qu’il y a encore 30-40 ans, il fallait des jours, parfois des mois, et parfois jamais, pour être mis au courant d’une catastrophe, d’un événement, d’un fait divers se passant dans des zones les plus reculées de notre pays ou de la planète. Aujourd’hui, le web est partout, je suis partout (autre point culture ok boomer) et instantanément. 

Une énorme bête qui attaque des enfants dans le Gévaudan (Lozère, Haute-Loire) ? sous Louis XV il fallait plusieurs années pour que ça remonte à Paris, aujourd’hui c’est tout de suite en direct sur les chaines infos ou sur Twitter, et Lille commence à avoir peur. 

Une agression au couteau à Nantes ? quelques minutes plus tard, c’est Strasbourg qui a peur. 

Le battement d’une aile de papillon à Hong Kong est connu immédiatement depuis Palavas-les-Flots jusqu’à Verkhoïansk,

C’est ce que Gérald Bronner appelle : « L’Apocalypse cognitive ».

Le déferlement d’informations a entraîné une concurrence généralisée de toutes les idées, une dérégulation du « marché cognitif » qui a une fâcheuse conséquence : capter, souvent pour le pire, le précieux trésor de notre attention.

Oui, le monde change, oui, il y a des catastrophes, des agressions, des meurtres, des dangers, mais tout va-t-il si mal ? Était-ce vraiment mieux avant ?

Avons-nous raison d’avoir l’impression que tout va mal et que nous vivons un jour de merde sans fin ?