Comme au temps due Roger Gicquel, COVID19 : la France a peur.

C’est vieux comme le premier cours dans une école de journalisme : On ne s’intéresse qu’aux trains qui n’arrivent pas à l’heure. 

Ou bien encore : « Un chien qui mord un évêque, ce n’est pas une info. Mais un évêque qui mord, ça c’est une info ». 

Cette règle s’applique évidemment aujourd’hui à la pandémie. La peur fait vendre. 

Là aussi – école de journalisme – Roger Gicquel en février 1976 ouvrait le journal télévisé de TF1 avec cette phrase « la France a peur ». En fait il voulait dire le contraire, c’est-à-dire : la peur d’un assassin d’enfant pouvait conduire à des actes et des peurs irrationnels. 

Mais aujourd’hui c’est au premier degré que nos médias choisissent leur vocabulaire anxiogène. 

Le choix des mots (maux ?) est très important ; dans les titres, dans les bandeaux qui accompagnent et donnent le ton des innombrables émissions de débats, de gloses qui ont progressivement pris la place des émissions d’information. 

Pour Omicron, on parle de déferlante, de tsunami pour rester dans le vocabulaire des catastrophes naturelles. Pour les ministres du gouvernement qui sont « cas contact » ou « positif », on parle d’hécatombe

Pour rendre compte des chiffres des tests positifs, on va parler de record historique, telle chaine info va titrer « 1 million de contaminés : un pic jamais atteint ». Etc…

Et puis il est bluffant, de voir, d’entendre tel ou telle confrère-sœur spécialiste jusque-là d’économie, de défense, de politique européenne etc. …devenir épidémiologiste, virologue ou réanimateur. C’en est fini de la prudence. La place est rarement au doute, il faut que ça saigne. 

Certes il existe quelques éclaircies dans ce paysage assez sombre. 

Par exemple, quand le philosophe et physicien Etienne Klein, est interrogé par David Pujadas, à l’occasion de la sortie de son livre « Le goût du vrai » : 

« Les chercheurs cherchent, et ils ne connaissent pas les réponses aux questions qui se posent (sinon, ils ne chercheraient pas !). Mais on les interroge. 

S’ils disent « je ne sais pas », ce qui serait honnête, ils seraient médiatiquement débordés par des gens en sachant moins qu’eux mais plus sûrs d’eux. (…) 

Les gens parlent au-delà de ce qu’ils savent avec une assurance qui est proportionnelle à leur incompétence. 

Or pour savoir qu’on est incompétent, il faut être compétent. »

Peut-être manque-t-il à nos media, à nos confrères l’expérience de terrain, la confrontation avec la réalité celle de la misère, des guerres, des souffrances et des vrais drames, qui avec le temps, rend plus humble, moins péremptoire.

« La tentation la plus grande c’est la tristesse. La complaisance à la tristesse, c’est le mal moral » écrivait le philosophe Paul Ricœur. 

Un mal sans doute plus grave que la pandémie qui – aussi sérieuse et mortelle soit-elle- n’est pas, rappelons-le, la nouvelle grande peste noire.